D’après l’actuel ambassadeur du Cameroun au Japon, qui vient de commettre un ouvrage, «la diplomatie ne fait pas bon ménage avec la pauvreté»
Le propos peut paraître un tantinet provocateur mais Pierre Ndzengue, actuel ambassadeur du Cameroun au Japon, n’a visiblement pas la langue dans sa poche et a voulu se débarrasser de la réserve connue aux diplomates, le temps de la rédaction de l’ouvrage «Au service d’un idéal et du Cameroun 1978 – 2007», qui vient de paraitre aux éditions Proximité. «Ce n’est pas l’ambassadeur qui parle dans ce livre, c’est le directeur à la retraite (.) En parcourant l’ouvrage, vous constaterez que je ne révèle aucun secret. Ce sont des informations qui sont tombées, pour la plupart, dans le domaine du public», affirme-t-il, dans une interview accordée à l’hebdomadaire Repères, édition du 19 mai dernier.
La période choisie pour les événements du livre a trait au passage de Pierre Ndzengue dans l’administration publique camerounaise. Juillet 1978 marque l’année de son intégration au ministère des Relations extérieures, dans le corps des diplomates de carrière avec le grade de secrétaire des Affaires étrangères; et janvier 2007, le départ de ce département au poste de directeur des Affaires d’Amérique et des Caraïbes, en tant que ministre plénipotentiaire hors échelle. C’est le 19 février 2008 que Pierre Ndzengue a été nommé ambassadeur du Cameroun au Japon. L’ouvrage commis par le diplomate aborde le passage au sein du ministère des Affaires étrangères, de ses difficultés et de celles ayant des répercussions sur la diplomatie camerounaise en général.
«Je vais vous avouer qu’il y a beaucoup de choses que nous devons faire pour que le diplomate qui est à l’étranger se sente à l’aise. Il y a des diplomates dans des pays, au moment où je parle, qui n’ont pas d’assurance médicale. Donc, on peut dire d’une certaine manière que les choses n’ont pas tellement changé», déclare-t-il.
«A l’époque, quand on a décidé la coupe des salaires, je trouve que ça a été une grande catastrophe pour des gens qui sont à l’étranger. Je raconte, dans un livre qui va paraître, cette expérience que j’ai vécue aux Etats-Unis où j’ai été au tribunal parce que je ne pouvais pas payer des choses que j’avais prises à crédit, pour la simple raison que mon pouvoir d’achat avait drastiquement baissé. On ne devrait pas faire vivre ça aux diplomates. Parce que le diplomate est le reflet de son pays à l’étranger», apprécie l’ambassadeur.
Des pistes sont envisageables selon l’ambassadeur du Cameroun au Japon. «Quand pour des raisons tout à fait pertinentes nous ne pouvons pas faire face à un certain nombre de problèmes, vous fermez temporairement l’ambassade. D’autres pays l’ont fait. Ou bien vous diminuez le nombre des personnels pour pouvoir gérer la situation. La diplomatie ne fait pas bon ménage avec la pauvreté».
Longévité aux postes
Les problèmes de la diplomatie camerounaise ne se limitent pas seulement au niveau des moyens financiers, mais également au niveau de la longévité aux postes. Dans l’interview accordée à Repères et dans son ouvrage, Pierre Ndzengue prend pour illustration le cas de Philémon Yang, qui a été ambassadeur du Cameroun au Canada pendant une vingtaine d’années (26 juillet 1984 – 8 décembre 2004), aujourd’hui à la tête du gouvernement en tant que Premier ministre.
«Un bon ambassadeur n’est pas celui qui passe 20 ans en place. Non! Pour moi, un ambassadeur doit sa valeur à son action, aux résultats qu’il apporte en tant que chef de mission. Alors passer 10 ans, 20 ans au même poste, je l’ai écrit à celui qui est mon patron me concernant moi-même, qu’il n’est pas bon de garder trop longtemps un ambassadeur en place. Je prends le cas du Japon. Ce n’est pas bon que vous deveniez finalement comme une espèce de musée et votre capacité d’innover s’émousse. Posez-vous la question: pourquoi les autres pays ne font pas ça? Dans la plupart des pays, on sait que l’ambassadeur est là pour trois ou quatre ans et après, il va ailleurs (.) Il ne faudrait pas que les gens soient scotchés à des postes pour 10 ans, 15 ans. Ce n’est pas productif», prescrit-il. «A un moment, on croit que c’est sa maison, on peut faire comme on veut et avec les conséquences que nous connaissons», ajoute l’ambassadeur du Cameroun au Japon.
Cette position sur la longévité aux postes est très vite nuancée par Pierre Ndzengue, lorsqu’il s’agit de parler du chef de l’Etat camerounais Paul Biya, qui a déjà mis 32 ans au pouvoir. Le diplomate soutient que «le Cameroun a la chance d’avoir le président Biya comme président». Un point de vue qui sera développé dans son «prochain ouvrage»: «le couple Cameroun Etats-Unis», promet M. Dzengue. «Il ne faut pas précipiter le changement», «ça nous amène dans le chaos», estime l’ambassadeur.
