Présidente du syndicat des Commerçants détaillants du Wouri, Alice Maguedjo lutte, depuis de nombreuses années, pour le respect des droits et l’amélioration des conditions de vie des commerçants
A la fois aimée et redoutée, Alice Maguedjo est une femme de poigne qui guerroie pour le droit des commerçants camerounais, quitte à «gêner» le gouvernement.
Présidente du syndicat des Commerçants détaillants du Wouri (Sycodew), l’un des plus grands syndicats marchands du Cameroun qui regroupe plus de 45 000 membres, Alice Maguedjo, lutte, depuis de nombreuses années, pour le respect des droits et l’amélioration des conditions de vie des commerçants mais aussi celui aussi des femmes.
Appelée affectueusement «La Mama», «l’Alice au pays des merveilles» ou encore «Femme forte», par les commerçants, elle est dans le même temps qualifiée de «rebelle» par certains membres du gouvernement.
«Je ne suis pas une va-t-en-guerre. Je suis seulement courageuse. Le gouvernement dit que je m’oppose à tout. Ce n’est pas vrai. Je lutte pour les droits des commerçants», déclare tout naturellement cette femme qui arpente tous les jours les marchés de Douala, capitale économique, pour aller à la rencontre d’hommes qui souffrent.
«Le gouvernement doit comprendre qu’une décision qu’on prend sans consulter les commerçants ne fonctionnera jamais. Le gouvernement est ainsi appelé à nous soutenir au lieu de nous faire la guerre», poursuit Alice, faisant référence à la récente homologation des prix des denrées alimentaires par le gouvernement camerounais.
Selon la présidente du Sycodew, le Cameroun qui a une économie libérale doit d’abord passer par une concertation nationale et une étude minutieuse du projet pour homologuer les prix.
De son côté, le gouvernement rappelle avoir mis sur pied l’homologation des prix pour éviter la surenchère des denrées alimentaires.
«La mesure a été accentuée après les émeutes de 2008 car, ces émeutes dites de la faim avaient été causées par des commerçants qui augmentaient les prix des denrées alimentaires», assure ainsi à Anadolu Charles Akoh, chargé de la communication de la Chambre de commerce, d’industrie, des mines et de l’artisanat (Ccima) du Littoral.
«Malheureusement, ce n’est pas respecté. Le paquet de bouillon qui coûte 600 F. Cfa (1 USD), est vendu à 700 ou 900 F (1.1 ou 1.5 USD), malgré les descentes de la brigade de contrôle mise sur pied par le ministre du Commerce dans les marchés, rien ne bouge car, après les passages de ces agents, la surenchère continue», déplore Charles Akoh.
«Selon des statistiques non officielles, l’économie camerounaise est basée à 80% sur le secteur informel et les commerçants représentent 45 % des transactions faites dans ce secteur», relève Alice Maguedjo. (Les statistiques de l’Institut national de la statistique (Ins) du Cameroun indiquait pour leur part que 90,4% de l’économie provenait du secteur informel, en 2005.)
Autre bras de fer engagé avec le gouvernement: le nettoyage hebdomadaire des marchés qui nécessite leur fermeture un jour sur sept, selon les autorités.
«Nous avons des clients qui viennent des quatre coins du Cameroun s’approvisionner à Douala. Prenons seulement le seul cas de Mboppi (plus grand marché de l’Afrique Centrale). Les commerçants ne peuvent pas se permettre de perdre des clients venus du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Tchad à cause de cette fermeture. Ce sera des milliards de perte. Imaginez cette situation quatre fois par mois. Nous demandons au gouvernement de nous laisser faire ce nettoyage», clame-t-elle.
Au marché Mboppi, situé à Douala, où sont basés ses bureaux, Alice reçoit, conseille et promet surtout de «tout faire pour changer ce qui ne va pas». Elle croule d’ailleurs sous le poids des dossiers entassés sur son bureau.
Les combat de cette femme de fer sont multiples: défendre les commerçants, les encourager à payer leurs impôts, les pousser à s’organiser en association au niveau des marchés, les former, les éduquer pour leur permettre de pouvoir bénéficier des financements.
«Dans les marchés, on trouve des diplômés et des illettrés (majoritaires). Il faut donc les initier aux règles de la fiscalité et leur montrer les bonnes démarches pour l’acquisition d’un prêt. Le bailleur de fonds n’est pas un philanthrope. C’est quelqu’un qui, pour donner quoi que ce soit, doit s’assurer qu’il s’agit bien de la bonne personne», indique Alice.
L’autre combat qui tient à c ur à cette mère de plusieurs enfants est d’encourager et de former les femmes dans entrepreneuriat. Chaque année, elle en forme d’ailleurs des dizaines.
«Ce n’est pas suffisant. Nous avons besoin de fonds. Je suis d’ailleurs en train de chercher des financements dans ce sens», révèle la syndicaliste.

aa.com.tr)/n