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Mode de scrutin actuel, risques inhérents d’instabilité, ou raisons profondes pour une modification immédiate!

Par Hippolyte Nwal

I. Cameroun, pays de l’alternance impossible?
Est-il besoin de le dire ou de le rappeler? Les règles actuellement applicables en matière électorale ne sont pas le fruit d’un consensus entre les différentes parties en compétition. Elles sont le fait unilatéral et exclusif d’une seule parmi elles. Il faudrait beaucoup de naïveté pour s’imaginer que les concevant, elle ait elle-même conçu et mis en place les conditions de son échec électoral, donc de la perte de son hégémonie politique!

« On n’organise pas une élection pour la perdre », dit si bien une expression répandue, qui semble être devenue un leitmotiv parmi les gouvernants Africains. Des règles biaisées à dessein, piégées de manière plus ou moins visible sont toujours le premier élément du dispositif devant conduire à une victoire inévitable.

Dans le cas du Cameroun, pays si particulier du fait de sa grande diversité ethnique, le mode de scrutin actuel n’est propre qu’à susciter une majorité grégaire. Or qui dit majorité grégaire dit majorité tribale, ethnique!

« Une seule ethnie ne peut gouverner le Cameroun toute seule… » a-t-on coutume d’entendre. Même si ce n’est pas faux, cette affirmation ne saurait tenir lieu de vérité absolue. Car l’expérience nous a montré qu’hier c’étaient les Peuhls d’Amadou Ahidjo (Wadjos comme on continue de les appeler couramment), aujourd’hui ce sont les Betis de Paul Biya ; mais à chaque fois, le travail ensuite consiste à consteller a ce noyau de base des éléments individuels, familiaux ou ethniques qu’on associe non pas véritablement a la prise de décision, mais autour du concept figuratif de mangeoire, pour les besoins aussi d’un habillage de circonstance!

* L’expression est récente, elle est du regrette Charles Ateba Eyene; mais autant avec les Peuhls hier, qu’avec les Betis aujourd’hui, il s’agit bel et bien du « Pays Organisateur ». La tribalité du concept de pays organisateur est toujours à l’image de ses contours géographiques. Aujourd’hui, les enjeux associes aux règles en vigueur sont tels que même ce pays organisateur a peu de chances de changer, avec un réel risque de troubles et d’affrontements post-électoraux. C’est dire à quel point ce mode de scrutin est dangereux pour la paix sociale, car il maintient le débat de manière sournoise sous un paradigme ethno-tribal!

J’ai eu à le dire et à le répéter, le tribalisme est de fait institutionnalise au Cameroun, et a des supports identifiables, qui sont les suivants:
1) L’Axe non-écrit dit « Nord-Sud », 2) La règle autant que la pratique de l’équilibre régional, 3) La doctrine dite du Village électoral qui instaure une inégalité de droits et une citoyenneté à double vitesse sur le périmètre national; 4) La loi électorale, et plus particulièrement le mode de scrutin qu’elle consacre. Il me semble vain de parler d’une quelconque lutte contre le tribalisme, tout en s’accommodant des vecteurs ci-dessus identifies.

A la lumière de ce que vient de vivre le grand voisin Nigérian, la nécessite d’une réforme du mode de scrutin n’est plus à démontrer: passer d’un système à tour unique a un système à double tour apporterait un grand bol d’air frais a un contexte politique caractérise par un blocage perceptible, avec son lot d’incertitudes liées aux risques inhérents d’explosion sociale aussi dévastatrice qu’impromptue. Cela permettrait aussi de dépassionner le débat en le déplaçant de ses limites vernaculaires actuelles pour le porter sur le plan des idées et des tractations entre appareils politiques en vue de faire ou de défaire des majorités gouvernementales. Il s’agirait en somme de redonner au politique ses lettres de noblesse!

Pour le reste, assurer l’indépendance et la transparence du processus électoral ne serait pas superflu. Au même titre que la loi électorale elle-même, il a besoin de trouver une assise CONSENSUELLE, gage de la fiabilité et de l’acceptation des résultats, et donc de la paix civile des lendemains d’élections, dont le Nigeria vient d’être le théâtre.

Il n’est pas trop tôt pour les forces dites de l’opposition d’engager une campagne d’explications et de sensibilisation sur la nécessite de telles reformes. Mes discussions d’autre part avec certains membres importants du parti au pouvoir m’autorisent aujourd’hui à dire que nombre d’entre eux sont conscients que la paix sociale en dépend, et sans cette paix sociale, nous devrons cesser de rêver tant de développement que d’émergence. Faute de procéder à ces réformes, l’alternance restera une simple vue de l’esprit, même dans cent ans. Le besoin pourtant est pressant, et réel, en témoignent les v ux exprimes par ci, par la! Sans en faire un dogme, les possibilités d’une alternance dans la direction d’un pays restent un baromètre précieux pour juger de l’état de sa démocratie et de ses Institutions: démocratie véritable, ou démocratie de façade?

D’IMPOSSIBLE qu’elle est aujourd’hui pour les raisons sus-énoncées, le challenge pour notre génération autant que celle des plus jeunes, est de faire de l’alternance déjà une EVENTUALITE, d’en faire une situation politique normale, et protégée par les règles de la République; sans quoi elle ne pourrait jamais devenir REALITE. Cette réalité pourrait très bien prendre forme de manière progressive, en passant par l’autre figure démocratique qu’est la cohabitation. Quel que soit le cas, la décision finale doit revenir souverainement a l’électeur, mais les perspectives doivent apparaitre clairement tant dans la lettre que dans l’esprit de la loi électorale: 2018 POINTE A L’HORIZON, LE TRAVAIL DOIT COMMENCER AUJOURD’HUI. TOUT RESTE POSSIBLE, DANS LE SEUL INTERET DE NOTRE PAYS ET DE NOTRE VIVRE ENSEMBLE, CAR LE MODE DE SCRUTIN ACTUEL NE GARANTIT AUCUNE PAIX, QUELQUE SOIT LE VAINQUEUR EN 2018!!!

II. Une République unie, inclusive, mais démocratique; pour un après-Biya dans la paix et la concorde.*

S’est-on jamais demande pourquoi en France, un Auvergnait pourrait demain succéder à cet autre Auvergnait qu’est François Hollande, sans que cela ne pose un problème au point de provoquer feu, sang et convulsions?

Ou aussi:
– QU’EST-CE QUI POURRAIT EXPLIQUER QUE JEB BUSH BUSH PUISSE DEVENIR PRESIDENT DES ETAT-UNIS D’AMERIQUE APRES LE PERE ET LE FRERE SANS QUE LES PAYS SOMBRE DANS LE CHAOS?

– QU’EST- CE QUI POURRAIT EXPLIQUER LA MEME CHOSE A PROPOS DE HILARY CLINTON APRES LE DOUBLE MANDAT DE SON MARI BILL, AINSI QUE SASHA ET MALIA OBAMA UN JOUR, APRES LEUR PERE BARAK?

C’est autant de questions, qui n’en font en réalité qu’une, que tout Camerounais aimant son pays aurait bien tort de ne pas se poser!!

Parmi les hypothèses avancées pour l’après Biya, l’une d’elle semble faire l’objet de réelles crispations, et pour cause: Il y est notamment question que « par souci d’apaisement », aucun ressortissant du pays dit organisateur actuel ne se porte candidat à la Présidence de la République! C’est la thèse développée il y a peu de temps par le Professeur Hubert Mono Nizzana, sous la forme d’un conseil alors adresse à ses frères Béti. Le Professeur Mono Nizzana y voyait sans doute un sacrifice compensatoire pour les 33 ans à ce jour, de Magistère ininterrompu du Président Paul Barthelemy Biya.

Toute difficile qu’elle puisse paraitre à appliquer, une telle mesure pèche d’emblée par sa non-conformité aux règles tant démocratiques que Républicaines. En effet, la Constitution reconnait a tout citoyen en possession de ses droits**, facultés, et remplissant les conditions prescrites par la loi, le droit de participer aux différents scrutins électoraux, aussi bien en tant qu’électeur, qu’en tant que candidat.

Hors les exceptions prévues par la loi, rien ne devrait venir contrarier ou contrecarrer l’exercice d’un droit aussi fondamental, qui découle de la Constitution, et du statut de citoyen: le droit de vote, autant que celui de se porter candidat à une élection, sont des droits dits non-négociables, et inaliénables!! De plus, quand bien même elle se présenterait sous la forme d’une abstention « concertée » (inimaginable du reste), une telle mesure ne ferait en rien avancer ni l’état de droit, ni même la République.

EN REVANCHE, QU’UN AUTRE BETI PUISSE SUCCEDER AU PRESIDENT BIYA, POURQUOI PAS? Le choix des candidats doit rester une affaire interne à chacun des partis. Sans doute afin de faciliter l’intégration nationale, des mesures devront être adoptées et mises en place, afin d’éviter la constitution de partis a prédominance tribale. Un véritable travail d’assainissement préalable devra être opère, afin de sanctionner les si nombreux prévaricateurs de la fortune publique, qui devront être écartes du jeu, afin d’en préserver l’équité et la salubrité.

Mais le plus important reste la nature même des règles applicables en matière électorale, qui doivent garantir transparence, équité,…qui doivent être claires, et surtout CONSENSUELLES! L’instauration d’un deuxième tour serait de nature à apporter plus de clarté, de liant dans le jeu démocratique, et moins de contestation en bout de ligne, en dehors d’un contentieux électoral résiduel.

Cela est même envisageable déjà des 2018, AVEC UNE CANDIDATURE DU PRESIDENT BIYA, mais avec des règles modifiées tel que décrit plus haut!!

QU’UN AUTRE BETI PUISSE SUCCEDER AU PRESIDENT BIYA OUI, POURQUOI PAS? A PARTIR DU MOMENT OU IL EST SIMPLEMENT CAMEROUNAIS, ET ELU SUR LA BASE DE REGLES CLAIRES, TRANSPARENTES, EQUITABLES, CONSENSUELLES!… Telle est en tout cas la leçon que vient de nous donner le Nigeria voisin, pays pourtant 2,5 fois plus étendu que le Cameroun, 8 fois plus peuple, et non moins divers que le Cameroun, ethniquement parlant; avec les mêmes composantes confessionnelles.

Sachons repérer et analyser les bons exemples, sachant qu’il n’y a jamais eu de honte à les copier!!

* Pratique décrite par Jos Blaise Alim + in « Ahmadou Ahidjo: Les secrets de la stabilité ».
**Une exception notoire concerne les personnes privées de la jouissance de leurs droits civiques par une décision de justice.


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