Stéphane Abrahams: «Yoomee Cameroon est solide aujourd’hui, mais doit encore relever des défis»

Le DG sortant du fournisseur des services internet partage le contexte de son départ de la tête de l'entreprise et…

Le DG sortant du fournisseur des services internet partage le contexte de son départ de la tête de l’entreprise et son bilan deux ans après

Stéphane Abrahams vous quittez Yoomee Cameroon deux ans après avoir effectué son lancement effectif, quelle entreprise laissez-vous derrière vous?
Vous avez raison de parler de lancement puisque j’ai été le premier Directeur Général de cette entreprise au Cameroun et vous savez parfaitement que lancer une entreprise de télécommunication au Cameroun vous réserve certaines difficultés. C’est un secteur concurrentiel où rien n’est acquis, il faut être efficace. Il y’ a une demande qu’il faut satisfaire et qui est grande, mais les attentes des camerounais qui sont exigeants à juste titre sont très grandes. Deux ans plus tard on peut en toute humilité être fier du chemin qui a été parcouru sous ma direction avec le concours de mes équipes, mes collaborateurs, les distributeurs pour faire de cette entreprise une marque qui marche et qui est connue, reconnue et appréciée pour l’authenticité et le rendez-vous de la performance avec sa communication. Les camerounais je l’ai remarqué en arrivant ici sont très intelligents, ils connaissent parfaitement bien toutes les nuances dans les télécommunications pour déchiffrer les offres tarifaires et comprendre comment cela fonctionne et ils n’aimeraient pas qu’on fasse des promesses et qu’on ne les tienne pas.

Si on vous demandait de parler de Yoomee Cameroon d’aujourd’hui en termes de chiffres, que diriez-vous?
Plus de 20 000 abonnés à l’internet qui consomment à une vitesse au moins de 640 kilobits. A cela on peut ajouter 60 000 étudiants au sein de l’Université de Douala ont accès par le même réseau internet grâce au wifi. Une centaine d’employés dont 72 permanents et une trentaine d’intérimaires, au début nous étions 10. Un réseau de distribution qui comprend encore 200 collaborateurs qui travaillent indirectement pour YooMee. Un grand réseau de distribution dont chacun a plusieurs points de ventes, pour un accès aisé aux services et produits de Yoomee. La holding de l’entreprise Yoomee Africa est à Zurich et les performances financières de l’entreprise sont très bonnes puisque l’entreprise présente un budget en bonne santé. Cela passe par la gestion de ses dépenses, la maîtrise de ses coûts et en même temps aussi la gestion de ses recettes qui se partagent en deux segments de clients essentiels, les entreprises et le grand public. Je dois dire ici que les entreprises qui ont des besoins plus spécifiques présentent un ARPU (Average Revenu Per User) c’est-à-dire un revenu moyen par abonné qui est supérieur que sur le marché résidentiel. Si je regarde les étudiants, nous avons des milliers d’étudiant notamment sur notre réseau mobile et nous nous sommes positionnés avec des offres ciblées pour répondre à leurs exigences. Ils seront nous l’espérons nos consommateurs de demain et c’est eux qui vont développer l’internet dans ce pays.

Qu’est ce vous avait motivé à accepter cette mission et est-ce que cette motivation a trouvé un écho satisfaisant?
A juste titre il y avait un projet, un rêve, une ambition, des désirs, du savoir et de l’expérience du groupe YooMee Africa dans le domaine. Nous sommes au Cameroun notre pays où nous avons besoin de l’accès à internet qui était perçu jusque-là comme quelque chose de ludique. J’ai toujours plutôt défendu l’intérêt de l’internet pour le développement économique. Donc il a fallu convaincre malgré tout, les populations qu’il fallait regarder l’internet avec un regard différent. Ma source d’inspiration pour revenir à la question c’était d’aller expliquer qu’on avait là un levier pour la croissance et un accès pour la connaissance universelle, une bibliothèque virtuelle illimitée. A côté de cela il y a les chiffres de la banque Mondiale qui disent que l’internet va développer le Produit intérieur brut par habitant dans les pays. Mais sans aller jusque-là je suis convaincu du potentiel de l’internet, et il a fallu que je partage ces convictions sur l’importance de l’internet responsable avec nos consommateurs effectifs et futurs. Je dois aussi dire qu’au cours de ces deux dernières années, j’ai rencontré beaucoup de monde et j’étais admiratif de l’ingéniosité et de l’intelligence de certaines personnes.

Vous avez parlé au début d’une aventure qui a connu ses défis et ses succès, commençons par les défis. Quelle aura été pour vous la plus grosse difficulté rencontrée au cours de ces deux ans?
Parmi les difficultés, je citerai le faible taux de pénétration de l’internet. C’est une chance mais c’est aussi un défi puisqu’il fallait s’expliquer des raisons de cette situation. Il y a aussi le faible taux de pénétration de l’ordinateur dans les ménages. Nous proposons l’accès à l’internet mais si l’usager n’a pas d’ordinateur c’est difficile. Il a fallu apporter des réponses à cette problématique. Deuxième problématique le coût de l’internet au Cameroun est cher même de notre point de vue de fournisseur. C’est un défi lorsque le salaire minimum est 30 000 FCFA et qu’un ménage gagne 50 000 FCFA ce n’est plus une question de bon sens ou de logique sur l’intérêt de l’internet, c’est une question de moyen et de priorité. Comment voulez-vous qu’on s’en sorte dans ces conditions ? Internet forcément devient du luxe, or moi je ne voulais plus que ce soit le cas. Il fallait lever ces barrières tarifaires, mais dans le même temps le coût est tellement complexe qu’il y avait une grande difficulté à gérer de façon optimale entre les différentes catégories de consommateurs. L’autre défi c’était celui de l’accès à la technologie en termes de couverture réseau. Nous avons d’abord déployé le réseau à Douala puis il a fallu le faire à Yaoundé dans la capitale. Aujourd’hui beaucoup d’efforts ont été faits mais cela ne suffit pas. Notre objectif était de participer à la rupture de fracture numérique, mais avoir le réseau dans les deux villes principales ce n’est qui premier pas pour rompre la fracture numérique, il faudra bien plus, aller dans des zones reculées, et là encore la problématique des opportunités de consommation des produits de l’internet se posera pour ces populations. Pour ma part j’avais choisi de prendre des risques et de mener l’action pour apporter des réponses, ce qui n’était pas toujours facile. Le dernier défi était celui de la concurrence. Tout le monde l’a compris internet c’est l’avenir. Le Cameroun est un grand pays mais il y a une concentration des usagers de l’internet dans les deux grandes villes.

Stéphane Abrahams: « Yoomee Cameroon est solide aujourd’hui »
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Quel est le moment qui vous a le plus fait sourire et qui vous marque aujourd’hui?
Je n’ai pas d’autosatisfaction à exprimer. L’accès à l’internet comme je vous l’ai dit reste encore trop cher. Mon souhait c’est que l’internet se vulgarise, que nous parvenions à pouvoir rendre cet accès encore plus performant et moins cher. Il ne doit plus être un luxe et un privilège et là je serai vraiment satisfait. Mais si je devrais exprimer un sentiment de fierté, c’est le sourire de la rencontre avec une jeunesse du Cameroun absolument dynamique. Je me souviens des semaines de la jeunesse en 2012 et 2013. Nous formons au Cameroun toutes les formes de compétences, ce qui rend les jeunes dynamiques. C’était impressionnant de voir les différentes créations qu’ils présentent. J’ai été admiratif de voir à quels point ils étaient créatifs, entreprenants et aussi par leur vivacité, leur esprit d’entreprenariat capable de s’en sortir. Ils se disent on n’a pas une situation financière mais il y a une chose qu’on ne peut pas nous enlever c’est notre capacité et notre intelligence. J’ai vu cette jeunesse encore plus motivée qu’ailleurs et je me suis dit il faut faire quelque chose. Nous n’allions juste pas regarder nous devions leur donner des moyens de s’exprimer. Nous avons commencé à le faire, nous avons proposé des packs étudiants dans un marketing très ciblé. Je voudrais à ce propos rendre hommage au rôle décisif joué par le Recteur de l’Université de Douala pour réaliser ce projet. Un autre point qui était important pour moi c’était le fait les premiers du mois mai de chaque année de voir les camerounais célébrer le travail et surtout pour nous de réaliser que nous avons créé une part de ce travail et surtout procédé à un transfert de compétence. Même si beaucoup de gens sont bien formés au Cameroun, beaucoup d’autres n’ont pas d’expérience et je suis fier de voir que des gens à qui nous avons fait confiance pour une première expérience professionnelle ne nous ont pas déçus, même s’il a fallu s’investir pour cela. Sur un plan plus technique c’était la mise en place du réseau et d’un centre de contrôle de ce réseau. La mise sur le marché de nouveaux produits de l’innovation c’est aussi quelque chose dont nous sommes fiers et que je suis heureux d’avoir réalisé avec mes équipes.

Avec toute cette belle aventure on apprend que vous avez décidé de partir de Yoomee Cameroon, est ce qu’on peut avoir une explication sur le cadre et les raisons de ce départ?
C’est un honneur et un bonheur pour moi d’avoir participé à la création de cette entreprise. C’était une grande responsabilité aussi parce que la vision du groupe YooMee Africa est le déploiement de réseaux de nouvelles générations et de technologies supérieures dans plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne en commençant par le Cameroun. Vous comprendrez par conséquent que c’était une responsabilité très grande parce que je voulais d’abord bien entendu que le Cameroun soit à la hauteur de toutes les attentes. Il y a d’autres pays qui nous ont regardés et qui souhaitent aussi bénéficier de ce progrès technologique et il faut penser à ces autres pays aussi. Lorsque je vois des collaborateurs, partenaires et amis avec lesquels j’ai lié des liens fraternels, ce n’était pas inscrit dans les conventions. L’aventure est loin d’être finie. Je pense que le potentiel en Afrique subsaharienne du développement de l’internet est énorme. Il y a beaucoup à faire. C’est un privilège de pouvoir chaque matin se dire deux choses. D’un côté on peut poursuivre des impératifs de performance d’entreprise et de manager, mais de l’autre on se pose la question en quoi est ce qu’on est utile pour la société. C’est un plus incontestable, je reviendrai au Cameroun. Etant quelqu’un qui a connu la mobilité internationale dans sa carrière professionnelle, je ressens beaucoup d’attachement pour le Cameroun.

Vous avez une note triste de ces deux années passées au Cameroun, vous avez perdu une collaboratrice
Vous parlez certainement de Nicole Mandeng. Maintenant que vous en parlez je ressens toujours de l’émotion. C’est quelqu’une qui était très proche de l’entreprise, qui a contribué à l’effort de lancement. Elle était d’ailleurs la première femme de l’entreprise. Elle a joué un rôle très important et m’a beaucoup soutenu. Elle était très dynamique professionnelle engagée et qui avait la vie devant elle. Bien sûr je pense à elle, à sa famille, et ses amis. C’est une perte qui a été douloureuse pour moi et toute la famille Yoomee Cameroon.

Un dernier mot pour les camerounais et les consommateurs de vos produits?
Trois mots en fait : Je vous aime !


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