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Position officielle de l’UFP sur les débats socio-économiques de l’heure

Par Dr. Olivier Bile, Président de l’UFP

Position officielle de l’UFP sur les débats socio-économiques de l’heure : Ratification des APE, Hausse de 5% des salaires des agents publics ; augmentation des prix des carburants

A la suite d’une importante actualité ces derniers temps, liée d’abord à des questions sécuritaires puis sportives, la vie nationale est depuis quelques jours, le théâtre de non moins importants événements de nature socio-économique qui appellent, eux aussi, l’intervention de toute organisation politique soucieuse de la destinée – plus que jamais incertaine – de notre pays. En partant de l’actualité la plus récente vers celle qui l’est le moins, nous avons eu l’adoption par le parlement camerounais, d’un projet de loi autorisant le Président de la république à ratifier un accord d’étape vers un accord de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne ; la hausse de 5% du salaire de base de la fonction publique, consécutive elle-même à la décision gouvernementale du 30 juin 2014 de relèvement significatif des prix des hydrocarbures au Cameroun.

Après avoir longtemps disserté sur l’indispensable fondation sociétale de réarmement mental et de redressement moral dans notre pays, nous voici maintenant sur le territoire économique dont l’influence décisive sur la vie sociale n’est plus à établir. Ainsi, sur les décisions gouvernementales sus évoquées de même que sur la conduite de la politique économique générale du gouvernement, l’UFP rend publiques les réactions suivantes :

Sur les APE
Ces accords, flanqués de leurs clauses « préférentielles », elles-mêmes survivances de pratiques relevant d’une autre époque sont inacceptables. Et c’est bien pourquoi ils ont tant de mal à être acceptés dans les autres régions africaines. Les APE qui font suite aux accords ACP avec des relents plus brutaux, sont synonymes de perpétuation systématique de l’ordre économique du pacte colonial et de frein à nos modestes espoirs d’industrialisation. Le pacte colonial prescrit que nos pays soient fournisseurs de matières premières pendant que les ordonnateurs des APE sont producteurs et fournisseurs de produits manufacturés. La structure fondamentale de nos économies étant encore celle-là, l’esprit et la lettre des APE visent ni plus ni moins à préserver cet ordre et cet avantage économiques en faveur de l’UE.

Tous les pays industrialisés actuels ont eu besoin de pratiquer une sorte de protectionnisme formateur dans leur marche vers l’industrialisation. L’inondation de notre marché intérieur par quantités de produits manufacturés de toutes sortes issus non de la France seule mais des 27 pays de l’Union européenne, signifie, en dépit des discours officiels sur cette prétendue mise à niveau des entreprises locales, l’étouffement de toutes leurs velléités d’émancipation. Aucune compétition équitable ne peut valablement s’organiser entre acteurs aussi inégalement pourvus que des entreprises anciennes, souvent multinationales, suréquipées et bénéficiant déjà de rendements d’échelle et d’autres, aussi peu pourvues que les nôtres. Dispositif pire que le RDPC et toute l’armada étatique face aux modestes partis d’opposition. Dans sa quête de nouvelles parts de marché dans le commerce international en vue de conjurer son déclin économique actuel, l’UE conçoit les APE comme une bouée de sauvetage mais aussi comme outil destiné à lui permettre d’asseoir un avantage comparatif considérable face à ses concurrents relevant des pays émergents dont principalement la Chine qui ne cessent de lui tailler des croupières.

Les APE, en dépit de leurs avantages supposés, ne sont en aucune manière, chacun le voit bien, un instrument à notre avantage. Du reste, dans un contexte de généralisation du libre-échangisme, en ces temps de triomphe de l’économie libérale, il est curieux de voir ce type de pratique se perpétuer. Nous pensons que les entreprises de chaque pays devraient se moderniser, se rendre compétitives, à leur rythme, accompagnées en cela par les institutions nationales ou internationales de qualification normative dont elles dépendent directement. Ayant été initialement et le temps nécessaire, protégées pour acquérir cette maturité et cette compétitivité, elles peuvent alors les faire valoir, comme les autres, sur le marché mondial. Ces accords, adoptés en catimini et en force devront donc, le moment venu, être dénoncés et remplacés par des dispositifs plus raisonnables, plus conformes aux principes contemporains du commerce international et surtout, plus compatibles avec nos légitimes ambitions d’industrialisation.

Sur les Hausses du prix des hydrocarbures et des salaires
Cette actualité qui étale elle aussi l’état d’égarement et de confusion généralisés qui prévaut au Cameroun, met en lumière à quel point nombre d’acteurs et pas seulement ceux de la majorité, sont prisonniers d’une conception économique qui ne peut inéluctablement qu’être génératrice de rareté et de pénuries dans un contexte de sous-production et de sous-emploi chroniques. La rareté est ici celle face à laquelle se trouve un gouvernement qui, en quête de sources de financement pour quelques projets d’investissement annoncés, est à son corps défendant, contraint par le FMI, de sevrer sa population d’une partie la manne qui lui parvenait. Face à ce sevrage, la rareté c’est aussi une hausse bien insignifiante du salaire de base à la fonction publique de l’ordre de 5%. Dans un contexte où des pays comme la Côte d’Ivoire ambitionnent de mobiliser 20 000 milliards de F CFA pour des projets d’investissement générant un taux de croissance annuel de près de 10%, la rareté chez nous, c’est l’incapacité à lever des capitaux substantiels pour la réalisation des projets dits structurants. Et c’est bien pour rattraper quelques ressources budgétaires à leur consacrer nous dit-on, que la subvention en vigueur sur les carburants a été si considérablement amputée. Si nous souscrivons, comme toujours voire plus que jamais, à l’exigence d’assainissement des finances publiques et au sacro-saint principe d’utilisation la plus efficiente possible des ressources de l’Etat, nous voulons cependant attirer l’attention de tous sur le péril lié au modèle économique de pénurie qui plombera toujours tous nos efforts et hypothèquera sans cesse nos projets d’émancipation économique.

A cet égard, la question n’est pas en vérité de savoir s’il fallait oui ou non augmenter le prix des carburants car la hausse des prix dans une économie est une chose somme toute normale. A condition toutefois que l’inflation soit maitrisée par un pilotage économique stratège et un contrôle pertinent du niveau général des prix. La question qui nous semble aujourd’hui essentielle est celle de la politique économique, monétaire, industrielle et commerciale la plus appropriée et la plus pertinente pour créer l’abondance, la richesse et partant, accroître les revenus de la grande majorité de la population générale qui pourrait alors supporter les hausses maîtrisées des prix sans grand problème, comme on peut le voir ailleurs.

Au moment où l’essentiel de nos forces productives, celles des campagnes autant que celles des villes, sont totalement déconnectées des rouages économiques et productifs profonds et que leurs capacités ne sont toujours pas capitalisées par le pays, il est plus que temps de questionner les orientations idéologico-économiques actuelles. Il est possible que nous améliorions nos taux de croissance économique en raison des quelques investissements accomplis ça et là, qui profiteront du reste davantage aux opérateurs extérieurs, mais il est certain que nos masses populaires majoritairement oisives resteront exclues du processus de développement aussi longtemps qu’elles ne seront pas résolument branchées à l’appareil de production, aux mécanismes d’investissement et aux circuits de consommation. Et il serait par conséquent illusoire dans ce cas d’espérer quelque émergence que ce soit. Disons-le sans fioritures, il n y en aura pas dans les conditions actuelles. Pas tant que nous n’avons créé les conditions même de l’abondance car émergence rime avec abondance.

Au lieu de nous contenter indéfiniment de miettes avec les saupoudrages qui caractérisent la politique économique actuelle, nous pensons qu’il est impératif de sortir de nos entêtements et conceptions surannées pour changer résolument de paradigme économique. Pour y parvenir, car on ne peut faire d’omelette sans casser des ufs, nous devrions être prêts à opérer les mutations mentalitaires et institutionnelles indispensables aux accomplissements souhaitables et espérés. De l’éloge de la rareté si longtemps pratiquée, il serait peut-être temps de passer à l’apologie de l’abondance avec une robuste traduction de cette dernière en matière de formulation et de conduite de la politique économique et sociale.

Que Dieu bénisse le Cameroun !

Dr. Olivier Bile, Président de l’UFP
Journalducameroun.com)/n


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