« Pour participer aux productions actuelles on a besoin de musique initiatique »
Qui est François Essindi ?
François Essindi est un Camerounais qui est né dans un village qu’on appelle Ekoudou (Région du Centre, aux environs de Yaoundé), fils d’un chauffeur de camion. Un camerounais artiste, qui s’intéresse à la tradition, la tradition africaine. Je vis à Paris depuis un certain moment et ai aussi une vie au Cameroun où il y a tout le reste de ma famille, mes amis.
Racontez-nous votre première rencontre avec le Mvet.
Euh. ! Le Mvet, je l’ai en souvenir, parce que lorsque j’étais petit, j’avais assisté à une soirée racontée par un joueur de Mvet. Ce jour-là, j’avais été très marqué, après j’ai assisté à plusieurs autres soirées de conte. Le Mvet, c’est une histoire qui m’interpelle et j’aimerais participer à le faire traverser l’histoire.
Comment est né vote groupe ?
Le groupe Abakuya est né de cette recherche vers l’autre, pour donner ce que j’ai et apprendre ce que je vois des autres. J’ai rencontré à Genève en suisse, en 2005, Jimi Sofo, un bassiste australien, lors d’une tournée, et on a discuté, on a joué ensemble et on s’est donné rendez-vous à paris. Deux mois plus tard, je suis retourné à paris nous avons rediscuté pour travailler ensemble. Mais pour cela, il fallait qu’on parte au Cameroun afin qu’il découvre la culture que je mentionnais dans nos conversations. A notre retour du Cameroun, nous avons décidé de monter le projet ; que j’ai nommé Abakuya.
Que signifie Abakuya ?
(Rires) Abakuya c’est le cri, c’est l’ultime, c’est la danse, une culture parce que si vous vous rendez au sud du Cameroun vous allez trouver des danses qu’on appelle Abakuya. Et lorsqu’on qu’on voulait faire peur aux enfants qui pleuraient la nuit, on leur disait qu’Abakuya vas venir. Mais la véritable histoire d’Abakuya est plus lointaine encore. Dans une lointaine tribu africaine, il parait qu’il y’avait des moments où les gens ne comprenaient plus ce qui leur arrivait, alors ils invoquaient un masque qui sortait de nulle part et se mettait à danser et lorsque le masque re-disparaissait, il laissait derrière lui joie et gaîté. Ces gens reprenaient un refrain «Abakuya sors de la maison et apporte nous la joie eheyié, Abakuya bakuya, abakuya cinéma», ainsi, lorsque les gens ne comprenaient plus rien il l’invoquait.
Il parait que vous avez inventé le Mvet avec archet?
C’est toujours dans l’optique de faire traverser les âges aux instruments et à nos cultures, que j’essaie de les adapter. Si nos ancêtres vivaient encore, je leur aurais expliqué ce besoin de modernisation des instruments. En ce qui concerne le Mvet, je l’ai confectionné de façon à ce qu’on puisse le jouer avec un archer (instrument du violon). Il est en même temps Mvet, et violon. J’ai réduit le nombre de calebasses pour n’en garder qu’une seule.

Est-ce que vous pensez que vous faites de la musique initiatique ?
Personnellement je suis en train de faire. (Rires) ça me flatte un peu cette question. J’aimerais faire une musique initiatique s’il faut le faire. Mais aujourd’hui il y’a un problème c’est qu’il faut participer aux productions actuelles et on a besoin de partir d’une musique initiatique. Je veux dire que je voudrais partir d’une musique initiatique, pour participer aujourd’hui afin d’avoir un futur meilleur.
A partir de quel moment vous êtes-vous dit je veux faire ça ?
Je suis ce que j’ai rêvé d’être, je voudrais juste être le porteur de quelque chose. Mais mon plus gros rêve c’est que des décennies après qu’on puisse toujours parler de cette tradition africaine, du Mvet, de cet art de vivre. Aujourd’hui je peux dire que j’ai toujours voulu faire ça depuis mon enfance, mais vous savez dans la vie il y’a beaucoup de chose à négocier, comme par exemple des diplômes pour les parents et autres. Je n’ai fait que négocier pour arriver à mes fins d’aujourd’hui. Il faut croire, avoir l’espoir que les gens écoutent et vous donne raison un jour.
Et dans le processus de négociation vous avez fait quoi ?
J’étais dans une école, une école adventiste, à sept kilomètre du village. Je ne suis pas allé à celle de mon village parce qu’on disait que l’enseignement n’y était pas de bonne qualité. Petit à petit d’autres parents ont aussi envoyé leurs enfants dans cette école (l’école adventiste d’Alem, dans les environs de Sangmélima). Donc, nous étions du coup plus nombreux à partir et à rentrer pour l’école. Ça c’est toute une histoire que je reprends dans mes chansons. A 11 ans j’entre au collège à Sangmélima, une vraie rupture pour moi qui étais attaché à mon village et mes grands-parents. Je me rends ensuite à Douala au collège INTEG et à un moment je suis venue à Yaoundé pour être boxeur. Mais je ressentais toujours comme un manque, une insatisfaction, j’avais la même chose dans la tête, je repoussais toujours. Et un jour un ami me dit comme tu parles toujours d’artiste il faudrait faire un tour à l’ensemble nationale, et il y avait des artistes. L’un d’eux, Aoulaoula, paix à son âme, m’a approché et on a discuté et puis un jour j’ai participé au RETIC où j’ai gagné un prix. Puis les festivals se sont enchaînés, Carthage, Allemagne, et je suis revenu. Je faisais le théâtre, mais je conservais le souvenir de certaines musiques ; Cependant, je ne pouvais pas le dire à mes parents, je vais chanter ; à l’époque ça ne représentais rien. J’ai fini par monter un groupe musical, nous sommes partis en Côte d’Ivoire et là quelqu’un nous a approché et nous a proposé d’aller jouer en Allemagne. Moi je voulais toujours revenir au Cameroun, mais c’était dur et mes compagnons sont partis.
Qu’est ce que vous préparez pour manger ?
(Rire) Je prépare le miondo et aussi la pâte d’arachide ; il y a aussi ce mélange avec des aubergines bref une gamme variée.
