Madeleine Soppi Kotto: « je constate que j’ai bousculé les habitudes »

Première femme directrice de l’information à la CRTV-radio, Soppi Kotto assure assumer sa fonction sans complexes

Soppi Kotto, vous êtes la toute première femme directrice de l’information à l’Office de Radio télévision du Cameroun, CRTV, comment avez-vous réagi en apprenant la nouvelle?
Je n’ai pas eu le temps de penser… Il fallait toute suite se mettre au travail. Vous avez certainement remarqué que l’organisation du travail respecte désormais un certain nombre de schémas. Réfléchir à la manière de mettre en musique la stratégie élaborée comme dans toutes les structures, par le top management qui lui-même reçoit des instructions, de la part des personnes qui l’ont placé là, des missions à accomplir à la CRTV. En tant que directrice de l’Information, je me suis d’abord employée à prendre très rapidement la mesure de la tâche.

Depuis que vous êtes là, les femmes ont beaucoup plus des rôles importants, elles sont nombreuses à la présentation des journaux parlés. Est-ce dû au mérite ? Ou bien c’est une fleur que vous leur faite?
Non, je ne pense pas qu’il y ait eu des calculs dans ce sens-là. Il est simplement que nous nous sommes fixés des objectifs, la mission de satisfaire au maximum, nos auditeurs. Il se trouve qu’en regardant les effectifs de la CRTV, je peux peut-être me tromper, mais il y a beaucoup de femmes journalistes. Maintenant, au niveau du rendement, elles nous donnent réellement ce que nous voulons.

Première femme D.I.R, Première femme REC sport et loisirs… n’avez-vous pas parfois l’impression que vous avez réussi à bousculer les lignes?
En regardant avec beaucoup de recul, je constate que j’ai bousculé les habitudes. Je veux dire qu’à chaque fois, ça été un challenge. Oui, je pourrais même dire que j’ai bousculé les lignes. Car être le chef d’une rédaction qui ne comptait pratiquement que des hommes, il fallait le faire. Mais, ce n’est pas plus dur, car j’étais déjà passée par là en tant que reporter.

Justement parlant du reporter, vous avez été la première femme a commenté un match de football, quel était votre sentiment à ce moment?
La grosse particularité a été d’arriver dans un domaine où j’ai trouvé des gens très calés, où il y avait des Abel Mbengue, Daniel Anicet Noah… et plus proche de moi Abed Nego Messang… Mon plus grand challenge, a été 2003, pendant la coupe des confédérations en France. C’était particulièrement difficile d’assurer le direct. J’ai pensé aux auditeurs et au top management de l’époque qui avait pris le risque de choisir une femme pour cet exercice.

Mais vous avez tenu et même au-delà…
J’ai tenu parce que j’ai pensé qu’il était temps pour moi de prouver que j’avais bien assimilé les leçons apprises auprès des aînés. .. Le plus dur a été ce jour du 26 juin 2003. Je ne me souviens plus avoir eu à gérer autant d’émotions aussi contradictoires. Le Cameroun venait de se qualifier pour la finale et j’étais fière d’avoir aussi bien joué ma partition. Et je devais maintenant annoncer une triste nouvelle, le décès de Marc Vivien Foe… C’est à partir de ce moment que je me suis rendue compte que j’avais un rôle important à jouer.

Comment a été la critique du public à votre égard?
Je crois que le public est souvent un peu partagé. Est-ce qu’il est vraiment objectif, je ne pense pas. Je pense que le public a plutôt fait son opinion satisfaisante. La plus grande critique venait plutôt de l’intérieur de la maison CRTV. Parce qu’il y avait des gens qui pensaient qu’il y a des couloirs dans lesquels les femmes ne doivent pas s’engager.

Quel est le secret de votre réussite?
Le plus important dans la réussite, ce sont les objectifs qu’on se fixe, et les moyens qu’on se donne pour pouvoir réaliser ces objectifs.

Vous êtes également une femme, une mère, un chef de famille… Comment conciliez-vous tout cela?
Pour être honnête, je me dis que j’aurais dû être là un peu plus, pour mes enfants. Tout en faisant l’effort de ne pas trop sacrifier l’essentiel. On se rend compte qu’en essayant de combiner toutes les différentes activités qui meublent notre vie ou qui animent notre vie, on fait toujours un petit sacrifice quelque part. Mais, le challenge est de faire que ce qu’on sacrifie ne soit pas dramatique.

A vous entendre on croirait qu’être femme en réalité, dans ce milieu est plutôt facile.
Je n’oserai pas le dire, je pense d’ailleurs que le fin mot de cette histoire, de la vie même, c’est qu’il faut savoir travailler. Si à chaque fois, qu’on pense qu’on est femme, qu’on est belle, que ça suffit, c’est qu’on se trompe. Le plus important, c’est de compter sur ses compétences et sur son travail. Un bon travail fait tout simplement avancer la structure.


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