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L’information tronquée sur l’Afrique

Par Michel Lobé Etamé, journaliste La Chine et l'Inde investissent depuis une décennie en Europe et sont entrées dans le…

Par Michel Lobé Etamé, journaliste

La Chine et l’Inde investissent depuis une décennie en Europe et sont entrées dans le capital des entreprises qui ont fait la fierté et la renommée du vieux continent. Cette coopération est saluée par la presse comme un acte de mondialisation. Dans une période difficile et inflationniste, ces nouveaux partenaires apportent une bouffée d’oxygène à des économies européennes essoufflées et parfois moribondes.

La Chine vient de faire sensation la semaine dernière en s’engageant à financer un tiers du projet d’une nouvelle centrale nucléaire qui va être bâtie par le groupe français EDF dans le sud-ouest de l’Angleterre. Un contrat d’un montant de 24,5 milliards d’euros. Une véritable aubaine, my God !

La Chine « gloutonne » investit à tout va en Europe. Elle a pris la gestion du port du Pirée en Grèce et multiplie ses acquisitions en France, en Grande Bretagne, en Espagne, en Italie et au Portugal. Elle est imitée par le Qatar et ses fonds d’investissements qui ont acheté l’équivalent du quartier d’affaires parisien, La défense, à Rome. L’Indien Mittal est devenu leader mondial de l’acier en achetant la sidérurgie lorraine en France. Un autre indien, Tata, avait déjà acquis le fleuron anglais Jaguar qui est le dernier bastion de l’automobile britannique.

Toutes ces acquisitions des pays émergents en Europe n’ont pas soulevé de protestations. Les médias, si souvent critiques, n’ont pas réagi. Nous pouvons les comprendre. Le chômage, la précarité sociale et l’incertitude du lendemain ne rassurent pas le citoyen.

En résumé, quand la Chine investit en Europe, le tapis rouge est déroulé avec tous les honneurs. Les médias y voient un partenariat opportun, équilibré et fructueux. Les mêmes chinois sont décriés quand ils investissent en Afrique. Les médias occidentaux, bercés dans la suspicion, y voient une spoliation, un déséquilibre. La mansuétude fait place à la pitié et se transforme bien souvent à la paranoïa. . Bref, ce qui est bon pour l’Europe ne l’est pas pour l’Afrique. Une leçon d’échelle des valeurs s’installe.

L’Afrique doit choisir sereinement ses partenaires économiques
Existe-t-il un consensus entre les médias européens sur la distillation de l’information sur l’Afrique? Voilà une question ouverte qui a le mérite de dresser les cheveux des plus récalcitrants. En effet, chaque fois que les pays émergents et en particulier la Chine investissent en Afrique, les médias européens lancent une croisade contre les dirigeants africains. Ces médias qui aiment tant l’Afrique et qui ont pour elle cette condescendance séculaire ne tarissent pas d’avertissements, de recommandations et de mises en garde.

Une phrase revient : l’Afrique va se faire manger par la Chine. Des propos infantilisants, bien entretenus et partagés depuis l’époque coloniale. Dans cette cabale insensée, irresponsable et faite d’injonctions maquillées, les médias condamnent sans réserve la nouvelle coopération entre l’Afrique et les émergents. Le cordon ombilical qui lie l’Afrique à l’Europe ne peut être coupé. L’Afrique n’a pas le droit de diversifier ses partenaires et de choisir ce qui est bon pour elle. Elle doit rester un bon enfant qui écoute et exécute les recommandations du vieux continent. Le monde peut évoluer, mais il doit rester statique en Afrique, chasse gardée et préservée.

Ironie du sort, l’Inde a accueilli pour quatre jours la semaine dernière, un sommet économique avec l’Afrique. Ce rassemblement inédit a réuni plus de 40 chefs d’état et de gouvernement africains. Elle veut s’implanter en Afrique où son grand rival, la Chine, a pris de l’avance.

L’Inde a décidé va mettre les moyens qu’il faut. Cette coopération va permettre à l’Afrique de diversifier ses partenaires économiques. Une concurrence saine et loyale va permettre à tous les investisseurs désireux d’acquérir les matières premières de répondre à des cahiers de charges jusqu’ici formalisés par les « amis européens » et de mette fin à une situation monopolistique qui a toujours plombé les prix des matières premières et le décollage d’une industrie africaine.

Mais l’Afrique peut aussi se réjouir de ces nouveaux partenaires. En effet, ils s’engagent à transformer sur place les matières premières minières. C’est le cas avec le platine. Le gouvernement zimbabwéen a décidé de ne plus exporter le platine brut, obligeant les industriels à transformer sur place la matière première de nos ordinateurs.
Les nouveaux engagements vont accélérer l’électrification du continent sans laquelle aucun progrès industriel ne peut se réaliser.

L’Afrique a besoin de nouveaux partenaires pour prendre le wagon du progrès économique et social. Cette mutation est irréversible. L’arrivée des émergents mettra aussi un coup de frein aux dirigeants africains formatés à la soumission, à la peur et à la dévotion et qui n’ont pu jusqu’ici décoloniser leurs esprits. La relation de l’Afrique et de l’Europe est très ancienne. Elle doit se poursuivre, mais elle doit aussi s’équilibrer.

Michel Lobé Etamé.
Journalducameroun.com)/n

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