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Plaidoyer pour la création d’un département de comité de langues nationales

Création au sein du ministère de la culture avec un budget conséquent... Lorsque certain(e)s Camerounais/es entendent parler du Ministère de…

Création au sein du ministère de la culture avec un budget conséquent…

Lorsque certain(e)s Camerounais/es entendent parler du Ministère de la Culture, la première image qui leur vient, c’est que c’est un ministère pour les artistes musicien(ne)s. Et accessoirement, c’est l’endroit où a lieu la sélection des danseurs et danseuses de folklore à l’occasion des événements sportifs et pour agrémenter les sorties/retours du chef de l’État ou la réception des ses invités étrangers. Dans la hiérarchie des ministres, celui à qui échoit ce poste peut se considérer dans l’opinion publique comme un lésé. A preuve, sur 40 départements ministériels et assimilés, le budget du dit ministère se range parmi les 3-4 derniers. Au quotidien, lorsqu’on scanne la presse écrite ou électronique, ce ministère ne fait la «Une» que lors des revendications des droits d’auteurs par les artistes musicien(ne)s. Il y a un parallèle de fait entre ce ministère et celui des sports qui s’assimile au ministère du football et très précisément à un ministère des lions indomptables seniors de football masculin. À Force de lire et de suivre l’actualité du Ministère de la Culture, on comprend bien que l’État ne se soucie même pas de la défense et de l’entretien de son patrimoine culturel. Car chez nous, l’expression culturelle se confond avec le folklore. On est né Africain, alors on se laisse endormir dans les poncifs occidentaux selon lesquels « le Noir a le rythme dans le sang et la musique dans le corps. Alors, la couleur de la peau confère la Culture » Dès lors que tout le monde sait chanter et danser par naissance, il ne serait donc plus question de faire de ces pré requis des uvres scientifiques, et donc propres à se transformer en capital économique, potentielle source lucrative de devises dans et pour le pays. Considéré sous cet angle, un Ministère comme celui de la Culture devrait avoir un des budgets les plus élevés de l’État ou tout au moins se classer à un rang majeur dans l’attribution des budgets. Lorsque l’on comptabilise les richesses du Cameroun, on se contente de signaler en passant «son extraordinaire richesse culturelle», à laquelle on a vite fait de joindre sa faune et sa flore diversifiée et abondante. Et d’illustrer cela sur les cartes postales par des figures d’une jeune fille pubère Mandara aux seins nus, ou d’un joueur de tamtam habillé de peau d’animaux! Folklore, folklore et encore folklore! Alors que le pays se veut indépendant depuis 50 ans, ce n’est que ces derniers jours qu’on voit naître timidement et surtout sans conviction des instituts de formation dans les beaux arts et la culture.

Historique
Par Décret présidentiel N° 92/ 245 du 26 novembre 1992, en lieu et place de l’ex – Ministère de l’Information et de la Culture créé par Décret N° 72 / 245 du 20 novembre 1978 et Décret N° 88/ 1278 du 21 septembre 1988, fut crée le Ministère de la Culture. À l’origine de cette création fut organisé à Yaoundé du 23 au 26 août 1991, un débat sur l’identité culturelle camerounaise. Le Décret présidentiel N° 92 /245 du 26 novembre 1992 d’origine, de même que le tout récent Décret N° 2005/177 du 27 mai 2005 portant organisation du Ministère de la Culture (MINCULT) assignent des missions spécifiques au nouveau Département de la Culture. Il est notamment chargé:
– de la mise en uvre et de l’évaluation de la politique du Gouvernement en matière de promotion et de développement culturels, ainsi que de l’intégration nationale. À ce titre, il est responsable:
– du développement et de la diffusion de la culture nationale;
– de la préparation et du suivi des mesures visant à renforcer l’intégration nationale;
– de la cinématographie;
– de la protection, de la conservation, de l’enrichissement et de la promotion du patrimoine culturel, artistique et cinématographique national;
– de la préservation des sites et monuments historiques;
– des musées, des bibliothèques, des cinémathèques et des archives nationales.
En outre, il veille à l’expansion du bilinguisme, assure la liaison entre les pouvoirs publics et les organisations de droits d’auteurs, et exerce la tutelle des établissements et organismes spécialisés ci-après : le Palais des Congrès, l’Ensemble National, la Cinémathèque Nationale, la Centrale de Lecture Publique et l’Institut National des Arts et de la Culture.

Lydie Seuleu

Problèmes
1- La volonté de tuer par noyade nos langues maternelles
En ce qui concerne les tâches allouées au Ministère de la Culture, il est demandé l’expansion c’est à dire la promotion du bilinguisme, ici le français et l’anglais. Ce qui est une très forte contradiction car on ne peut pas vouloir promouvoir l’identité nationale camerounaise et ne pas faire allusion aux langues nationales, car une langue porte sa culture. Tous ceux qui parlent leur langue maternelle connaissent souvent à quels obstacles et imprécisions ils se heurtent lorsqu’ils veulent traduire une sagesse ou un proverbe de leur langue en l’une des langues officielles. Sans compter le nombre de tournures idiomatiques qui s’avèrent tout simplement intraduisibles en français ou en anglais. En d’autres termes, les langues « officielles » qui sont le français et l’anglais ne peuvent porter que «boiteusement» une culture du triangle national. Sauf si la volonté politique de l’État du Cameroun est de diffuser les cultures Française et Anglaise dans le monde. Ce qui en soi n’est pas un crime. Mais dans ce cas, on doit remettre sur la table les termes de ce contrat avec les puissances coloniales que sont la France et l’Angleterre. Quelle est la durée de ce contrat qui n’est écrit nulle part? Quelles sont les rétributions? Comment sont-elles budgétisées au niveau national? Sommes-nous qualifiés pour assumer ce contrat? Quel est l’impact de cette promotion du français et de l’anglais sur la culture camerounaise? Y a-t-il égalité de budget de fonctionnement entre la promotion de ces langues étrangères et la promotion des nôtres? Voilà ce qui est un crime par suicide. Elle est loin de nous, l’idée que la promotion du bilinguisme n’a pas lieu d’être dans notre pays. Le chinois vient d’ailleurs de faire une entrée solennelle dans nos cours de langue. Il y avait déjà obligation scolaire en 2nde langue l’allemand, l’anglais renforcé ou l’espagnol. Comme quoi, il y a de la place pour toutes les langues du monde chez nous. Mais, lorsque notre « héritage colonial » doit exciper de notre héritage millénaire, il y a un malaise de trahison de sa propre identité. On court tout droit vers la noyade de nos langues maternelles. Et ce malaise s’exprime de manière très visible sur la scène politique de chez nous, où on divise les Camerounais en anglophones et francophones. Cette aberration a même donné naissance à un bébé bizarre sur la division régionale entre l’Ouest, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest: Les anglo-bamis!!!! Une incongruité ethnologique qui mêle un nom de langue étrangère au Cameroun au nom d’une tribu locale. Or, des appellations similaires n’existent pas : on attend toujours la naissance des franco-bétis, des hispano-foulbés, des germano-bassa ou bientôt des sino-gbayas.

2- La fermeture des trois derniers espaces de diffusion du septième art
«Au ministère de la Culture, l’on considère que c’est une activité commerciale dans laquelle le ministère ne saurait intervenir. Si les institutionnels que nous sommes se mettent à parler des salles de cinéma, que feront les privés qui trouvent que l’activité n’est plus rentable?» S »interroge un responsable du ministère. Pour lui, l’activité des salles de cinéma doit être redimensionnée afin de donner la possibilité à un grand nombre de personnes de bénéficier des produits cinématographiques. «Il faut abandonner les grandes salles pour construire les petites salles de 100 places», précise-t-il.

3- Cameroun, Archives nationales: Vers l’amnésie?
«… Les Archives nationales sont une Direction du ministère de la Culture. …. Malgré la plaque portant l’inscription «Archives nationales», très peu de personnes identifient aisément ou accordent une attention au lieu où l’on stocke «la mémoire du Cameroun»»

Propositions
Le ministère de la culture qui a en évidence des atomes crochus avec d’autres ministères et institutions comme le ministère du Tourisme, de l’Éducation, de la défense, les communautés urbaines et les communes doit voir son budget considérablement augmenté. Observant le budget pour l’exercice 2010, c’est l’un des ministères aux budgets les plus ténus. Alors que ceux qui relèvent de sa sphère d’activités tiennent très haut le drapeau du Cameroun à l’étranger, il est inexcusable que ce pays n’ait aucune salle de spectacle appropriée, aucun espace culturel de référence. Qui ne connaît Richard Bona, Manu Dibango, Calixte Beyala, les regrettés Mongo Beti, Engelbert Mveng, J.M. Ela? Quelle langue est insensible aujourd’hui dans le monde aux arômes du ndolé, au piquant du mbongo tchobi, à la consistance du taro ou à la bombe énergétique qu’est l’okòk? Nos danses traditionnelles qui agrémentent nos soirées culturelles à l’étranger, nos écrivains de renom, nos vêtements aux couleurs chatoyantes et aux coupes dignes des plus grands créateurs de mode. ne peuvent se perpétuer que s’il existe en amont une volonté politique accompagnée par une rénovation des objectifs assignés au Ministère de la Culture, afin de faire de notre culture un culte avec des lieux de culte.
1- Augmenter le budget du ministère de la culture au même rang que les 10 premiers ministères
2- Créer au sein du ministère de la culture un département des comités de langues nationales afin qu’ils sortent de la précarité. Leur budget annuaire doit être de 40% du budget alloué au ministère de la culture.
3- Informatiser la mémoire culturelle et historique d’avant et après les indépendances
4- Valoriser les techniques ancestrales et les héros, héroïnes nationaux
5- Créer au sein du ministère de la culture un conseil des patriarches pour trouver un nom à chaque région de subdivision administrative et d’un nom culturel pour désigner l’appellation du triangle national.
6- Primer les artistes musicien(ne)s qui ressortent des pensées philosophiques en leur langue maternelle et encourager les écrivains à mettre leur pensée en leur langue nationale traduisible en d’autres langues nationales.
7- Créer des bibliothèques, pour un départ une par région afin d’employer les jeunes.
– Il n’est pas normal de se réunir dans les centres culturels étrangers hyper équipés pour tenir des réunions qui concernent la suivie de nos langues et cultures nationales.
– Il n’est pas normal que dans une capitale politique comme Yaoundé que les seules bibliothèques sérieuses soient celles des centres culturels étrangers.
– Il n’est pas également normal que les Centres culturels français, les Alliances françaises et l’Institut Goethe soient le passage obligé pour qu’un groupe artistique camerounais sorte du pays pour aller manifester la culture camerounaise à l’étranger.

Conclusion
La clé de l’indépendance du triangle national se trouve dans son rayonnement culturel. La multiplicité des langues camerounaises doit quitter le stade d’une carte de visite pour devenir un une arme de lutte contre la pauvreté, un aimant capable d’attirer les touristes du monde entier. Notre culture doit viser à être notre meilleure carte d’identité dans le monde, puisqu’elle symbolise notre être en comparaison avec l’Autre. Grâce à la culture, nous pouvons avec fierté dans le concert des nations dire «Chez nous, c’est autrement. Voici comment cela se passe chez nous au Cameroun» Cela ne se peut que si l’État en 1er y croit. Nos techniques ancestrales, notre philosophie du monde s’expriment très insuffisamment dans des langues étrangères que nous maîtrisons d’ailleurs souvent aussi approximativement. Il est faux, totalement faux que nous prônons ici l’autarcie, le rejet des autres cultures. Quand vous êtes hospitalier, vous ouvrez votre porte à l’étranger. Quand vous êtes très bon, vous lui cédez votre lit pour une nuit. Mais quand vous êtes con, vous lui cédez votre lit avec son contenu et pour longtemps. On n’en est pas si éloigné. La preuve, on ne sait pas souvent ce que nos noms de famille signifient. Mais on connaît ce qui signifie Barnabé, Marie, Lucas, Blanche, Pantaléon, Lydie, Titus, Virginie, Félix, Joséphine et on se fait même un honneur de se nommer par nos prénoms au point de les fêter!

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