Elle est clairement apparue dans le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune et donne une interprétation particulière du rapport de l’ONG Amnesty International
Dans sa Une du jeudi 24 janvier 2013, le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune titrait « Droits de l’Homme au Cameroun, le faux procès d’Amnesty ». Un dossier de quatre pages où les différents rédacteurs de ce média proche du pouvoir ont revisité les principales conclusions de l’organisation non gouvernementale britannique. Selon un d’eux, le rapport d’Amnesty est un hymne à l’homosexualité. « Par honnêteté, le rapport aurait simplement pu s’intituler : « Cameroun. Laissez les homosexuels tranquilles ! » Mais les auteurs ont cru bon d’enrober leur idée avec d’autres dénonciations, qui font à peine diversion. « On y retrouve donc trois centres d’intérêt : la lutte contre la corruption, les conditions de détention dans les prisons du pays; et ce grand développement sur les LGBTI. Vous ne connaissez pas ? Traduction : personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées. Décidément, on en apprend tous les jours », peut-on lire dans le quotidien national. Un autre article traite le rapport de « pamphlet » et estime qu’ « Amnesty a délibérément choisi de faire preuve de myopie intellectuelle pour nuire à l’image de marque du Cameroun ». Une autre réponse plus subtile a été de dire que les prisons camerounaises ne sont pas des paradis, mais ne sont pas non plus des enfers. Interview d’un responsable de l’administration pénitentiaire à l’appui, le dossier du quotidien public revient sur les projets visant à améliorer les conditions de détention des prisonniers et autres détenus au Cameroun.
Difficile de comprendre que le journal se soit attardé sur les questions liées à l’homosexualité, qui ne font pas l’essentiel du rapport. Dans un pays où l’homosexualité est fortement critiquée, le message risque de passer, Amnesty International est un instrument au profit des homophiles. Or le rapport soulève des points intéressants et qui sont au c ur des discussions dans la société camerounaise. Il dénonce les exécutions illégales, les mauvaises conditions carcérales, le musellement d’opposants et journalistes. Une des questions soulevées est celle de la justice populaire. Au nom de la lutte contre le banditisme, des personnes massacrent d’autres pour peu qu’on les accuse de vol ou autre méfait. Rien qu’en 2012 on parle de près de 2000 personnes qui auraient péri du fait de la justice populaire au Cameroun, soit autant de décès que ceux des accidents de la circulation dans le pays. Du fait de l’absence de régulation, le pays vit au rythme d’une violation constante des droits des personnes.

Il est vrai que toutes les violations des droits humains ne sont pas le fait du gouvernement. Mais il a une responsabilité générale du fait de son devoir de garant. Des milliers de personnes sont chaque jour mal soignées alors qu’elles payent pour ces services de santé, les vies d’autres sont mises en danger, en raison de l’impunité sur les mauvais conducteur ou les mauvaises agences et autres. « Il est temps de mettre fin à ces violations flagrantes des droits humains, a souligné Godfrey Byaruhanga, chercheur sur l’Afrique centrale au sein d’Amnesty International, qui s’est récemment rendu dans le pays. « Le gouvernement doit faire clairement comprendre aux forces de sécurité que les violations des droits humains ne seront pas tolérées, que leurs auteurs seront traduits en justice et que des indemnités seront payées aux victimes ». Pour des observateurs moins passionnés, loin de voir dans le rapport d’Amnesty un document homophile, les camerounais devraient y trouver l’occasion de revoir leur société telle qu’elle est et de revisiter les valeurs dont certains de ses leaders d’opinions semblent se vanter.
