Extrait du livre: « Le Social Democratic Front se meurt-il ? Le mal des oppositions africaines, exemple du Cameroun »
Journalducameroun publie un extrait du livre de Paul Yamga-Tientcheu: « Le Social Democratic Front se meurt-il ? Le mal des oppositions africaines, exemple du Cameroun » publié à Paris aux Editions Biblieurope en 1999.
Libres propos
« Le Sdf aujourd’hui ne rassure plus ni les Camerounais, ni la communauté internationale, et risque si rien n’est fait de devenir un vulgaire parti d’opposition dont le rêve est de grignoter sa part du gâteau. Lors de la visite surprise du Chairman Ni John Fru Ndi en France du 22 au 26 octobre 1996, l’un des membres de sa délégation me fit une confidence : Le parti c’est comme une secte, son président le gourou, et on doit se plier à ses ordres sinon. Les excommunications des membres du parti démontrent que le Sdf s’écarte des principes qui ont présidé à sa création, à savoir rassembler. Loin d’être une structure de débats et de stratégies pour la construction nationale, le parti devient une machine à écraser tous ceux qui désormais pensent à haute voix pour toute critique interne de la stratégie de conquête du pouvoir. L’une des maladies infantiles du Sdf c’est la précoce « présidentialisation du leader ». Ce chef de parti qui pense avant toute chose à son avenir politique sans toutefois rassurer sur ses aptitudes à diriger. Les vides progressifs autour de lui illustrent parfaitement les traits de sa personnalité. Il supporte mal les critiques portées à son égard par les soi-disant « intellectuels du parti ». Persuadé qu’il est sur l’échiquier national, seul en mesure de défier le régime de Mr Biya, il est de moins en moins ouvert aux débats constructifs et considère les cadres du parti comme ses simples sujets et non comme des collaborateurs. Il est intolérant. Il est prêt-à-porter atteinte à l’intégrité physique des dissidents. A Maroua par exemple, Siga Asanga devient Sida Asanga. En novembre 1998, quand M. Mahamat propose la tenue d’un congrès avant la fin de l’année conformément aux résolutions du congrès de Buea, il demande aux militants et élus de l’en empêcher par tous les moyens. Il est lui-même présent sur les lieux. En janvier 1999, ces derniers vont être poursuivis jusqu’à leur domicile privé. Cette attitude, nous la retrouvons fréquemment au sein des partis extrêmes. Après plusieurs années à la tête du parti, il n’est même pas conseiller municipal de sa ville. Voilà un homme politique ambitieux qui ne peut être invité que comme chef de parti, alors qu’une position de maire ou de député lui ouvrirait grande d’autres portes et d’autres expériences aussi. Le cas du Sdf est tout de même unique ! La légitimité de tout homme politique doit être celle du peuple. Si le Sdf veut garder son rang de leader d’opposition, une véritable révolution d’hommes et d’idéologie doit s’opérer. Un retour aux valeurs originelles s’impose. L’une des difficultés de John Fru Ndi à diriger le Sdf vient d’un manque de préparation. Le rôle qu’il a joué dans les années 1990 pour tenter de libérer le peuple camerounais de l’oppression est historique, Mais par la suite.»
Précision : Ce livre dont un extrait a été publié ci-dessus a été rédigé avant les élections sénatoriales de 2013. Effectivement, Depuis la création du SDF en 1990, celui qu’on présente comme étant le chef de l’opposition camerounaise a toujours refusé de se présenter à une élection autre que la présidentielle. Cependant, il s’est laissé tenter par les premières sénatoriales organisées au Cameroun en 2013. Dans son fief de la région anglophone du Nord-Ouest, le SDF détenait 499 conseillers municipaux contre 500 pour le RDPC, soit un électeur de différence. C’est donc dire qu’il y croyait. Malheureusement le parti au pouvoir a fini par l’emporter avec, en chef de campagne, Paul Atanga Nji, ministre chargé de mission à la présidence et adversaire local de Fru Ndi.