Serges Tchaha réagit à la mort de Pius Njawé
De Douala Manga Bell à Pius Njawé en passant par Um Nyobè, Ahmadou Ahidjo, Marc-vivien Foé et Ferdinand Oyono : Sommes-nous de ces GRANDS PEUPLES qui célèbrent et honorent leurs GRANDS HOMMES?
L’Univers, la Providence ou encore le Destin nous a encore frappé durement, sournoisement, brutalement. En effet, après le départ de Ferdinand OYONO, un de nos plus grands écrivains, le Cameroun s’est fait arracher, voler, Pius Njawé, qui pour Célestin BEDZIGUI, était « le plus grand des journalistes que le Cameroun ait jamais eu ».
C’est une nouvelle qui a bouleversé tous ceux que le Cameroun compte de patriotes. Car force est de reconnaitre que la stature internationale, le singulier destin de l’homme, l’engagement féroce de ce combattant de la liberté, en ont fait un Grand camerounais. D’ailleurs, dans une enquête menée par Jeune Afrique (numéro 2520-2521), il apparaissait parmi LES 50 QUI FONT BOUGER LE CAMEROUN.
Vous savez, il me semble que l’Histoire de l’humanité prononce un verdict clair : il n’y a pas de GRAND PEUPLE qui n’ait eu de GRANDS HOMMES. Ces GRANDS HOMMES ne sont pas seulement des hommes politiques, ce sont aussi, des artistes, des sportifs, des hommes d’affaires, des intellectuels ou des journalistes. Je veux parler de ces hommes qui, de par leurs actions, leurs pensées ou leurs écrits laissent une trace indélébile dans l’imaginaire collectif et permettent à tout un peuple de réaliser un saut de conscience.
Qui peut aujourd’hui contester que les coups d’éclats et les coups de génie de Pius Njawé ont pas permis de décrisper la presse, de faire bouger les lignes de la liberté de presse et d’améliorer notre démocratisation?
Alors donc qu’il s’en va, le chanceux, retrouver les Manga Bell, Um Nyobè, Ouandie, Moumié et autre Ossende Afana, il nous oblige à nous poser plusieurs questions existentielles, patriotiques et fondamentales :
– Son combat est-il achevé? Son uvre est-elle complétée?
– La génération actuelle est-elle prête à prendre la relève? Aura-t-elle son talent?
– Le Messager connaitrait des difficultés financières, saura-t-il survivre?
– Son (ou ses) successeur « journalistique » s’affirmeront-ils sous peu?
L’Histoire répondra surement à toutes ces questions.
Mais, pour ma part, la principale interrogation qu’a soulevée son décès, est celle de savoir : sommes-nous de ces GRANDS PEUPLES qui célèbrent et honorent leurs GRANDS HOMMES? Le peuple camerounais est-il de cette trempe, de cette envergure là?
Est-ce parce que nous n’avons « que » 50 ans d’autodétermination que nous n’avons pas encore mesuré l’impérieuse nécessité pour un peuple de connaître son histoire, de conserver sa mémoire?
Le Président BIYA dans une de ses allocutions lors de la Conférence Internationale de Yaoundé, AFRICA 21, avait déclaré qu’à 50 ans, nous étions majeurs. Il a absolument raison. Eh bien soyons-le!
J’en appelle donc à nos différents chefs, à nos leaders d’opinion pour que des mesures soient prises concernant notre patrimoine immatériel. Je profite d’ailleurs de cette tribune pour inviter Alex Gustave AZEBAZE, Premier secrétaire a.i. du SNJC, à envisager la remise annuelle, fut-elle symbolique, d’un prix de journalisme qui s’appellerait le PRIX PIUS NJAWE. Il serait, par exemple, remis à un journaliste qui aura contribué de manière significative à l’avancement des libertés.
Vous savez beaucoup pensent qu’un homme, un vrai, est comparable à un arbre et les racines sont pour ce dernier ce que sont les ancêtres pour l’homme. Un arbre n’est-il pas plus solide quand ses racines sont robustement implantées? Par conséquent, un homme n’est-il pas plus homme, plus sûr, plus confiant quand il connait son histoire? N’est-il pas plus prompt à affronter l’avenir surtout si ces prédécesseurs furent des grands hommes? Je vous laisse y répondre.
Sommes-nous de ces GRANDS PEUPLES qui célèbrent et honorent leurs GRANDS HOMMES? Le peuple camerounais est-il de cette trempe, de cette envergure là? Malgré tout l’amour et l’allégeance à jamais immortels que j’ai pour le pays des Lions Indomptables, je réponds NON ou plutôt PAS ENCORE. Parce que simplement, il manque trop de tombes au Cameroun où je souhaiterais aller me recueillir. Le Cameroun, moi y compris, n’avons pas encore suffisamment fait pour Marc-Vivien FOÉ, décédé sur le champ de combat. Le peuple des Lions Indomptables, ceux qui se voient comme l’Afrique en miniature n’en sait pas encore suffisamment sur UM NYOBÈ. Les gens dont la devise nationale se termine par PATRIE n’ont pas encore suffisamment honoré ses GRANDS HOMMES!
Je voudrais vous laisser sur ces quelques vers de l’élégie composée par le Professeur Franklin Nyamsi à l’attention, de ce fils de Babouantou, Pius NJAWE qui reposera désormais, comme il est écrit dans le deuxième couplet de notre hymne, dans « la tombe où dorment nos pères ».
« Lève-toi, Pius Njawé, lève-toi et marche !
Que ton courage arme nos c urs contre l’injustice
Lève-toi, Pius Njawé, lève-toi et marche !
Que ton abnégation nous soit étoile de justice
Lève-toi, Pius Njawé, lève-toi et marche ! » (extrait de l’élégie du Pr. F. Nyamsi)
