Alors que l’affaire des BMA (biens mal acquis) couvre l’actualité africaine, l’opinion publique Camerounaise s’interroge
La question des fonds publics détournés prend un tout autre visage au Cameroun. Il n’y a plus de doute quant à savoir si de l’argent public a été détourné. Le problème de l’heure est celui de savoir la quantité d’argent sortie et surtout la destination que cet argent a prise. La question qui pouvait relever du fait divers il y a deux ans encore, a connu une importance toute nouvelle avec le dernier sommet du G20 à l’occasion duquel, entre autres grandes résolutions, les pays ont annoncé la mort du secret bancaire. La nouvelle a ravivé le débat au Cameroun comme dans beaucoup de pays africains. De plus en plus, on y développe l’espoir de voir rapatriées des sommes d’argent durement versées au trésor public et détournées à des fins obscures. Mais rien n’est plus difficile. Toute la question est d’identifier ces sommes d’argent, c’est-à-dire retrouver les comptes bancaires dans lesquelles cet argent se trouve, ou alors de retrouver des biens qui ont été acquis par ces biens comme cela a été le cas avec le dossier des Biens Mal Acquis. Sur ce point précisément, on retient de la branche officiel de Transparency International que la tâche serait alors laborieuse tant les circuits de détournement sont nombreux, complexes et obscurs. De plus ils sont le fait de personnes jouissant des protections qui elles aussi en tirent partie.
Pourtant on peut ajouter sans risque de tomber sous le coup d’une diffamation que des hauts fonctionnaires au Cameroun ont détourné des sommes colossales. Babissakana un ingénieur financier camerounais de renom, dans sa postface de l’édition spéciale du journal Mutations affirme qu’au 30 septembre 2008, les avoirs des agents économiques camerounais non bancaires répertoriés dans les banques du système des statistiques financières internationales s’élevaient à près de 512 milliards de francs CFA. L’opération épervier qui est le nom donné à la grande campagne camerounaise d’assainissement des fonds publics semble conforter cette affirmation. Interpellé sur la question en mars 2008, le ministre camerounais de la Justice a avancé le chiffre de 106 milliards de francs CFA déjà répertoriés, sur une action encore en cours. A ces chiffres il faudrait probablement ajouter ceux relevant des audits menés par le ministère en charge du contrôle supérieur de l’Etat qui d’après certains médias locaux s’élèveraient à plus de 1800 milliards de FCFA. Si dans le cadre des milliards de l’opération épervier on peut encore forcer les personnes impliquées à donner la destination des sommes détournées, il n’en est pas de même pour une grande partie.
Plusieurs raisons en seraient la cause. Il faut dire qu’au Cameroun on a opté pour un système de contrôle inopiné des comptes publics au lieu d’avoir un cadre autonome et régulier comme c’est le cas dans certains pays ou cela a bien marché. De même, des personnes bien introduites pensent que dans une grande mesure, l’argent détourné au Cameroun ne sort que peu. Il est injecté dans le cadre des dépenses normales de la famille large et de celle restreinte. Au sens large, les sommes détournées peuvent servir à renforcer l’assise politique et le leadership dans sa localité d’origine sous le prisme de la contribution des élites au développement local. Les fonds servent aussi à asseoir sa domination politique. Des analystes ont pertinemment soulevé la question en relevant que l’opération épervier est aujourd’hui brandit au peuple pour combattre un fléau que le régime aurait encouragé et même autorisé. Pour ce qui est des dépenses effectuées au profit de la famille restreinte, elles peuvent être affectées aux besoins de santé, ou d’éducation des enfants.
Pour sûr, on n’est pas prêt de sortir de cette incertitude. Pourtant depuis le temps que la question fait vraiment débat au Cameroun, plusieurs actions ont été menées et ont permis d’identifier des personnes proches ou impliquées dans des actes de détournement de fonds. On se souvient de fait qu’une rumeur publique et constante célébrait l’ancien ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun à qui on imputait la dénonciation des camerounais aux richesses suspectes, gloire que ce dernier a proprement décliné. Mais les actes les plus marqués sont ceux de la justice et des audits du contrôl supérieur de l’Etat qui ont déterminé des montants et des coupables à grand renfort médiatique. Mais des questions restent posées. Gervais Mendo Zé, ex directeur de l’office de télévision confondu publiquement et sans contestation de sa part sur une affaire de plusieurs milliards de francs a-t-il déjà remboursé? Si oui a qui? Dans quelle proportion? Le mystère reste entier. Un observateur avisé dira sur toute cette question que retrouver l’argent détourné au Cameroun s’apparente à plonger sa main dans un sac à crabe.
