Cameroun : les succès des Lions masquent l’amateurisme

Sous le règne du président Biya, le Cameroun a remporté cinq Can, participé à six phases finales de Coupe du monde, mais aucun club n’a remporté de compétition continentale interclub.

Deux ans après l’arrivée du président Paul Biya à la tête de l’Etat, grâce à son impulsion, s’ouvre le cycle de victoires des Lions indomptables à la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN). L’équipe fanion du Cameroun va ainsi remporter les Can  de 1984, 1988, 2000, 2002 et 2017. Dans les catégories jeunes, les U17, vont remporter les Can de leur catégorie en 2003 et 2019.

Par ailleurs, les U20 sont sacrés champions d’Afrique en 1995. La sélection Espoir du Cameroun remporte la médaille en or aux Jeux africains de 1991, 1999, 2003, et 2007 et surtout aux Jeux olympiques de 2000. Les Lions indomptables, profitant de l’apport des joueurs expatriés, vont également participer à six phases finales de Coupe du monde, 1990, 1994, 1998, 2002, 2010, 2014, avec à la clé un quart de finale lors du mondial italien.

Que ce soit en tant que premier supporter, mobilisateur de la logistique, le président Paul Biya a toujours su apporter sa contribution aux exploits du football camerounais. Une relation forte marquée non seulement du sceau de la confiance, mais aussi de la volonté de vaincre, de remporter des lauriers pour hisser toujours plus haut le drapeau national. Surtout que l’homme du 06 novembre 1982 utilise le football comme l’opium du peuple.

Seul bémol, pendant son long règne, l’industrie du football tarde à se professionnaliser. Or, il peut être une niche d’emplois. Le passage au professionnalisme de notre football depuis 2012 n’est qu’un leurre. Avant de penser au professionnalisme, les clubs qui n’ont même pas de terrain d’entraînement ou de boîte postale, ont-ils pensé à transformer leurs associations sportives en véritables entreprises ?

Le cahier des charges, qui obligeait les clubs amateurs à se doter, entre autres, d’un siège, des terrains d’entraînements, de toutes les catégories jeunes et d’un budget conséquent… n’a été que très peu suivi par les clubs. Conséquence, les clubs camerounais peinent à s’affirmer sur la scène continentale.

Au lieu que l’Etat du Cameroun s’affaire à transformer les footballeurs locaux en « fonctionnaires » en leur fixant des salaires (100.000 F par joueur en D1 et 50.000 F CFA en D2), il aurait été plus judicieux, depuis des lustres, pour un développement harmonieux, de construire dans les grandes villes du pays des stades modernes (électrifiés) d’une capacité minimale de 5000 places assises.

Eléphants blancs

Les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest, de l’Adamaoua, de l’Est et du Sud n’ont aucun stade aux normes de la Caf. A la faveur de la Can 2021, le Cameroun s’est doté de nouveaux grands stades (Japoma et Olembé) qui s’avèrent aujourd’hui être des éléphants blancs. Le pays de Paul Biya n’ayant pas su développer l’industrie du spectacle.

Le professionnalisme ne se décrète pas, il se construit ! Aujourd’hui, à l’heure de l’industrialisation du football, pourquoi a-t-on mis la charrue avant les bœufs ? L’Etat doit simplement aider la Fécafoot à créer un environnement qui permet au football de vivre de son art.

L’Etat n’ayant pas su ou pu jouer efficacement son rôle de régulateur, le Cameroun peine à former des joueurs talentueux, malgré la création par Paul Biya de l’Académie nationale de football (Anafoot). Lors du dernier rassemblement des Lions en septembre dernier en Corée du Sud, 13 des 26 joueurs convoqués par Rigobert Song étaient nés ou ont grandi à l’étranger. Il est bien loin l’époque où le Cameroun pouvait débarquer en Coupe du monde avec un effectif de joueurs formés à 100% au Cameroun, comme ce fut le cas lors du mondial espagnol de 1982.

 

Cameroun: Le tout premier championnat professionnel a du mal à décoller

L’improvisation et l’amateurisme, à tous les niveaux, sont profondément ancrés dans l’esprit des dirigeants. L’argent est le point focal des malentendus

Jamais dans l’histoire du football camerounais, on a connu une trêve aussi longue. La saison 2010/2011 s’est achevée le 24 juillet 2011. Plus de cinq mois après, on est toujours dans l’expectative. Initialement prévu samedi, 6 janvier, le coup d’envoi du tout premier championnat de football professionnel du Cameroun a été repoussé d’une semaine. Celui du championnat de deuxième division, d’abord fixé au samedi 14 janvier est également repoussé. Ce nouveau calendrier a été établi, au terme d’une réunion entre les dirigeants de la nouvelle Ligue de football professionnel et les responsables des clubs. C’est la quatrième fois que le début de la saison 2011/2012 est ainsi déprogrammé. Les clubs refusent de descendre dans les stades (poussiéreux) tant que le gouvernement n’aura pas décaissé la subvention des 420 millions de FCFA qu’il a promis de verser aux clubs afin de les aider en cette saison expérimentale, pour payer les salaires des joueurs (100 milles F par joueur en D1 et 50 milles F en D2). De l’avis du ministre en charge des Sports Adoum Garoua, la contribution de l’Etat se fera par trimestre en non en seule traite comme initialement prévue par son prédécesseur.

Mardi, 3 janvier 2012, c’est en grande pompe, dans un folklore bien camerounais, que la Ligue de football professionnel a lancé ses activités. La cérémonie avait pour cadre le Palais polyvalent des sports de Warda à Yaoundé. Chose curieuse, aucun membre de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) n’assistait à cette cérémonie. Il en est ressorti tout de même que la Ligue a établi un partenariat avec la Cameroon Radio Television. Lequel devrait déboucher sur la retransmission des matches du championnat de Mtn Elite One par la chaine de télévision publique. Les clauses de se partenariat n’ont pas été dévoilées. On serait bien curieux de savoir. Car dans le pays de Paul Biya, on était habitué à voir les clubs reverser plutôt l’argent à la Crtv pour la couverture de leurs matches. Renversant. Ailleurs, le gros des recettes des clubs émanent des télévisions.

La charrue avant le b uf
Si la saison 2011/2012 tarde à démarrer, c’est que l’argent est le point focal des malentendus. Pour le moment trois postes de recettes sont identifiés, à savoir la subvention de la Fecafoot qui s’élève à 250 millions de FCFA, la subvention du sponsor du championnat, Mtn Cameroon et la subvention de l’Etat du Cameroun. A ce jour, la Fecafoot a déjà décaissé 70 millions de FCFA. Pour ce qui est de la subvention de Mtn, la ligue a négocié et obtenu de la société de téléphonie mobile une subvention annuelle de près de 448 millions FCFA (20 millions à chaque club de Mtn Elite one et 12 millions à Mtn Elite two). Mais Pierre Semengue et ses hommes ne pourront rentrer en possession de ce pactole qu’en ce mois de janvier. Du coup, les présidents de clubs connaissent une situation embarrassante, eux qui ont vu leurs mécènes se rétracter, car sachant que les diverses subventions interviendront.

Pierre Semengue Président de la toute nouvelle Ligue professionnelle de football au Cameroun
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Au vu de tout ce qui précède, plusieurs interrogations demeurent. Pourquoi au pays de Roger Milla où la plupart des matches de championnat d’élite se disputent encore sur les terrains poussiéreux on est tant pressé de courir vers le professionnalisme? Sachant bien que ces enceintes appelée «stades» ne peuvent attirer ni public, ni sponsor. Avant de penser au professionnalisme, les clubs qui n’ont même pas de terrain d’entraînement ou de boîte postale, ont-ils pensé à transformer leurs associations sportives en véritable entreprises? Pourquoi veut-on mettre la charrue avant le b uf quand on n’a pas pris le temps de former les dirigeants de club dans le management sportif? Les présidents de clubs, qui très souvent confondent les caisses du club à leurs propres caisses, notamment lors des transferts des joueurs, savent-ils seulement qu’ils seront désormais face à des contrôles inopinés des agents de l’Etat? Il ne suffit pas de muer les footballeurs en fonctionnaires en leur fixant les salaires pour penser que l’on a professionnalisé le football. Il s’agit en somme de penser au préalable, à créer un environnement susceptible de faire vivre le football grâce au football.

Les rencontres dans des stades hors normes
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