Paul Ndi Ndi, architecte camerounais installé en Allemagne

Consultant major en architecture, il nous parle de lui, de ses projets et du Cameroun

En quoi consiste le «change management»?
C’est une jonction de l’architecture et du mobilier. Notre rôle est de mobiliser les gens qui travaillent dans les entreprises pour qu’ils acceptent les changements que l’entreprise met parfois en place et qui se matérialisent par du nouveau dans l’organisation de l’espace et le choix du mobilier. Il s’agit évidemment des grandes entreprises. Si par exemple, une entreprise veut créer des cadres de travail en commun, il faut expliquer par la communication aux gens ce qu’ils gagnent en perdant leur «intimité». Les employés refusent souvent les open spaces, il faut mobiliser leur volonté pour les faire accepter.

Ça fait combien d’années que vous faites ça?
Je suis dans cette entreprise depuis bientôt six mois. Mais avant, je donnais des cours de construction de bâtiments dans une université technologique ici en Allemagne et j’ai travaillé comme architecte.

Vous avez été membre du comité technique d’organisation du Davoc 2010. Est-ce votre première expérience associative ?
Non! J’ai travaillé avec le président du comité d’organisation dans le fonds d’investissement, le Cadidec et il m’a proposé de travailler comme responsable de la communication du Davoc. Avant ça, j’ai été président de l’association des Camerounais à Darmstadt plusieurs années, président de l’association des ingénieurs à Darmstadt et pendant un certain temps je n’ai plus participé à des associations. Il y a deux ans j’ai remarqué qu’il y a beaucoup de Camerounais dynamiques et c’est facile de travailler avec des gens qui ont un but et qui ne sont pas là seulement pour casser les choses. Ça fait plaisir de travailler comme ça et c’est pour ça que j’ai recommencé ce travail là dans les associations.

Vous êtes en Allemagne depuis 20 ans, donc vous avez vu les choses évoluer. Selon vous, est-ce que la dynamique d’aujourd’hui existait il y a 20 ans?
Oui! il y avait cette dynamique il y a 20 ans mais après, il y a eu beaucoup de problèmes notamment parce que beaucoup de personnes non-étudiantes ont créé des problèmes et les membres ont laissé tomber les associations. Après, ça a progressivement repris et aujourd’hui l’ensemble des Camerounais d’ici sont intéressés pour le devenir de Cameroun et c’est pour ça que nous travaillons ensemble.

Est-ce vrai que tous les Camerounais d’Allemagne font partie d’une association?
Sans vérifier, je dirais oui. C’est dû au fait que les Allemands te disent que ce pays n’est pas ton pays. Ils te disent qu’il faut que tu te mobilises bien pour ton pays. C’est pour ça que lorsque nous sommes ici, nous sommes obligés de penser à notre pays, parce qu’ici, nous sentons tout le temps que nous ne sommes pas Allemands. Nous venons d’un pays différent, alors il faut que nous fassions quelque chose pour notre pays.

Avez-vous le soutien des autorités? Notamment camerounaises?
Avant non. Toutes ces associations étaient vues comme des opposants au gouvernement, il y a même une année, il ya 20 ans, où nous avons fait une marche à Bonn et l’ambassadeur à cette époque là était vraiment fâché et voulait nous renvoyer tous au pays. Entre temps, les choses ont beaucoup changé car l’ambassadeur actuel est vraiment un leader et je pense qu’il est entrain de soutenir les associations et les Camerounais qui veulent faire quelque chose.

Selon vous, c’est quoi la définition du mot «diaspora»?
La diaspora pour moi, ce sont des gens qui ont quitté leur pays, qui ont choisi de vivre dans un autre pays mais qui n’ont pas oublié leur pays. Ils veulent toujours faire quelque chose pour leur pays d’origine à travers des actions directes ou des partenariats.

Paul Ndi Ndi, l’architecte
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Pensez vous que les diasporas camerounaises soient différentes?
Je pense que le pays dans lequel on vit influence le comportement de la diaspora.

A mon avis en France, la diaspora pense différemment de la diaspora ici en Allemagne
Paul Ndi Ndi

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Dans un forum comme le Davoc, on parle beaucoup de développement, de projet, de conception, de Cameroun, de retour, de jeunesse.Pour vous tous ces mots renvoient à quoi ?
A une envie de faire quelque chose. Je vois qu’il y a beaucoup d’énergie et il faut utiliser cette énergie sinon ça va encore retomber. Il faut saisir cette occasion, toute cette énergie et la transformer.

Parlez-nous de vous, où vous êtes né, où vous avez grandi, vos études.
Je suis né au Cameroun, à Kumba (Sud Ouest), j’ai fait mes études primaires là-bas et après je suis parti à Bamenda et après ça j’ai eu la bourse pour faire des études ici en Allemagne. C’était en 1989, le 3 octobre 1989, c’était le jour de l’unification ici en Allemagne. En Allemagne, j’ai fait mes études à Darmstadt, c’est une université technique et j’ai travaillé aussi à Darmstadt. J’ai fait architecture à Darmstadt. Après j’ai travaillé pour un petit bureau et cette expérience m’a beaucoup appris sur toutes les facettes des constructions. C’est avec cette expérience que l’on m’a nommé lecturer dans une université.

Et vous parlez bien les trois langues allemand, anglais et français. C’est une richesse.
Oui! C’est vraiment une grande richesse de parler trois langues. On le voit aujourd’hui, les enfants grandissent en apprenant plusieurs langues, pour notre génération c’est vraiment une richesse de parler trois langues. On voit ça dans le travail, il y a quelques temps j’étais en Suisse. A Zurich j’ai parlé allemand, à Genève j’ai parlé français et dans les deux villes, un peu d’anglais. Toutes ces langues m’aident beaucoup.

Quand vous voulez manger camerounais, vous mangez quoi ?
J’aime beaucoup le ndolè, avec le plantain, les bâtons de manioc ou les miondo

Albert Dongmo, un Camerounais prodige de l’architecture moderne

Après avoir sillonné le monde il compte s’investir dans les projets en rapport avec son pays

Qui est Albert Dongmo?
Je suis un designer architecte résidant à Paris. Je fais ce métier depuis une vingtaine d’années début de mes études et je définis mon travail comme celui d’un médecin de l’espace. Dans ce travail créatif, il y a une source africaine dans le sens où je crée des objets et des espaces qui sont optimisés, très purs, très simples. Je crois que cela provient d’un regard sur ce que j’ai vécu après les indépendances dans les années soixante, avec les meubles associant cornes, bois fins, métaux etc. Je pense que tout le monde moderne revient et s’inspire aujourd’hui des meubles d’époque, parce que ceux-là avaient une âme différente de ceux d’aujourd’hui. Je pense que j’ai une vision sur tous les objets que je touche, je crée dans tous les domaines. Toutes ces expériences m’ont emmené à créer des objets divers, partant du bâtiment jusqu’aux objets et accessoires d’habillage allant du vêtements, aux chaussures, luminaires, en passant par le mobilier, l’architecture navale et la scénographie que j’ai pratiqué.

Parlez nous de vous. Comment avez-vous fait pour devenir architecte?
Chez nous lorsqu’on fait un métier technique il faut être technicien pur et dur. Mes parents ont joué un rôle sur cet aspect là, car je sculptais un petit peu mais cela n’était remarqué de personne aussi, ai-je fait des études sociales. Je suis arrivé en fin de compte à l’architecture par un détour, car je suis entré dans une école d’architecture à la suite d’un concours et j’ai découvert que mes compétences dans ce domaine étaient innées. Je suis vraiment né pour le style en trois dimensions. Ce que j’ai appris à l’école, ce sont les clés du métier, moi je crois que je suis devenu architecte en allant à l’école pour apprendre les bases du métier. Mais je sens en moi une compétence innée pour ces choses-là et par-dessus l’expérience. Je sais capter le sentiment que dégage un lieu face à une création architecturale précise. Je fais appel à ce qui est en moi pour plus de subtilité, de raffinement, et surtout cette démarche qui est toujours très profonde en moi et qui pousse vers les choses à leurs origines. Je pose la question exacte sur la raison de leur nécessité pourquoi, pourquoi, et pourquoi? quoi? et comment?

Est-ce que ce n’est pas pour répondre à cette question sur l’origine des choses, vos propres origines que vous avez fait de l’architecture. Car c’est un métier qui relie votre Cameroun natal et votre vie d’aujourd’hui?
Probablement et je dirais même oui. J’ai toujours eu envie de rester ancré à mes origines car ce sont elles ma force. Par ailleurs, je questionne toujours le pourquoi des objets et c’est cette essence qui m’inspire, et ma réponse est celle de laisser parler les éléments, je ne suis alors que le chef d’orchestre de tous ces paramètres.

Cette façon de voir les choses, de concevoir en étant dans le retour vers vos origines, est-ce que ce n’est pas un regard qui arrive avec l’âge, l’expérience, les voyages et que vous n’auriez pas forcément eu il y a dix ans.
Naturellement. J’étais au Cameroun il y a quelques mois et je me suis dit que si je ne pouvais pas réaliser des projets en étant un acteur du système sur place, quelque chose doit néanmoins être fait. J’ai remarqué que les gens pratiquent et réalisent presque les mêmes choses, mais il faut encore beaucoup d’exigence dans l’exécution. Par exemple, l’artisanat lorsque ce n’est pas ancien, ce n’est pas fabriqué pour durer. Il n y a pas l’optique du bien faire pour que celui qui l’acquiert s’en serve le plus longtemps possible et de façon pérenne. Comme pour le mobilier, beaucoup de choses ne sont pas réinventées. J’ai vu à Douala, dans le mobilier, ils font tous la même chose parce que c’est comme ça, mais je ne suis pas d’accord avec ce raisonnement. Je pense qu’on doit malgré tout donner plus de place à l’invention, être plus exigent sur les propositions au public, réinventer de nouvelles façons. Je ne parle pas seulement de forme pour faire la différence mais, ce n’est pas évident parce que cela bouscule un peu les habitudes de consommation.

La première partie de votre vie vous vous battez pour exister en tant que créateur, mais avec en fond l’idée du pays d’où vous venez. La deuxième partie vous retournez aux sources, est ce que finalement ce n’est pas le Cameroun que vous n’avez jamais quitté?
C’est vrai que le Cameroun, je l’ai quitté à 17 ans et je ne pensais pas pouvoir y vivre en raison des idées que j’avais en tête. Mais aujourd’hui, j’ai envie d’y retourner. Le mieux serait de continuer a maintenir le contact avec mes partenaires européens et cette idée universelle de la création trouver une passerelle s’il m’est permis avec le système et les partenaires au pays sur place, de pouvoir optimiser et maximiser les réalisations. L’idée c’est de donner cette autre vision à ce pays qui en à besoin. J’ai beaucoup de ressources avec les partenaires ici et là. Je voudrais prendre des choses et les réinterpréter à la sauce camerounaise avec les moyens camerounais qui sont énormes. Ce qui est vrai car il y a un énorme potentiel.

De toutes vos uvres, quelle est la préférée?
Je pense que c’est ma toute première réalisation grand public dans le mobilier. C’est un lit mezzanine Epure. C’est le plus grand, le plus fort, je l’ai faite quand je n’étais pas encore architecte. C’est vraiment le coup de génie, l’enfance, l’insolence de la jeunesse. J’en suis fière parce qu’à l’époque pour le faire, il y a 14 ans, il fallait être insolent pour que ça marche. J’avais toute la logique pour, et après il fallait corroborer ça avec la logique structurelle; je l’ai fait avec l’intuition de ce que font beaucoup les architectes ingénieurs anglais.

Albert Dongmo
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Et vous avez enseigné l’architecture.
Oui, j’ai pendant dix ans eu la chance d’enseigner dans une école d’architecture de la ville de Paris ou j’avais moi-même été étudiant: l’EPSAA, installée à Ivry sur Seine. Ecole que je recommande à toute personne voulant découvrir ce qu’est l’architecture et ce métier d’architecte avant d’entamer par équivalence, un cursus en Fac d’architecture. Donc pour finir, j’enseignais avec mes professeurs de l’époque et à certains enfants de mes professeurs qui sont arrivés à l’école vingt ans après moi. Mes matières: le dessin à vue analytique, la perspective, la descriptive et la maquette sans oublier les logiciel de CAO-DAO (dessin assisté par ordinateur) tel que Autocad. Je disais toujours à mes étudiants qu’on voit le monde en perspective et ce, dès qu’on se réveille le matin… c’est juste une question de point de fuite.

Qu’avez-vous rencontré comme difficulté?
Grâce à mes inventions j’ai eu la chance d’avoir des clients qui se sont intéressés à mes capacités créatives dès le départ et donc je n’ai pas eu beaucoup de problèmes pour travailler en tant que designer architecte ou assistant architecte. Etant étudiant, j’ai eu la chance d’avoir des travaux à temps partiel dans certains cabinets et donc ce n’était pas trop dur.

Aujourd’hui c’est quoi votre grand rêve ?
Mon grand rêve, c’est de pouvoir un jour voir toutes mes productions réunies dans un seul espace habité que j’aurai réalisé, car de cet espace, on comprendrai ce qu’est la «dongmotique». Ceux qui ont mes créations chez eux comprennent ce que représente cette autre façon de vivre l’architecture en trois dimensions. le style par Albert Dongmo.
Mon dernier objectif est en cours de projet, l’architecture dédiée à priori au citoyen d’en bas, mais avec une éthique première: noblesse, raffinement, valeurs traditionnelles… etc.

S’offrir vos services a un prix?
Oui ! Mais il y a beaucoup de choses qui coûtent chers et qu’on retrouve au Cameroun. En réalité mes créations peuvent coûter cher parce qu’elles sont optimisées et élaborées. Le fait est que je ne peux pas rivaliser certains pays parce les produits qui y sont réalisés le sont pour ne pas être chers en dépit de certaines assurances. Mes créations par contre, indépendamment de leur valeur esthétique et de fonctionnalité portent certaines valeurs quant à la qualité des matériaux, leur usage, leur durée et aussi leur coût juste.

Vous fréquentez des Camerounais architectes à Paris?
J’ai participé en tant que professeur Architecte et personnalité extérieure au diplôme de trois étudiants camerounais qui sont devenus architectes, donc j’en connais. J’ai collaboré aussi avec un architecte camerounais dans un cabinet de Paris.

Epure: Lit mezzanine en « Sapelli bois du cameroun »
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