Au Cameroun, chaque nouveau-né est sacré!

En terre camerounaise comme partout en Afrique où plus de 36 millions de personnes naissent chaque année, selon la BM, la venue d’un nouveau-né reste un événement exceptionnel

Chez les Bangwa, peuple du Cameroun on pensait autrefois, que les enfants à naître vivaient dans les marigots sous forme de crapauds, ou de lombric noir (quand ils étaient de futurs fils de chef).

Les anciens racontent que ces créatures sortaient de l’eau la nuit et allaient, deux par deux, visiter les cases d’habitation. Si dans une case, l’homme et la femme s’entendent et communiquent la paix autour d’eux, alors les créatures entraient ensemble dans la case. En revanche, une seule s’y rendait lorsque le couple n’avait pas ces qualités exceptionnelles.

Neuf mois après, la femme ainsi « visitée » mettait au monde dans le premier cas, des jumeaux, signe de paix et de prospérité, et dans le second un enfant unique. (La symbolique des rites de la naissance chez les Bangwa au Cameroun, C.H. Pradelles de Latour-Dejean).

En Afrique, où plus de 36 millions de personnes naissent chaque année, selon la Banque Mondiale, la venue d’un nouveau-né reste aujourd’hui encore un événement exceptionnel entouré d’une multitude de superstitions, rites et coutumes.

« Chaque société africaine a des règles et coutumes bien spécifiques liées à la naissance. Cela obéit à un ordre social et celui qui se met en marge, en subit les conséquences. Ces pratiques permettent de protéger la mère et l’enfant des mauvais sorts durant la grossesse, la naissance et post-partum », explique Dr Fofana Mémon, enseignant-chercheur de Sociologie à l’Université Péléforo Gon Coulibaly (Korhogo) en Côte d’Ivoire.

Durant la grossesse, prudente tu seras !
Dans de nombreux pays africains (Bénin, Sénégal, Mali.), la femme enceinte doit faire preuve d’une extrême prudence. Ainsi, elle doit éviter de sortir la nuit et protéger sa maison de toute intrusion si elle ne veut pas que les mauvais esprits transforment l’enfant en monstre, car celui-ci pourrait avoir « l’apparence d’un bébé, mais la nature d’un serpent, d’un fou ou naître couvert de plaies », rapporte Lise Bartoli, psychologue clinicienne et psychothérapeute, dans son ouvrage « Venir au monde ».

Pour se protéger des « mauvais esprits », la future maman pourra accrocher des cornes de b uf au-dessus des portes et des fenêtres, et devra porter sur elle des « gris-gris (une amulette vaudou considérée comme porte-bonheur,ndlr) », nous dit-on.

Durant l’accouchement, le silence tu observeras…
La discrétion s’impose dans la majorité des pays du continent avant et durant l’accouchement pour éviter «le mauvais il», souligne l’auteur Jacques Hubert dans son ouvrage «Rites traditionnels d’Afrique».

Ainsi, chez les Fang du Moyen-Ogooué (Gabon), les hommes ne doivent rien savoir, ni entendre de la mise au monde de leur progéniture. La sage-femme criera « apportez la hâche, le fusil, le marteau, si c’est un garçon ». «Apportez les marmites, le balai, le panier, le sel, si c’est une fille », précise l’auteur.

De même, au Togo, la communauté Ewé, « interdit » le cri, durant l’enfantement.  » Nous leur disons de ne pas crier. Nous leur demandons, en revanche, de contenir cette énergie pour pousser et se délivrer. C’est important. Parce que chez les femmes dans les milieux ewes, généralement on assiste à des cris au-delà du naturel qui font qu’elles perdent toutes leur force et sont finalement sujettes à des césariennes ou à des opérations avant d’accoucher « , témoigne dans une déclaration, Amenouve Eusebio, sage-femme d’État et éducatrice en santé sexuelle.

Ton enfant tu chériras
En Afrique de l’Ouest, aussitôt arrivé le nouveau-né est immédiatement enveloppé dans un pagne identique à celui de sa mère.  » Une façon de signifier que ce bébé est bien l’enfant de cette mère-là », lit-on dans le dossier de presse de l’Exposition «  naissances gestes, objets et rituels » au Musée de l’Homme à Paris (2005/2006).

Chez les Musulmans, on estime que les premiers mots entendus par l’enfant doivent provenir des versets du Coran : C’est le père (à défaut la sage-femme) de l’enfant qui doit vite les lui murmurer à l’oreille pour le placer sous la protection divine. L’appel à la prière, « al adhân », ou la profession de foi « al shahâda », lui révélant ainsi son appartenance à l’Islam.

Au Sénégal, dans l’heure qui suit la naissance, on fait goûter au nouveau-né le sucré, le salé et l’amer (la noix de cola), parfois l’eau de lavage d’une tablette sur laquelle ont été écrits, à l’encre, des versets coraniques, d’après la même source.
« Là où ton placenta est enterré, tu reviendras », (proverbe africain).

Une des coutumes que l’on retrouve dans de nombreux pays africains (Mali, Nigéria, Ghana, Côte d’Ivoire, Bénin, Algérie etc.), à la naissance de l’enfant, concerne le placenta, (poche dans laquelle se développe le f tus dans l’utérus de la mère, expulsée après l’accouchement) considéré comme «l’autre de l’enfant», un «double», qu’il faut protéger.

C’est pourquoi on l’enterre près du domicile où l’enfant est né, sous un arbre par exemple, afin de signifier son enracinement à la terre qui l’a fait naître.

« Au Bénin, la cérémonie d’enterrement du placenta qui succède à la naissance de l’enfant participe à la fortification du nouveau-né, lui assure protection et longévité », explique Dagbo Hounon, prêtre vaudou et chef de divinités traditionnelles à Ouidah, ville historique du Bénin.

« Selon la tradition, juste après la naissance de l’enfant, le placenta est recueilli dans un canari, une jarre ou dans un pot fermé. On creuse alors un trou dans un endroit très humide et gardé secret pour éviter le mauvais il. Au fond de ce trou, on étale par exemple des feuilles d’hysope (Kpatin-mam en langue locale Fon) qui permettent de purifier le placenta, qu’on dépose sur ce tapis de feuilles et qu’on recouvre d’une couche des mêmes feuilles, avant de combler définitivement le trou de sable », décrit-il, ajoutant que c’est au père de famille ou au chef de la collectivité d’enterrer le placenta du nouveau-né.

La Mère, comme une Reine, on traitera
« La tombe du nouveau-né et de sa mère reste ouverte pendant les quarante jours qui suivent l’accouchement », rappelle un dicton du Maghreb. Autrement dit, un repos total est nécessaire pour celle qui a enfanté et son bébé. La femme ne doit absolument rien faire durant des périodes qui varient d’une semaine à plusieurs mois, selon les pays.

Certaines n’hésiteront pas à s’isoler tandis que leurs aînées s’occuperont de l’enfant. Avant, au Sénégal, les femmes partaient carrément hors du village deux années durant, une pratique désormais révolue.

Les nouvelles mères devront par ailleurs bien manger tout en retrouvant leur silhouette d’origine en se serrant le ventre par des bandages, afin d’accueillir la prochaine âme sacrée…


ogooueinfos.com)/n

Une statue de la chefferie Bangwa dans la région Ouest du Cameroun vendue à Paris

L’ uvre camerounaise à été adjugée à plus d’un million d’euros

Une figure d’ancêtre royal masculin Bangwa dans l’Ouest du Cameroun s’est vendue aux enchères à Paris à plus d’un million d’euros. L’ uvre selon les experts serait considéré comme le compagnon de la célèbre « Reine » Bangwa, aujourd’hui dans les collections du musée Dapper à Paris. Chez les Bangwa, ce sont des statues commémoratives. Bien souvent, elles rappellent aux vivants les honneurs à rendre aux défunts. Rare et importante, cette sculpture Bangwa représente un monarque assis sur son trône. Il dégage une certaine force avec la pliure accentué du tronc qui entraine un mouvement dynamique des épaules vers l’avant.

L’expression du visage est caractéristique de l’art local. Les deux parties du visage sont légèrement asymétriques. La bouche grande ouverte montre des dents triangulaires. La courbe du nez rend plus expressifs les grands yeux en amende et le front protubérant. Le cou est orné d’un collier de perles et de dents de léopards. D’autres accessoires ornent ses bras et ses chevilles et permettent, en général, de distinguer des personnes de haut rang. Si par leur spécificité, les parures peuvent marquer la différence des genres, il arrive parfois qu’un objet soit porté par les deux sexes, signe d’honneurs et symbole des Lefem : groupes de notables riches et puissants dans la chefferie des Bangwa.

Un art riche et inconnu
Adjugé au cours d’une vente d’art primitifs, le « Roi » était une uvre commandée par un souverain pour représenter un personnage spécifique. Réalisée par un sculpteur au talent incontesté, la statuette date du XIXème siècle. Elle a été acquise au Cameroun, entre 1898 et 1899, par Gustav Conrau, premier explorateur européen à pénétrer sur le territoire Bangwa. Grâce à un échange d’objet d’art en 1926, elle passe du monde muséal, au marché de l’art. Depuis lors sa valeur n’a cessé d’augmenter. Les uvres ainsi travaillées pour les notables de la « chefferie » Bangwa sont considérées comme les plus impressionnantes et expressives de « l’art tribal africain ».

Les arts premiers ont le vent en poupe ces derniers temps. L’art africain est particulièrement visé par les collectionneurs et autres pilleurs. La renommée de l’art Bangwa tient ainsi au fait que les uvres majeures représentent des sculptures commémoratives des rois des reines, des princes et princesses et des serviteurs, ainsi que des parents de jumeaux. Dans l’ensemble, ce sont des pièces rares comme les sont, le « Roi » ou la « Reine » Bangwa. Leur captation légale ou frauduleuse représente un chiffre annuel évalué à des milliards d’euros. Le phénomène va en s’accentuant et porte atteinte à une part de l’histoire des peuples. En effet, une fois sortis de leur contexte et séparés de l’ensemble auquel ils appartenaient, ces objets sont désincarnés, désacralisés et bien souvent disparaissent. Détourné de la mémoire et des yeux de leur ayants droits, la vie sociale s’en trouve désorganisée. Les commémorations sont réduites et parfois disparaissent.

Or malgré la prise de conscience récente, et la mise sur pieds des moyens de lutte contre « le détournement de la mémoire d’un continent », les pièces rares et restées dans des collections privées font grimper les enchères. A l’exemple de cette figure masculine d’ancêtre Bangwa (lot 130), vendue à Paris parmi d’autres uvres d’art primitifs africains. Cette sculpture royale, uvre liée aux arts de cour et patrimoine de l’humanité fait partie des chefs d’ uvre naissant libres et égaux. Il appartient donc aux Etats de prendre des mesures et de mettre en place des dispositifs et moyens de préservation et de conservation de cette mémoire. Cela commence par une certaine pédagogie du goût et de l’appréciation du patrimoine local.

Statue royale Bagwa
africanartclub.com)/n