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Manifestations de Bamenda: déclaration de Ni John Fru Ndi

Par Ni John Fru Ndi, président national du Social democratic front (SDF) En solidarité avec les actions de grève initiées…

Par Ni John Fru Ndi, président national du Social democratic front (SDF)

En solidarité avec les actions de grève initiées par les avocats de la Common Law et les membres des syndicats d’enseignants, les populations de la ville de Bamenda se sont aussi levées pour exprimer les insatisfactions profondes qu’elles nourrissaient depuis longtemps au sujet de la situation déplorable de leur ville et de leur pays.

Poussées par les frustrations soulevées par les conditions désastreuses de leurs routes, de leur système sanitaire, de leurs marchés et de leur éclairage public, elles ont décidé de descendre dans la rue pour revendiquer quelque amélioration et une gestion plus responsable de leur cité. La situation qui prévaut dans cette partie du pays vient accorder encore plus de crédit d’une part aux revendications des anglophones qui se sentent marginalisés et traités comme des citoyens de seconde zone et d’autre part, à leur appel à la sécession.

On y a vu à la fois des vieillards, des jeunes et même des enfants de onze (11) ans décidés à donner leurs vies et à braver le sort pour la quête de l’égalité et de la justice dans une partie du pays qui a fait l’objet d’un grave abandon et de flagrantes injustices. C’est ainsi que suite aux événements du 21 novembre 2016, je suis sorti à 17 :00 pour prendre le pouls de la ville. Partout, j’ai vu des barrages routiers et des populations déterminées à se sacrifier pour faire triompher leurs convictions.

J’ai fait de mon mieux pour les persuader de manifester pacifiquement. Cet appel a été généralement suivi bien qu’ici et là, on pouvait tomber sur des cas de destruction. La rupture totale de la paix et du calme n’a été provoquée que plus tard par des policiers à la gâchette facile fortement déployés dans la ville avec ordre de tirer pour tuer des manifestants aux mains nues. Ils ont ainsi tiré des rafales de balles réelles, des tonnes de boites métalliques de gaz lacrymogène et utilisé des canons à eau contre de manifestants et étudiants pacifiques.

Pour ne pas faire les choses à moitié, je suis rapidement devenu une cible, dans leur plan concocté pour m’éliminer. Le mardi 22 novembre 2016 aux environs de 13H30, des membres des forces armées sont venus à ma résidence qu’ils ont pilonnée en l’arrosant de gaz lacrymogène en y tirant à balles réelles, malgré les tentatives désespérées de mon fils pour les en dissuader qui ont failli lui coûter la vie. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce régime attente à ma vie et met mes nerfs à rude épreuve.

Au début des années 90, des hélicoptères ont lourdement bombardé ma résidence ; j’avais essuyé des coups de feu à Nkwen et ma voiture avait été incendiée par des membres de forces armées. Assigné en résidence surveillée, j’avais regardé impuissant et la mort dans l’âme ma mère être brutalisée, rouée de coups de pied dans l’estomac et être trainée dans la rigole ! À Bafoussam, on m’avait tiré dans les jambes et dangereusement arrosé de gaz lacrymogène. À Yaoundé, ma voiture est tombée dans une embuscade et a été bousculée par des canons à eau en vue de la faire dégringoler dans une falaise.

Lorsque par miracle nous nous en sommes tirés, nous avons cherché refuge à l’ambassade des Pays-Bas. Lors des manifestations pour les 09 de Bépanda, on m’a arrosé avec des canons à eau avec l’intention de me tuer. Partout dans le pays comme à Nkolfong, Pouma, Mbanga, etc., les membres des Forces armées et de l’administration s’en sont pris à moi lors de mes rassemblements et tournées politiques. J’ai été insulté, humilié et taxé de Biafrais par l’administration. En dépit de tous ces attentats et autres actes de provocation, conscient de la fragilité de notre pays, je suis resté ferme et constant dans ma quête pour que toute évolution politique dans notre nation s’opère de façon pacifique.

Lorsqu’on n’oppose à des populations qui n’exercent que leur droit légitime de manifester pacifiquement pour exiger de leur gouvernement un mieux-être que la loi martiale et la brutalité, il ne leur reste plus que la désobéissance totale, les manifestations et la violence. L’escalade dans la vague des évènements de Bamenda ne doit être entièrement imputable qu’à la goujaterie, le bellicisme et la brutalité avec lesquelles les forces de l’ordre ont réagi.

C’est ce genre de comportement irresponsable et incontrôlé qui met en péril la paix que nous prêchons et pour laquelle nous travaillons chaque jour. C’est d’un tel comportement que les populations de Bamenda et la grande majorité des Camerounais ont marre et c’est pourquoi ils veulent que les choses changent. Ce qu’on retient sur le Cameroun d’aujourd’hui est que du Nord au sud et de l’est à l’Ouest règne un mécontentement et un manque de confiance total entre les populations et les pouvoirs publics avec les institutions qu’ils incarnent. Dans l’histoire de ce pays, il n’y a jamais eu un moment aussi déterminant que celui que nous vivons maintenant.

En conséquence, j’en appelle : au gouvernement de retirer toutes les troupes appelées d’ailleurs en renfort et déployées à Bamenda ; Bamenda n’est pas un champ de bataille et ses populations ne méritent pas un tel traitement. A M. Biya de réagir promptement pour trouver une solution aux revendications des avocats de la Common Law et à celles des enseignants auxquels nous sommes solidaires parce que nous convenons que notre pays est bilingue et biculturel, avec un système de justice bi juridique.

A M. Biya encore, de soumettre à la discussion le fameux problème anglophone qui ne se limite pas seulement aux préoccupations des avocats et des enseignants mais qui rejoint celles du grave abandon et de la marginalisation flagrante d’une partie du territoire, ainsi que le non-respect des termes de la Réunification ; L’histoire nous interpelle ici et maintenant pour effectuer les changements nécessaires à la cohésion sociale dans notre pays !


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