La tonalité du communiqué de presse publié sur le site Internet de l’Élysée montre que M. Hollande a compris le Cameroun. A-t-il compris le Président Biya? A-t-il dissipé ses doutes?
1-Paix et guerres françaises en Afrique ou la stratégie du caméléon ?
Depuis l’élection de M. Hollande à la présidence française en mai 2012, il est difficile de dire quelle est la politique africaine de l’Elysée, tellement M. Hollande est imprévisible. Puisque nous sommes sûrs qu’il a des conseillers politiques et militaires, nous dirons que du point de vue du discours, la rupture d’avec la Françafrique est prônée. Ce qui contraste avec les faits, qui, eux, confirment la stratégie du caméléon et de la réalité. Le caméléon est un reptile saurien du groupe lézard, appartenant aux genres des Chamaélo de la famille des Chamaeléonidés qui a la particularité du mimétisme de la couleur. En effet, le caméléon a la faculté quasi légendaire de changer de couleur dans une gamme incomplète de couleurs. Cette mutation chromatique se fait naturellement en fonction du lieu où il se trouve. Nous pouvons nous tromper, mais c’est la conclusion à laquelle nous arrivons au terme d’une analyse de l’action du Président français jusqu’ici. L’histoire dira si cette stratégie est la meilleure pour le France, quand on sait que la faculté du caméléon à changer de couleurs n’est pas illimitée. Une personnalité changeante, indécise et imprévisible peut être source d’impopularité. Lorsqu’elle ne traduit pas un manque d’assurance, elle peut être révélatrice de choses comme la précipitation, l’impréparation et l’aveuglement. Elle rend vulnérable à l’erreur, à l’émotionnel et au circonstanciel, même si elle a la vertu de l’adaptation facile. De nombreuses analyses behavioristes renseignent sur la question.
2- Du Président Hollande militant des Droits de l’Homme à Kinshasa.
Tous ceux qui ont suivi de près le sommet de la francophonie de Kinshasa ont été frappés par le militantisme quasi viscéral du Président français avant et pendant le sommet. Il a menacé de boycotter cette grande rencontre qui rassemble tous les deux ans les pays de la planète qui ont en partage la langue française. Revêtu de son costume immaculé de président nouvellement élu des français, c’est en traînant les pieds qu’il y est allé. Et quand il est arrivé, c’est le mot acerbe et piquant qu’il a parlé, promettant de tout dire sur tout. Alors qu’on ne demandait à la France pas plus que le respect d’un engagement international. A Kinshasa, le Président Hollande avait la couleur verte qui fait la force des « emmerdeurs » de l’organisation écologiste Green Peace ou des Ong « humanistes » qui polluent le débat international.
3.-. Au Président de la rupture de la Françafrique en Centrafrique.
Il y a donc eu la crise centrafricaine. Et tout le monde a presqu’oublié que le Président Bozizé, en butte à une rébellion venant du nord pour l’évincer, a sollicité officiellement l’intervention de la France. Sentencieux, le Président Hollande a répondu qu’il n’est pas dans le rôle de la France d’intervenir dans les affaires internes des États ; ajoutant, imperturbable, que cette époque était révolue. N’eût été la prévenance des États de la CEEAC, qui, depuis février 2000 se sont dotés d’un instrument de maintien de la paix doté d’une force internationale, la FOMAC, M. Bozizé ne serait plus au pouvoir et les rebelles seraient arrivés à Bangui pour le réveillon du Nouvel an. En une semaine, le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Tchad et la RDC ont mobilisé une force que les Sud Africains ont rejointe pour stabiliser la Centrafrique et bouclé des négociations. Un gouvernement d’union nationale est désormais attendu à Bangui. La France a fait le service minimum ; alors qu’elle a des forces sur place qui sont intervenues déjà en 2006. Dans cette crise, le Président Hollande s’est revêtu de la couleur écarlate d’un champignon vénéneux sous le bois : beau à voir, mais mortel.
4- En passant par le Président « chef de guerre » au Mali.
Les États de la CEDEAO ont tourné de réunions en réunions, sous le regard plus ou moins intéressé de la France dont l’activité au Conseil de sécurité était visible. Le Nord Mali était pourtant occupé depuis plus de neuf mois. Alors que tout le monde redoute la partition du pays, un coup d’État intervient et la scène malienne commence à tourner au ridicule. Pendant que certains épiloguent sur la fin de la Françafrique, et que les autres ergotent sur les incapacités réelles ou supposées de la CEDEAO, l’avancée décisive des rebelles, terroristes, ou djihadistes (appelez-les comme vous voulez) sur Bamako est lancée. Le monde apprend alors estomaqué que la France a décidé d’intervenir au Mali, « dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies » et à la demande des autorités maliennes. Au Mali, le Président Hollande est désormais coloré de kaki-sahel, tiré de la couleur des vareuses utilisées sur les théâtres d’opération sahéliens, à la satisfaction de la majorité des populations maliennes.
5.- Que dire du Président Hollande que la visite du Président Biya en France a révélé ?
La couleur dominante serait le blanc vif. Sur le site de l’Elysée, le communiqué de presse à l’issue de l’entretien qu’il a accordé au Président Biya a été publié. Il y est dit que « Les deux Présidents ont eu un échange approfondi sur la situation au Mali et l’engagement de la France aux côtés de l’armée malienne. Le Président camerounais a exprimé son soutien à la décision de la France ». « Ils ont souligné les principes de dialogue et de franchise qui doivent guider les relations entre la France et le Cameroun ». « Ils ont évoqué les priorités de la coopération franco-camerounaise, notamment dans les domaines des infrastructures et de l’environnement, et les perspectives de développement économique du Cameroun ». « Ils ont souligné l’engagement des deux pays dans la mise en uvre du contrat désendettement et développement en cours d’exécution sur la période 2011-2016 ». « Enfin, ils ont échangé sur les questions de gouvernance, le processus électoral au Cameroun, la protection des droits de l’Homme et la situation des prisons ». Les deux hommes ont échangé, souligné et évoqué des choses. Ils auraient désormais tort de se sous-estimer. Au demeurant, ils gagneraient, tous les deux, à multiplier des entretiens et des échanges : émissaires, envoyés spéciaux, etc. C’est le sens des mots « dialogue et franchise » utilisés dans le communiqué comme principes devant guider les relations au moins sur la période du C2D, 2011-2016 : un an avant le vote en France. Est-ce un répit de 3 ans pour le Président Biya dont le mandat court jusqu’en 2018 ? Just wait and see. Avant son arrivée à l’Elysée, nous n’avons pas de trace de rencontre officielle des deux hommes ; surtout que M. Hollande n’était pas des deux gouvernements socialistes de la Vème république. Le Parti socialiste qu’il a dirigé pendant dix ans et le RDPC étaient à mille lieux de se rencontrer au haut niveau. Au congrès ordinaire du RDPC de septembre 2011, c’est l’UMP qui a pris part aux travaux, invités parmi d’autres partis de pays étrangers. Avant le sommet de Kinshasa, les Présidents Biya et Hollande n’ont donc pas trop de souvenirs communs. Le livre de leur histoire n’a que des feuilles de couleur blanche immaculée… On peut donc y écrire tout ce qu’on veut et la presse camerounaise n’y est pas allée de plumes mortes, écrivant l’histoire des deux hommes avant eux-mêmes. Puis, est arrivé le sommet de Kinshasa au terme duquel on a eu l’impression que le Président Hollande a été « marqué » par un homme sur qui on dit tant de choses. ! Il aurait donc appris, après l’entretien du 30/01/2013, à mieux connaître le Président Biya. La tonalité du communiqué de presse cité plus haut montre que M. Hollande a compris le Cameroun. A-t-il compris le Président Biya ? A-t-il dissipé ses doutes ? En avait-il avant ? Il se dit qu’il aurait accepté le principe d’une invitation à venir visiter le Cameroun. Entre temps, M. Biya, fort de la connaissance qu’il a maintenant du tempérament de M. Hollande, aura nous l’espérons, accéléré le parachèvement du processus démocratique pour faciliter la lecture du pays à tous en général, et à M. Hollande en particulier. Qui vivra verra.