Joseph MBOUOMBOUO NDAM est économiste et auteur d’un livre sur le sujet. Il nous éclaire.
Un plan d’action pour le renforcement de l’intermédiation financière (PARIF) a été proposé au ministre des Finances pour redynamiser le secteur de l’intermédiation financière. Ce plan formule un ensemble de propositions qui devraient permettre de rendre plus effective l’action de ce secteur d’activité sur l’économie du Cameroun. Pour nous éclairer sur le sujet, Joseph MBOUOMBOUO NDAM répond à nos questions. Il a publié « Banque contre microfinance, les enjeux de l’intermédiation financière dans la zone CEMAC ». Il est directeur du cabinet Universal Finance Consult.
Qu’est ce que l’intermédiation financière et quelle est son rôle dans une économie ?
L’intermédiation financière définit le rôle de tampon que les institutions financières jouent entre les agents économiques à capacité de financement et les agents à besoin de financement. Il s’agit d’un mécanisme d’ajustement des positions contraires dont la dimension varie suivant les approches. Dans son approche primaire, on verra l’intermédiaire financière uniquement comme le distributeur de crédit à partir de l’épargne préalablement collectée. L’objectif est de pallier aux nombreux risques d’une rencontre directe entre les épargnants et les emprunteurs. Les deux parties s’ignorent complètement et l’intermédiaire financière polarise tous les risques. Il doit en outre être capable de répondre à première sollicitation aux demandes de retrait des épargnants. La loi des grands nombres est son principal atout qui lui permet d’avoir toujours assez de liquidité pour satisfaire les demandes de retrait. A côté de cette intermédiation dite « de bilan », s’est développée au cours des dernières décennies, une intermédiation dite « de marché » rendue nécessaire par le développement de la finance moderne. Ici, les demandeurs et les offreurs de capitaux sont censés avoir un contact direct, dans la mesure où celui qui veut par exemple placer ses économies en bourse, choisir librement la société émettrice des titres qu’il va acheter. Cependant, de nombreux formalismes sont nécessaires, qui requièrent l’expertise des banques devenues courtiers pour leurs clients sur les marchés financiers. Cette évolution de l’intermédiation financière n’occulte cependant pas sa fonction basique qui est d’assurer la mise à disposition de l’épargne au service de l’investissement dans les meilleures conditions de sécurité et de rentabilité pour les épargnants.
Il y a quelques semaines se sont tenus les travaux de restitution du plan d’action pour le renforcement de l’intermédiation financière (PARIF) au Cameroun; quelle appréciation faites vous de cette nouvelle initiative du gouvernement dans ce domaine?
Cette initiative procède du souci des pouvoirs publics à favoriser la prise des risques par les banques dont l’importante trésorerie a du mal à se mettre au service de l’économie. On ne peut qu’apprécier, en espérant que les recommandations que nous souhaitons pertinentes du panel constitué seront vraiment opérationnalisées, au lieu de demeurer au stade de belles déclarations d’intention. Une rencontre sur les mêmes préoccupations a déjà été organisée il n’y a pas longtemps (3 ans, je crois) et les banques sont restées tout autant frileuses. Il est même à ce jour des institutions de microfinance qui se déclarent en excédent de trésorerie dans une économie à besoin structurel de financement. C’est la preuve que le mal est plus profond qu’il n’y parait et qu’il faut aller au delà des habituelles injonctions aux banques pour examiner tous les paramètres de l’activité bancaire (cadre juridique surtout en matière de recouvrement, système de garanties, ratios prudentiels, facturation des services bancaires, etc.)
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Joseph MBOUOMBOUO NDAM, directeur du cabinet Universal Finance Consult |
Qu’est ce qui explique le succès des filières informelles de financement telles que les tontines sur les filières officielles comme les Banques et les Etablissements de Micro Finance (EMF)?
C’est justement l’absence de formalisme de ces intermédiaires atypiques auxquels il faut ajouter les usuriers malheureusement très actifs dans les basses couches de la population. La prise de décision est très rapide, basée sur l’empathie qui existe entre le demandeur et l’offreur. Mais il convient de relativiser en ressortant les limites de ces circuits qui sont la faiblesse des montants alloués ou la brièveté des termes (parfois quelques jours à peine) qui conservent à l’intermédiation officielle toute son importance
Parmi les textes restitués sur le PARIF, se trouve ceux sur « le capital risque » ou le « crédit documentaire ». De telles options peuvent-elles fonctionner valablement dans un contexte où la confiance fait défaut ?
Le capital risque est une forme de financement qui consiste pour l’établissement financier à injecter des fonds dans une affaire en difficulté dont elle prend le contrôle. Lorsqu’elle aura redressé l’affaire, elle la revendra en réalisant une plus-value. Quand au crédit documentaire, il est une sorte de financement différé, demandé par un acheteur national au bénéfice de son vendeur étranger. La banque de l’acheteur (et subsidiairement celle du vendeur) interviennent pour résorber les nombreux blocages du commerce international (différence de langue, de monnaie, de juridiction.). J’ai du mal à comprendre comment des crédits spécifiques pourraient résoudre le problème général du crédit. J’attends de lire les textes dont vous parlez pour comprendre dans quel sens le PARIF voudrait utiliser ces deux instruments pour booster l’intermédiation financière.
Qu’est ce qu’il faudrait vraiment faire pour redynamiser les filières officielles d’intermédiation financière, et faire de ce secteur un véritable outil de développement?
Une nouvelle restructuration bancaire semble nécessaire pour vraiment domestiquer l’objectif des banques et l’orienter vers le financement de l’économie nationale. Je milite pour un retour de l’état dans le capital des banques pour en orienter les décisions, empêcher que les excédents de trésorerie ne soient transférés aux maisons-mères, veiller à une meilleure justice en matière des rémunérations entre nationaux et expatriés. Les EMF qui ont une meilleure maîtrise de la technologie pour prêter (et se faire rembourser) par les secteurs redoutés des banques (agriculture, secteur informel.) doivent être mieux soutenus, le droit de recouvrement qui a beaucoup plus tendance à protéger le débiteur que le créancier doit être revu. Voilà quelques unes de nos propositions.