Le sommet international sur la République démocratique du Congo qui s’ouvre mercredi en Angola entend prévenir le basculement vers un chaos interne ou régional dans le pays
Après la clôture du dialogue politique entre pouvoir et une frange de l’opposition, le sommet se dirigerait vers l’entérinement de cet accord pour « sauvegarder le plus grand dénominateur commun de l’équation politique congolaise ».
Le sommet international sur la République démocratique du Congo (RDC) qui s’ouvre mercredi en Angola ne remettra pas en cause, vraisemblablement, la prolongation du mandat du président Joseph Kabila récemment consacrée par un accord politique dans ce pays, estiment des observateurs.
Ce sommet organisé conjointement par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), les Nations unies (ONU), la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine (UA) est néanmoins « salutaire pour prévenir le basculement dans un chaos interne ou régional », affirme l’universitaire congolais Médard Tchibangu.
Grande comme l’Europe de l’Ouest, « la RDC est le poumon de l’économie de l’Afrique centrale, australe et des Grands lacs. La plus grande tâche de ce sommet sera donc de résoudre la crise dans un dernier round inclusif. C’est là d’ailleurs, sa principale vocation, dans la logique des accords d’Addis Abeba de 2013 », estime cet ancien professeur de sciences politiques à l’université libre de Bruxelles (ULB).
Prévu depuis plusieurs mois, le sommet de Luanda s’inscrit en effet dans le mécanisme de suivi régional et international institutionnalisé par l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, signé le 24 février 2013 à Addis Abeba.
Cet accord-cadre avait alors mis en place un mécanisme 11+4 réunissant onze pays de la région (Afrique du Sud, Angola, Burundi, Centrafrique, Congo, Ouganda, RDC, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie, Zambie), « jouissant des bons offices du Secrétaire général des Nations Unies, de la Présidente de la Commission de l’Union africaine, du Président de la CIRGL, et du président de la SADC.
Répondant, dès lors, à l’impérieuse nécessité de prévenir le basculement irrémédiable de la région dans l’instabilité, le sommet de Luanda « entérinera les résolutions issues du dialogue politique clôturé mardi dernier en RDC. Il ne peut aboutir à une résolution contraignant Kabila à quitter le pouvoir », d’après Tchibangu, aujourd’hui consultant auprès d’organisations internationales.
Lancé début septembre dernier, le dialogue politique qui a réuni le pouvoir et une partie de l’opposition et de la société civile a abouti à un accord prévoyant le report des élections à avril 2018. Durant cette période transitoire, le président Kabila restera en poste et un Premier ministre issu de l’opposition sera nommé.
« Pour des raisons de paix régionale, qui transcendent toute autre considération, le sommet s’attachera à sauvegarder ce plus grand dénominateur commun de l’équation politique congolaise », a confié un proche de la facilitation de l’UA conduite par le Togolais Edem Kodjo.
[i « La conclusion de cet accord entre le régime et l’opposition de M. Vital Kamerhe [chef de file de la frange de l’opposition ayant pris part au dialogue] est une prouesse qu’il faut sauvegarder. Il ne peut pas y avoir pour l’heure, malheureusement, d’accord encore plus inclusif »], explique ce diplomate.
Réunie au sein du Rassemblement des forces acquises au changement, l’opposition dite radicale avait choisi, quant à elle, de boycotter le dialogue et d’exiger de Joseph Kabila qu’il quitte le pouvoir à la fin de son mandat, soit en décembre prochain.
Le Rassemblement n’espère pas moins de ce sommet qu’il réussisse là où avaient échoué les exhortations internationales et pressions internes. « Ce sommet reste la dernière voix internationale qui peut ramener Kabila à la raison et lui faire comprendre qu’il doit démissionner de ses fonctions en décembre pour que se mette en place un régime de transition qui organisera rapidement des élections en 2017 », estime dans une déclaration Jean-Marc Kabund-a-Kabund, secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS-opposition).
Les « voix internationales » exhortant Kabila à quitter le pouvoir au terme de son dernier mandat constitutionnel s’étaient, en effet, multipliées ces derniers temps. Mercredi dernier, les Etats unis avaient appelé, à travers leur ambassade, à la tenue d’élections dans le courant de l’année 2017.
« Nous exhortons le président Kabila à réduire les tensions et à promouvoir des élections libres et équitables en indiquant clairement qu’il ne briguera pas un troisième mandat », rapporte le communiqué de l’ambassade, en insistant qu’il « est à la fois techniquement possible et important pour la RDC d’organiser des élections présidentielles crédibles en 2017 ».
Sur le plan interne, une opération ville morte organisée par le Rassemblement avait été largement suivie à Kinshasa, mercredi dernier. Deux jours plus tard, ce sont 173 organisations de la société civile congolaise qui ont appelé le président de la République à quitter le pouvoir en décembre prochain.
Les troubles liés aux intentions prêtées à Joseph Kabila de rester au pouvoir remontent à janvier 2015. Un projet de loi conditionnant l’organisation de la présidentielle à un recensement préalable de la population (pouvant prendre jusqu’à trois ans) avait provoqué des émeutes meurtrières.
Un dialogue politique convoqué par le pouvoir dès le mois de novembre suivant avait rencontré la résistance de l’opposition. Celle-ci accusait le pouvoir de vouloir opérer, à travers ce dialogue parrainé par l’Union africaine, un « glissement électoral » pour maintenir Kabila au pouvoir au-delà de son dernier mandat constitutionnel.
De son côté, Kinshasa déclarait organiser ces assises dans le seul objectif de résoudre les problèmes techniques et financiers liés au processus électoral de 2016.

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