Bruno Gain, Ambassadeur de France au Cameroun
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Messieurs les Gouverneurs, Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Honorables Députés à l’Assemblée Nationale,
Leurs Majestés les Chefs traditionnels,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Haut-Commissaire,
Chers Anciens Combattants,
Distingués invités,
Mes Chers compatriotes,
Je vous remercie d’être venus aussi nombreux ce soir à l’occasion de notre Fête Nationale. C’est toujours un temps fort pour les Français que cette célébration qui est une occasion de partage et de solidarité. C’est aussi l’occasion d’exalter notre devise nationale: Liberté, Égalité, Fraternité, ces trois valeurs irremplaçables et toujours neuves. La liberté prend aujourd’hui une résonance toute particulière pour les Français du Cameroun. Au début de l’année, nous avons tous été ici profondément marqués par la prise en otage de la Famille Moulin-Fournier et rongés, deux mois durant, par les affres de l’anxiété et du doute avant de vibrer à l’annonce de leur libération. Je souhaiterais remercier une fois encore les autorités camerounaises pour les efforts qu’elles n’ont cessé de déployer pour obtenir la libération de nos sept compatriotes, et leur témoigner notre gratitude. Jamais la France et la Cameroun n’ont été aussi soudés que dans cette tragédie qui les a durement frappés. A cet égard, je tiens à rendre un hommage tout particulier à Son Excellence le Président Paul Biya pour son engagement personnel déterminant en vue de résoudre ce drame. L’égalité est plus que jamais l’un des fils conducteurs de l’action du Gouvernement français: égalité devant la loi; égalité devant les conséquences de la crise économique et le partage des efforts qu’elle implique de la part de tous les Français; égalité dans la lutte pour éradiquer les discriminations. Mais comment ne pas souligner aussi l’égalité dans notre relation avec le Cameroun. Une relation de pair à pair, décomplexée, rejetant tout paternalisme, sans modèle à imposer ni leçon à délivrer, sans ingérence aucune mais privilégiant le respect, la clarté et la solidarité.
Liberté, égalité, mais aussi fraternité. Cette notion prend tout son sens ici au Cameroun. Car notre histoire commune, c’est celle d’une fraternité; c’est celle de combats menés ensemble et des sacrifices consentis pour la liberté du monde. Les anciens combattants ici présents sont là pour en témoigner. Nous n’oublions pas que cette histoire a aussi sa part d’ombre qu’il faut savoir affronter lucidement – et je me réjouis à cet égard de l’effort de décryptage engagé par des universitaires et historiens; mais ces pages douloureuses de notre cheminement commun ne remettent pas en cause les liens puissants d’amitié entre nos deux pays. Jamais sans doute les relations entre la France et le Cameroun n’ont été aussi fortes. Le Président Biya s’est entretenu avec le Président Hollande le 30 janvier dernier à l’Elysée. Le Ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, s’est rendu à deux reprises à Yaoundé. S’agissant des relations économiques, le forum organisé par le MEDEF International à Paris, en marge de la visite du Chef de l’Etat, a tenu toutes ses promesses et témoigné de la vigueur de l’intérêt des entreprises françaises pour un Cameroun émergent à l’horizon 2035. Les énergies de nos deux pays sont tendues vers la promotion de la croissance et de l’emploi qui sont des objectifs que nous partageons. Il faut maintenant aller plus loin et faire en sorte que nos entreprises participent massivement au développement du Cameroun. La relation franco-camerounaise, c’est aussi tout le poids de la diaspora des Français d’origine camerounaise et des Camerounais installés en France. Les uns et les autres constituent un atout considérable pour développer davantage encore nos relations et les investissements français au Cameroun.
Enfin, notre coopération se trouve en toute première ligne dans la stratégie visant à l’émergence, en contribuant largement au financement et à la mise en uvre des grandes réalisations voulues par le Chef de l’Etat. La coopération française, et son bras séculier qu’est l’Agence française de Développement, soutiennent plus que jamais l’économie, camerounaise dans toutes ses déclinaisons: les infrastructures, le développement rural et l’agriculture, les secteurs sociaux que sont la santé et l’éducation, la biodiversité et le secteur productif privé. Il serait vain de reprendre la litanie des projets et programmes qui bénéficient d’un soutien français. Je me contenterai d’un seul chiffre: depuis 2006, date de signature du C2D, le montant cumulé des engagements de l’AFD a dépassé 942 milliards de FCFA (1 436 ME) soit une moyenne annuelle de 135 milliards de FCFA (200 ME). La France a toujours été aux côtés du Cameroun. Elle a accompagné son histoire économique et sociale dans ses phases de croissance comme dans ses périodes de difficultés, ne l’oublions pas. Entre la France et le Cameroun, la relation est faite de passion. Elle suscite des sentiments mêlés, j’en suis bien conscient. C’est une relation dominée par l’affectif mais qui exclut l’indifférence. C’est une relation qui a su tirer une énergie positive du passé, même si celui-ci a pu être autrefois fratricide et tumultueux. C’est une relation partenariale exemplaire.

Je mesure d’autant plus la force de ces relations que le temps est venu pour moi d’affronter la perspective départ devenu inéluctable. Ce n’est pas chose facile, car c’est le moment où l’on se retourne pour mesurer le chemin parcouru. «On est reçu selon l’habit et reconduit selon l’esprit» dit un proverbe russe et je redoute ainsi le temps des bilans et l’heure de vérité. Tout est allé beaucoup trop vite au cours de ces quatre années passées parmi vous. J’ai le sentiment de devoir prématurément tourner la page alors que j’aurais encore tant à proposer et tant à faire pour densifier davantage encore notre partenariat. J’ai été heureux de pouvoir accompagner la montée en puissance économique du Cameroun. J’ai été heureux de pouvoir constater l’approfondissement de ses institutions démocratiques. J’ai été heureux de pouvoir m’imprégner pleinement de la culture vivante et diversifiée de ce pays. J’ai été heureux des relations humaines si fortes nouées avec chacun d’entre vous. J’ai été heureux de vivre avec intensité chaque instant de ce long séjour. Oui, c’est vrai, j’ai aimé le Cameroun, et il me l’a bien rendu. On ne peut évidemment pas clore un chapitre de sa vie sans que s’accroche une certaine nostalgie; une nostalgie qui va du reste bien au-delà de la «saudade», ce mot portugais intraduisible où se bousculent la mélancolie, la tristesse et la nostalgie parfois irrationnelle de quelqu’un qui a quitté un pays et conserve l’espoir d’y retourner un jour. Je sais bien, me diront les lusophones, que la saudade ne s’explique pas, elle se vit… Et bien cette nostalgie je la vis déjà! Je ne me risquerai pas à faire l’inventaire d’une mission. Je ne vais pas vous asséner des chiffres. Ce serait aussi futile que prétentieux. J’ai simplement fait de mon mieux pour défendre et développer une amitié emblématique, celle qui rassemble et unit la France et le Cameroun. C’est ce qu’a fait mon prédécesseur. C’est ce que fera aussi mon successeur le moment venu. Je ressens évidemment une vive émotion en repensant à tant d’évènements vécus au cours de cette période et qui me confortent dans l’idée que le Cameroun bénéficie d’un potentiel exceptionnel dans tous les domaines. Qu’il me soit permis de remercier les autorités camerounaises et de rendre hommage à leur disponibilité. Elles ont toujours été prêtes à engager le dialogue, soucieuses de répondre à nos attentes et disposées
Chers amis camerounais, j’ai essayé de vous écouter, de mieux comprendre vos aspirations; de saisir, grâce à vous, les ressorts et les arcanes de cette terre que j’ai arpentée de long en large; de me pénétrer de l’esprit et de la culture de ses habitants qui m’ont apporté tant d’émotions, tant de satisfactions, tant d’enrichissement intellectuel, ceci n’excluant du reste pas les échecs ni les moments de doute d’ailleurs vite surmontés. Quant à vous mes chers compatriotes, je suis fier de la contribution que vous apportez à ce pays et heureux de vous avoir connus. J’ai pu mesurer votre attachement irrépressible au pays qui ‘nous accueille et d6nt vous savez partager les joies et les souffrances. Enfants de la République, certains d’entre vous y sont nés. D’autres sont présents au Cameroun depuis plusieurs générations, installés dans la durée. Vous êtes nombreux aussi à résider au Cameroun pour quelques mois ou quelques années: enseignants, volontaires de solidarité internationale, militaires, experts de la coopération, assistants techniques ou fonctionnaires. Avec force et sincérité je souhaiterais saluer l’engagement de tous et de chacun. Je souhaiterais rendre hommage à la contribution que vous apportez à l’approfondissement de la relation entre nos deux pays, que ce soit sur le plan intellectuel ou moral, car vous êtes les promoteurs d’un métissage culturels bénéfique à l’un comme à l’autre Mon épouse et moi-même avons un sentiment d’immense gratitude à l’égard de chacun d’entre vous, Camerounais comme Français. «La vie traîne derrière elle son manteau pour effacer ses traces» disait Aragon. Soyez assurés que ce manteau ne parviendra pas à effacer la marque profonde et indélébile que le Cameroun aura laissé dans nos c urs.
Vive le Cameroun,
Vive la France,
Vive l’amitié franco-camerounaise.
Je vous remercie