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L’Iran veut réaffirmer sa présence en Afrique

Le chef de la diplomatie iranienne, en déplacement dans quatre pays africains en commençant par le Nigeria, cherche des alliés…

Le chef de la diplomatie iranienne, en déplacement dans quatre pays africains en commençant par le Nigeria, cherche des alliés diplomatiques pour faciliter la levée des sanctions internationales

Le chef de la diplomatie iranienne est en déplacement jusqu’à samedi 30 juillet 2016, dans quatre pays africains en commençant par le Nigeria. Mohammad Javad Zarif cherche à nouer des liens économiques avec ces pays et à trouver des alliés diplomatiques en vue de faciliter la levée entière des sanctions internationales.

Le Nigeria, le Ghana, la Guinée-Conakry et le Mali sont les quatre destinations de Mohammad Javad Zarif. Le chef de la diplomatie iranienne ne s’y rend pas seul. Dans ses valises : un aéropage d’hommes d’affaires et des représentants du monde diplomatique. Pour la troisième tournée du ministre des Affaires étrangères iranien sur le continent en quelques mois, l’économie est au c ur du voyage.

D’autant que de nombreux acteurs du monde économique africain montrent un réel intérêt pour la République islamique. C’est le cas de l’Afrique du Sud. Son président Jacob Zuma s’est rendu à Téhéran en avril dernier, lui aussi accompagné de nombreux chefs d’entreprise : la toute première visite d’un chef d’Etat sud-africain en plus de trente ans. Lors de sa tournée de deux jours, il a affiché un objectif concret : « voir les échanges entre l’Iran et l’Afrique du Sud atteindre 1 milliard de dollars d’ici 2020, contre une vingtaine de millions l’an dernier », écrit Jeune Afrique.

Si les deux pays peuvent aspirer à approfondir leurs liens économiques c’est grâce à la levée partielle des sanctions internationales après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien. Grâce à cette nouvelle donne diplomatique, l’Iran et l’Afrique du Sud auraient signé des partenariats dans le domaine de « la recherche et le développement dans l’industrie pétrolière, le commerce, l’industrie, les investissements, l’agriculture et les ressources en eau », explique toujours Jeune Afrique.

En 2015, Hossein Amir-Abdollahian, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, chargé du département arabo-africain déclarait que « l’Iran et le continent africain entretiennent des relations stratégiques ». Ainsi, il appelait « tous les Iraniens actifs dans les secteurs économique, commercial, scientifique et culturel à saisir l’opportunité qu’offre ce continent », rappelle la radio iranienne nationale IRIB.

La tournée qui amène le ministre iranien à Abuja, à Accra, à Conakry et à Bamako se déroule sans doute dans ce même esprit alors que Téhéran s’est fixé des objectifs très précis : cinq ans pour tisser et renforcer ses liens économiques avec le continent africain.

Miser sur l’Iran

Au Nigeria, par exemple, les entrepreneurs locaux sont invités à miser sur la renaissance économique iranienne qui s’annonce. Hassan Momoh, le président de l’entreprise d’exportation VirginGold Nigeria Limited, (ail, gingembre, poivre, aloe vera.) encourage les chefs d’entreprise de son pays à saisir cette opportunité et déplore que le volume des échanges entre les deux pays « soit négligeable ». « C’est inacceptable », s’insurge-t-il.

Quant au Ghana – qui faisait partie de l’itinéraire d’une précédente tournée – les deux pays se sont déjà engagés à promouvoir leur coopération dans l’agriculture. Une coopération qui existe déjà depuis l’ère Ahmanidejad, le prédécesseur de l’actuel président Rohani. « Des discussions ont aussi porté sur des futures collaborations dans les domaines du pétrole et gaz, de la pétrochimie, du raffinage, de la production et distribution d’énergie, de l’industrie légère, du génie civil et de la production de ciment », détaille Commodafrica. Dans le passé, le Ghana a pu compter sur l’aide au développement iranienne dans le domaine de la médecine, de l’éducation et de l’agriculture.

Le Mali a aussi pu bénéficier de ce genre de soutien. Les liens diplomatiques entre les deux pays sont forts depuis trente ans. Une ambassade iranienne a ouvert à d’ailleurs Bamako en 1988.

La présence iranienne en Afrique n’est pas nouvelle
Preuve que les Iraniens ne partent pas de zéro. Les auteurs du livre Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique entre l’Afrique et la France signalent «qu’ils sont présents dans la construction automobile (Iran Khodro Company), dans les hydrocarbures (les exportations de brut iranien se sont fortement accrues vers l’Afrique au cours de la dernière décennie les télécoms (Afrique du Sud) et s’impliquent dans les projets énergétiques.

L’Iran a signé des contrats de coopération avec un très grand nombre de pays africains, couvrant les domaines de la santé, de l’agriculture, de l’éducation ou la sécurité. L’Iran s’est particulièrement lié avec le Soudan et investit au Kenya, en Erythrée et au Sénégal ».

Les échanges entre l’Afrique et l’Iran remontent même à loin, au XVIème siècle pour être précis. Plus récemment, le dernier Shah d’Iran (mort en 1980) avait mis en place une coopération avec l’Afrique du Sud dans le domaine du nucléaire.

Pour contourner les blocages internationaux, Mahmoud Ahmadinejad s’était tourné vers le continent africain en s’appuyant notamment sur l’aide au développement.

Aujourd’hui, il est à nouveau question des sanctions internationales. Depuis janvier 2016, des milliards d’euros peuvent être investis en Iran, les exportations de pétrole iranien peuvent augmenter, les importations aussi. Des sanctions ont donc été partiellement levées. Mais Téhéran a encore quelques obstacles à surmonter pour réintégrer complètement le jeu international.

Les embargos de l’Onu sur les armes conventionnelles et sur les missiles balistiques sont maintenus respectivement jusqu’en 2020 et 2023 respectivement. En 2023, si l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) juge que l’Iran a tenu ses engagements, une nouvelle levée de sanctions est prévue sur les biens dits à double usage comme les logiciels, le transport des biens et technologies couverts par la liste militaire européenne, c’est-à-dire les armes. D’autres sanctions individuelles pourront encore être levées en 2025. C’est la troisième étape qui dépend d’une résolution du Conseil de sécurité.

Pour se préparer à ces échéances, la diplomatie iranienne tente « d’engranger des soutiens qui lui permettrait d’avoir plus de poids pour obtenir une levée des sanctions », explique un analyste à RFI. D’autant que « l’Iran veut à tout prix éviter d’être marginalisé sur un continent courtisé de toute part ».

Au-delà de la concurrence entre puissances, l’Afrique musulmane est témoin de l’affrontement idéologique entre l’Iran – puissance chiite- et l’Arabie Saoudite -puissance sunnite. En janvier 2016, on a eu un aperçu des jeux d’alliances dans la région. Suite à l’exécution en Arabie saoudite d’un important chef religieux chiite, et à la violente réponse de la rue iranienne, Riyad et Téhéran ont rompu toute relation diplomatique.

A peine quelques heures après, la Somalie, le Soudan (allié historique iranien), le Djibouti, l’Erythrée prenaient leurs distances avec l’Iran. Le reste des pays ont choisi de se tenir à l’écart de toute bataille d’influence entre les deux rivaux. « La seule vraie ‘ prise de guerre’ saoudienne en Afrique, depuis un an, aura donc été le Soudan », souligne Le Point. « Pragmatiques, les États africains ont un souci : préserver leur indépendance et leur stabilité économique », poursuit l’hebdomadaire.

Les différentes visites de Mohammad Javad Zarif ont donc pour but d’éviter un nouveau revers diplomatique et de cultiver la bonne entente avec les pays du continent, notamment avec le Nigeria, un grand pays musulman. Son opération séduction s’achève ce samedi 30 juillet 2016 au Mali.

Le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif. Le 22 avril 2016.
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