Au pays de la loi du plus fort, même la presse n’échappe pas au gangstérisme

Par Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)

Au Cameroun un patron de presse peut, pour peu qu’il bénéficie de la couverture de certains pontes du régime, s’offrir le luxe de faire filmer des journalistes par les caméras de sa télé, pieds nus, menottés; les faire embarquer dans un pick-up de cette même télé (et non de la police), et les faire garder à vue à la police puis écrouer à la prison centrale de Kondengui sans émouvoir personne.

Monsieur le PDG de « Vision 4 » Amougou Belinga, libérez les journalistes David Eboutou et Patrick Sapack!

Nous condamnons systématiquement ce gangstérisme qui prévaut au sein de votre groupe de presse, auquel appartient la chaîne de télévision « Vision 4 ».

En effet tout travail mérite salaire.

Inutile pour cela d’user de méthodes peu recommandables comme la fausse facture qu’on exhibe au moment de l’arrestation médiatisée des journalistes, la corruption systématique des juges, l’humiliation et l’intimidation des membres de la profession… Pour faire taire tout le monde et imposer votre diktat à tout un pays.

Non, M. Jean Pierre Amougou Belinga, vous n’avez pas le monopole du droit.

Libérez immédiatement messieurs Eboutou et Sapack!

Amougou Belinga.
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Médias: Les curieuses décisions du Conseil national de la Communication

Le régulateur des médias a sanctionné deux présentateurs pour des opinions tenues par des invités dans des émissions de débat

Ce sont des sanctions qui suscitent déjà la polémique. Le Conseil national de la Communication (CNC) a rendu public, vendredi dernier, six décisions datées du 27 novembre, qui portent sur un avertissement et cinq suspensions. Lesdites sanctions ont été prises au cours de la huitième session ordinaire du CNC, tenue le 18 novembre dernier à Yaoundé. La chaine de télévision privée Vision 4 à elle seule voit quatre de ses journalistes suspendus pour des durées d’un mois à six mois de l’exercice de la profession de journaliste.

Dans le détail, Parfait Ayissi Etoa, présentateur de l’émission «Arrêt majeur» sur la chaine Vision 4 a écopé d’une suspension de trois mois pour avoir reçu un invité le 17 septembre 2014 en la personne de Sébastien Ebala, lequel invité a affirmé au cours d’un propos: «le Directeur du Cabinet Civil (Martin Belinga Eboutou, ndlr) est un mafiosi». Convoqué au CNC le journaliste a attribué l’exclusivité des propos à l’invité, ce que le régulateur des médias n’a pas compris de cette oreille. Le CNC a soulevé la question de la «responsabilité» du journaliste et souligné le fait que l’émission diffusée en direct et interactive était caractérisée par «un défaut de recadrage professionnel, qui permet que la liberté des opinions se confonde avec des atteintes de tous genres à la dignité des personnes et au mépris des institutions publiques».

Sanction similaire, celle infligée à Ernest Obama, journaliste dans la même chaine et présentateur de l’émission «décryptages». Il est reproché à ce journaliste d’avoir reçu, le 05 septembre 2014, le nommé Hadja Haoua, qui a déclaré entre autres: «je n’ai pas peur de dire que nos frères du Grand Nord ne veulent plus du président Paul Biya>>; [i «Monsieur Jean Kuete est venu mettre le commerce au Comité Central [du RDPC]. Il l’a transformé en marchés publics»] ; «Yao Aïssatou est l’actrice des attaques de Boko Haram». Le CNC a jugé les propos de «déclarations non fondées», invoqué la «responsabilité» du journaliste et sanctionné le présentateur par une suspension de six mois de l’activité de journaliste.

Deux autres journalistes de la chaïne Vision 4 ont écopé d’une suspension d’un mois de l’exercice de la profession pour avoir montré des images qui «portent atteinte à la dignité des personnes, à la décence et aux bonnes m urs». Roméo Mbida, présentateur de l’émission «90 minutes avec vous», a été sanctionné pour avoir montré, le 17 août 2014, des images d’un «homme mort, victime d’un accident de la circulation, recouvert de sang, présentant des membres cassés et de la chair visible à certaines parties de son corps» et également «l’image du corps d’un présumé voleur brulé, les membres repliés». Sa cons ur, Inès Belinga, présentatrice du journal de 12 h, a été suspendue pour des images diffusées le 20 août 2014 par Vision 4 et représentant les «restes éparpillés d’une femme victime d’un accident mortel de la circulation». Les décisions concernant les quatre journalistes ont toutes été formulées avec le même grief : «fautes constitutives d’atteinte à l’éthique et à la déontologie professionnelles en matière de communication sociale».

Ethique et déontologie à tout vent
Le CNC a sanctionné au même degré que les journalistes de Vision 4 qui ont écopé d’une suspension de six mois, le directeur de la publication «La Nouvelle», Jacques Blaise Mvié pour «fautes constitutives d’atteinte à l’éthique et à la déontologie professionnelles en matière de communication sociale». A la différence des deux présentateurs de Vision 4, le DP de la nouvelle a été sanctionné pour des articles rédigés par son journal. A la Une du numéro 286 du 25 août 2014, la Nouvelle affiche: «Gestion de la CNPS. Le cas Hortense Assim Abisone, La très très proche collaboratrice du Directeur général de la CNPS est le désormais Directeur des Finances et du Patrimoine grâce à une longue histoire jonchée d’histoires de dessous de jupes». Les propos ont été qualifiés par les membres du CNC d’ «informations diffamatoires, calomnieuses, injurieuses, offensantes ou insinuantes».

Celle qui s’en est sortie sans suspension dans ces décisions du 27 novembre, c’est la chaine de télévision Equinoxe TV. Le régulateur des médias a servi un avertissement à la chaine pour «diffusion d’images choquantes constitutives d’atteintes à l’éthique et à la déontologie professionnelles en matière de communication sociale». Il est reproché à Eric Kouamo, présentateur de l’émission «Regard Social», d’avoir diffusé, le 28 août 2014, «des images d’un morceau d’intestin pendouillant du ventre d’un garçon atteint d’une malformation congénitale». Force est de reconnaitre que cette émission, comme une autre dans le même genre, «Urgences», diffusée sur la chaine de télévision privée Canal 2 international, a pour objectif de frapper les téléspectateurs par l’image afin de susciter leur compassion et leur éventuelle assistance. C’est d’ailleurs l’explication qu’a apportée le directeur général d’Equinoxe TV, Séverin Tchounkeu, qui a expliqué au CNC que la malformation congénitale du jeune homme a été soignée «suite à un mouvement de solidarité suscité après la diffusion des images en cause». Le régulateur des médias a campé sa position sur le souci du «respect de la protection de la dignité des personnes, notamment de l’enfance et de la jeunesse dans les médias».

Dans une conférence de presse tenue vendredi dernier, le président-directeur général du groupe l’Anecdote, auquel appartient Vision 4, Amougou Belinga, a indiqué qu’il porterait plainte dès ce lundi, 1er décembre, contre le CNC auprès du juge administratif. Amougou Belinga a qualifié de «scandaleuses» les décisions du CNC contre les journalistes de son groupe tout en s’étonnant des différentes sanctions et des faits reprochés à ses journalistes. Il a par ailleurs mentionné qu’il compte porter plainte contre le vice-président du CNC (actuel président par Intérim, ndlr) Peter Essoka, pour «abus de fonction et diffamation», précision apportée par le quotidien privé Le Jour ce lundi.


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