Pour sa première uvre, Charles Tenguené se penche sur la vie comme elle va.
En remportant le prix du jeune écrivain francophone en 2006, Charles Tenguené avait attiré des regards. Et suscité aussi des attentes. Surtout qu’il avait par le passé obtenu l’assentiment de nombre de jurys nationaux. Et du coup, les amoureux de la littérature au Cameroun ne demandaient plus qu’à voir et à jauger, si ce n’est juger, l’épaisseur créatrice du jeune étudiant en Droit d’alors. Lui-même contribuait à aiguiser cette envie en déclarant à son retour de Paris -après la réception de son prix- que nombre d’écrits dormaient dans les tiroirs, prêts à se laisser coucher sur les feuilles blanches que voudrait bien lui prêter un éditeur. Mais ce n’est qu’au dernier trimestre de l’année dernière que « Le vieil homme de la chapelle » allait voir le jour. Un ouvrage premier dont l’accouchement fut confié à la jeune maison d’édition Ifrikiya qui avait l’ambition d’apporter un peu plus de vitalité à la production et à la diffusion du livre au Cameroun et dans la sous-région.
Les curieux se jetèrent donc sur ce recueil de neuf nouvelles, les unes aussi courtes que les autres. C’est alors qu’ils découvrirent les deux versants de la qualité créatrice de Charles Tenguené. En parcourant l’ouvrage en effet, l’on est frappé par l’option, si ce n’est l’obsession, de l’auteur d’aller chercher les histoires qui ont pignon sur rue dans les sous-quartiers et de les raconter à sa manière. Avec un accent particulier mis sur la description qui confère à l’ensemble une certaine allure. Et du coup, on se met à penser a regretté Séverin Cécile Abega, grand maître de la narration s’il en fût. Une certaine allure donc qui fait qu’à chaque chute, le lecteur en redemande et s’étonne de la fin de l’histoire. Et c’est à ce niveau que l’on rentre de plain pied dans le second versant qui est celui de la suggestion. Ainsi, le jeune auteur aime visiblement faire participer son lecteur, mieux tente de le faire cogiter dans son acte de lecture. Cela en contant ses histoires à la manière d’une boucle.
Car chez Charles Tengunené, l’intrigue a souvent tendance à s’achever sur les lieux mêmes du commencement de la narration. Au passage, des thèmes comme la traîtrise (dans Briser la malédiction), l’émigration (Terre hostile) ou encore la guerre (L’appel) sont évoqués. Non sans recourir au rêve pour moraliser les jeunes qui ne rêvent qu’à partir. En somme, une somme qui vaut le détour. L’art de la narration est au rendez-vous et pour une première création, ce n’est pas la moindre des mérites. L’on peut aussi relever cet art du suspense qui, sans être totalement maîtrisé, est envisagé. Toutes choses qui augurent sans doute des productions futures plus alléchantes. Des productions où le jeune auteur devra user de plus de finesse et de moins de naïveté comme cela a été le cas cette fois.
