Initié par un groupe de camerounais, CTN a de grandes ambitions présentées lors du davoc 2010 en Allemagne.
C’est une question très difficile par laquelle on va commencer. Dites à nos lecteurs qui est Pierre Bisseck?
Pierre Bisseck est un camerounais, né en 1969 au Cameroun, qui fait ses études au Cameroun jusqu’au baccalauréat et qui obtient une bourse du gouvernement camerounais pour faire des études d’informatique en Allemagne, qui les fait, qui travaille 15 ans pour la société IBM et qui se met à son propre compte comme consultant et participe à la création d’une unité camerounaise qui s’appelle Cameroun Technologies Network (CTN).
Un mot sur le Cameroun de votre enfance? Où avez-vous fais vos études?
La maternelle et l’école primaire, je les ai passées dans une école évangélique du quartier Sic à Douala EPC Sion. Et après l’obtention du certificat d’études primaires et élémentaires, j’ai fait le collège St Michel pendant 7 ans. Et j’ai passé une année au lycée de Bertoua où j’ai obtenu mon baccalauréat série C en 1988. Etant premier de mon centre, j’ai eu une bourse pour des études en Allemagne.
Et donc, vous arrivez en Allemagne juste après votre baccalauréat
Effectivement. J’ai commencé en Allemagne de l’est où j’ai fais les cours de langue dans une petite ville avant de passer 6 semestres d’études informatiques à l’université technique de Dresden. Ensuite, je me suis retrouvé à IBM comme stagiaire tout en continuant mes études universitaires à l’université de Bonn où j’ai obtenu un diplôme de fin de cycle, l’équivalent d’un DEA. J’ai décidé par la suite, avec l’appui de mes professeurs et de IBM de m’inscrire en troisième cycle que j’ai fait à l’université de Bonn jusqu’en 2000.
Parlez-nous de CTN.
CTNCameroun Technologies Network est une société qui est née de trois camerounais vivant en Allemagne, donc en plus de moi, il y a le Dr Alain Pfouga qui est le vice-président en charge des technologies et des innovations, M. Hamadou Zourmba qui est lui aussi informaticien et vice-président en charge des finances et d’un partenaire que nous avons au Cameroun. Donc CTN est une société qui se veut global player car nous sommes convaincus qu’une fois que nous avons bien formé les camerounais au Cameroun, nous serions capables de trouver aussi des projets en Allemagne que nous ferions réaliser au Cameroun. Donc c’est trouver des projets en Allemagne, en Europe et les faire réaliser au Cameroun.
Et quelle est la typologie de vos clients aujourd’hui?
Nous avons décidé de percer le secteur public parce que nous avons estimé que le service public avait beaucoup d’opportunités dans l’information et la communication. Notre analyse se base sur les cinq ambitions que le Président de la République a définies en 2001, il fallait amener le Cameroun vers l’ère des nouvelles technologies. Nous nous occupons donc du secteur public et nous avons de très bonnes relations avec l’Assemblée nationale camerounaise, les délégations et l’ambassade du Cameroun en Allemagne pour laquelle d’ailleurs nous avons construit le nouveau site.
Comment vous organisez-vous pour toucher ce marché? On sait que les règles ne sont pas toujoyrs claires.
Nous avons absolument besoin du relationnel pour pouvoir pénétrer tout ça. Nous avons quand même de la chance d’avoir Se Jean Marc Mpay, un ambassadeur très ouvert, qui est vraiment prêt à aider. Je vais vous donner l’exemple de CTN, lorsque nous avons développé le site Internet de l’ambassade du Cameroun, nous avons estimé qu’il serait judicieux de faire le même système pour tout le Cameroun, et c’est avec Monsieur l’Ambassadeur que nous nous sommes entretenus afin qu’il adhère à l’idée d’un pilote en Allemagne puis à un projet défini et complet au Cameroun.
Le projet a-t-il évolué?
Oui, le projet a évolué, je ne veux pas me prononcer sur des contrats non finalisés mais ce que je peux vous dire c’est que nous avons fait un grand pas en avant.
On va revenir sur les difficultés de pénétrer le marché public au Cameroun en insistant sur le fait que bien souvent il faut passer par «les pots de vin» et la corruption, tout cela devient bien plus dur pour quelqu’un qui n’a pas la posture et les habitudes locales.
Quand j’étais plus jeune, j’étais plus critique sur ce problème de corruption et aujourd’hui je me suis mis à mon propre compte en Allemagne alors je sais ce que cela fait de gagner un projet, de l’argent. Je ne dis pas que c’est des pots de vins qu’il faut donner mais très souvent il faut recevoir des directeurs, des gens importants, etc…
C’est du lobbying?
Oui, en quelque sorte…
Donc vous estimez que la corruption au Cameroun serait une sorte de lobbying?
Vous l’appelez comme vous voulez moi je dis que les problèmes de corruption existent dans tous les pays. Nous savons que Siemens est confronté à de gros problèmes de corruption, comme les Etats-Unis et la France dernièrement. Je crois que la corruption n’est pas un problème purement camerounais, je me garderais bien de donner des pots de vin au Cameroun à qui que ce soit mais il faut comprendre que dans le commercial quelques fois il faut parfois faire du lobbying sans que cela ne devienne monnaie courante, une sorte de prix à payer pour être écouté ou encouragé.
Aujourd’hui, quelle est votre définition du mot «diaspora»?
C’est une très bonne question, en 2003, 2004 ou peut-être même 2005 nous avons adressé une lettre ouverte au Premier ministre pour lui parler des problèmes de la diaspora, et nous avons essuyé beaucoup de critiques de la part de nos frères camerounais. Pour moi la diaspora n’exprime pas la qualité mais c’est une appartenance à un groupe de personnes, de Camerounais dispersés dans d’autre pays. La diaspora n’est nullement un attribut de qualité.
Pouvez-vous nous parler de la diaspora en Allemagne, qui est très active. On a le «Challenge», le «VKII», le «Davoc», comment expliquez-vous cette dynamique?
La réponse est très simple, on se rend compte en vivant en Allemagne qu’il est plus facile de se mettre ensemble pour faire de grandes choses. Monsieur Bernd Kraus, nous a fait comprendre que IMB était à la base une collaboration de cinq anciens managers, vous vous rendrez compte, cinq anciens managers et IMB est aujourd’hui le géant incontestable de l’informatique partout dans le monde. Vous voyez, c’est une culture allemande que de se mettre ensemble pour créer de grandes choses et de grands projets. Vous avez parlé du VKII, l’association des ingénieurs et des informaticiens camerounais est la base de CTN, mes trois collaborateurs et moi nous nous sommes connus au sein de VKII et qui sait, notre société deviendra aussi un géant de l’informatique dans quelques années.
Quel est votre rêve aujourd’hui?
Mon souhait premier serait de rester en bonne santé car j’ai autour de moi des gens auxquels je tiens énormément et qui n’ont plus cette chose importante qu’est la santé, ils n’ont plus de rêves, donc je crois que pour maintenir mon rêve, j’ai d’abord besoin de la santé, pour mon épouse, mes deux enfants ainsi que pour moi-même. Pour CTN, nous attendons un net développement.
Pour finir, était-ce si important pour vous de monter un projet au Cameroun?
Nous ne pouvons pas, nous camerounais, nous contenter d’être de la diaspora et continuer à regarder le Cameroun comme un pays de vacances. Cela veut dire que nous avons une responsabilité. Encore plus pour nous qui avons eu une bourse du gouvernement camerounais, je crois que nous sommes obligés de restituer une part, de ce don au peuple camerounais et nous pouvons le faire chacun dans notre domaine soit en s’engageant politiquement et socialement soit avec la création d’emploi. Il faut être capable d’employer de jeunes camerounais, de leur donner une vraie opportunité de s’épanouir et nous notre domaine c’est les nouvelles techniques de communication.