Le procès des leaders de Ayuk Tabe et neuf autres leaders séparatistes a été marqué mercredi par une vive polémique autour de la compétence du Tribunal militaire à juger ces personnes.
La Cour a pris une décision mercredi au sujet d’une requête des avocats de la défense lui demandant de se déclarer incompétente pour juger Sissiku Ayuk Tabe et ses compagnons d’infortune. Ladite demande qui avait été formulée lors de la deuxième audience, le 10 janvier, se fondait sur les statuts de réfugiés et demandeurs d’asile dont jouissent les mis en cause. Le conseil de la défense demandait précisément au juge de prononcer un renvoi des personnes jugées au Nigeria où elles avaient été arrêtées, en vertu des conventions internationales signées par le Cameroun.
« Le Tribunal accepte les documents produits par les parties. Ces documents attestent que les inculpés sont de nationalité camerounaise. Le Tribunal reconnait que quatre des accusés sont des réfugiés et les autres sont des demandeurs d’asile. Ces qualités ne leur confèrent toutefois aucune immunité. Même si les accusés avaient renoncé à la nationalité camerounaise, rien n’aurait empêché qu’ils soient jugés au Cameroun. La Cour se déclare compétente pour juger les accusés« , a déclaré le juge Michel Mem à l’issue de la présentation des preuves des différentes parties- les documents délivrés par les autorités nigérianes, pour la défense, et les photocopies de Cni et de passeports pour le ministère public.
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-Les avocats de la défense sortent de la salle d’audience-
Le conseil de la défense n’a pas approuvé la décision du juge et pour le signifier, il a quitté la salle d’audience à grand fracas. Il a immédiatement été suivi par la foule d’avocats d’expression anglaise qui assistent, séance après séance à toute les audiences relatives à ce dossier ainsi que par quelques membres de familles des accusés.
La défense estime que les documents fournis ce jour par le ministère public n’ont pas fourni une preuve suffisante de la nationalité camerounaise d’Ayuk Tabe et ses compagnons. Le commissaire du gouvernement souligne, pour sa part, que les cartes de réfugiés et demandeurs d’asile présentées par la partie opposée mentionnent que ces leaders sécessionnistes sont de « nationalité camerounaise« .
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« Pour nous, il n’y a pas d’incident, les avocats de la défense ont sans doute été déstabilisés. Votre Honneur, nous vous suggérons de le mentionner dans votre plumitif et de laisser le procès continuer. Les accusés continuent d’être assistés parce que les avocats constitués ne se sont pas déconstitués. Rien ne nous empêche dans cet état des choses de continuer les débats. Libre à vous, votre Honneur de continuer tout de suite ou de commettre d’office des conseils pour la suite« , déclare-t-on au ministère public à l’attention du juge qui a décidé de reporter le procès pour une meilleure défense des personnes jugées.
-Exception ou jugement avant-dire-droit-
La défense a présenté au juge son intention de faire appel de sa décision relative à sa compétence pour connaître de cette affaire. Chose que le magistrat Michel Mem n’a pas autorisé, ravivant ainsi la polémique sur ce sujet. Pour lui, il ne s’agissait pas d’un jugement avant-dire-droit [décision prise au cours d’audience pour aménager une situation provisoire, Ndlr] mais d’une exception [moyen par lequel le défendeur demande au juge, soit de refuser d’examiner la prétention du demandeur, soit de surseoir à statuer, Ndlr]. La défense des premiers dirigeants autoproclamés de l' »Ambazonie » doit attendre le verdict final avant de saisir la Cour d’appel, a-t-il instruit.
Il n’en est rien, se défend le conseil des leaders séparatistes. Leurs avocats entendent boycotter l’audience du 7 mars pour manifester leur désapprobation.
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