M. le président est-il normal que votre parti célèbre son anniversaire dans une ambassade et occupe le Palais des congrès?

Par Abdelaziz Mounde

A l’âge de la maturité, le Rdpc doit se débarrasser de ses oripeaux. Changer! En 1983, Paul Biya est parvenu, au prix d’un conflit harassant, à faire entendre raison et plier les tenants du parti-Etat. Un système expérimenté dans l’ex-Union soviétique, dans divers régimes communistes et dans la Chine actuelle, attribuant au parti généralement unique l’essentiel des pouvoirs.

Dans le sillage de son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, les partisans de la logique du bicéphalisme à la tête de l’Etat, prônant le partage du pouvoir entre le président du parti (Unc), définissant les orientations et le président de la République, chargé de sa mise en uvre voulaient confiner le nouveau président aux seconds rôles.

En clair, sabre au clair, porté par une conception moderne de la vie politique, en se dressant contre cette augure, il s’affranchissait d’une logique injustifiée énonçant la prééminence du parti sur l’Etat. Ouvrant l’espoir d’un dégel de la confusion pernicieuse, du flou républicain et des liens incestueux entre la fonction publique d’Etat, soumise à l’obligation de neutralité et le parti unique, fondé en 1966.

Autre temps. Même confusion! Après un discours à ses camarades, lénifiant et auto-satisfaisant sur la culture démocratique et l’adaptation de son parti aux évolutions de son temps, l’on assiste à la répétition de pratiques surannées, renforçant l’éternelle confusion dont la crise de 1983 n’était qu’une parenthèse illusoire.

30 ans après sa création, le RDPC occupe toujours le Palais des Congrès, sans aucune indication sur le paiement d’un quelconque loyer à cet établissement public. Trois décennies après sa création, l’on s’accommode paresseusement d’une curiosité institutionnelle, le rang de ministre d’Etat attribué au Secrétaire général du parti.

Dans les cabinets ministériels, les couloirs des services et établissements publics et les chancelleries, la vie reste, plus de trente ans après l’agitation de 1983, rythmée par les événements du parti. Les patrons (ministres, secrétaires d’Etat, secrétaires généraux, directeurs, conseillers, directeurs généraux, etc.), jouent leurs carrières lors des grandes occasions (meeting, anniversaires, opérations de renouvellement, missions du comité central, etc.) bloquant le fonctionnement des services, figeant le quotidien et retardant la mise en uvre des politiques publiques.

A l’étranger, dans les ambassades, comme à Paris, les vieilles habitudes ont perduré. Le parti préempte les lieux, exigeant même, comme à l’époque de l’Unc et de ses premières années, de disposer au sein de l’Ambassade d’un local tenant lieu de siège. Mieux, elle y organise systématiquement ses événements et réunions importantes. Une entorse significative aux principes républicains, d’autant qu’on n’imagine pas un autre parti y compris ceux représentés à l’Assemblée nationale prétendre à un tel privilège.

Pourtant, eu égard à son poids dans la vie politique nationale, le Rdpc devrait contribuer à la fin de cette grande hypocrisie, savamment entretenue, lui faisant du tort. Les youyous des fêtes ne doivent voiler cette logique de la république à géométrie variable. Si l’adhésion au parti est libre, le respect des lieux publics et la neutralité de l’Etat, sont sacrés en démocratie.

Paul Biya s’est battu contre le parti-Etat, le temps d’un conflit en 1983. L’on se demande où est parti l’Etat en 2015? Pour le bien de notre démocratie, il est temps de nous réformer. Ensemble!

Rdpc, ambassade du Cameroun en France
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