« Plaidoyer: Il faut modifier et compléter la loi relative à la déclaration des biens et avoirs au Cameroun »

Par Engelbert Essomba Bengono, diplômé de l’Iric, Inspection Nationale des Services du Trésor

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Au moment où des voix s’élèvent pour réclamer, avec une impertinence certaine, la déclaration des biens et avoirs de Son Excellence, Monsieur Paul Biya, Président de la République, je me permets de vous écrire. Je dois, avant tout propos, dire que la chasse semble à nouveau ouverte. La plus grosse prime semble promise à celui qui apportera le « scalp » de l’homme Biya, après l’échec des nombreux procès en « bien mal acquis »où la soif de sang présidentiel et la recherche effrénée de popularité motivent les uns et les autres ; y compris ceux qui ont passé leur enfance, leur scolarité et bâti leur carrière d’avocat et de que sais-je encore avec l’argent de l’État ; gestionnaires qu’ils sont, aujourd’hui, de successions fortunées, bien à l’abri de la déclaration des biens qui n’existaient pas au moment où leurs géniteurs étaient en fonction. S’acharner ainsi contre un homme qui n’a jamais refusé de déclarer ses biens est infâme, indigne, infeste et malsain. Le cercle vicieux des ONG et autres groupuscules nébuleux de la société dite civile, en mal de justification de leur existence a donc choisi de s’attaquer à l’homme qui incarnera clef de voûte des institutions républicaines. Ce cercle sans vertu enfonce la porte ouverte de la déclaration des biens et avoirs. Ils veulent nous convaincre que demain, lorsqu’en bon citoyen respectueux des lois de son pays, Monsieur Paul Biya déclarera ses biens, il le fera parce qu’eux, mesdames et messieurs sous-fifres (pardon du peu), l’auront « exigé » et « obtenu ».Ce n’est pas un hasard s’ils le font au moment où, imperturbablement, le Président Biya déroule le bloc éphéméride des grandes réalisations, socle indéboulonnable du septennat en cours. Au moment où plus déterminé que jamais, il traque le mauvais emploi des fonds publics. Le Président agi et convainc : ça ne plaît pas à tout le monde. Vive la démocratie ! En vertu de l’article 26(1, b) de la constitution, « sont du domaine de la loi :. le statut des personnes et le régime des biens. ». La modification de la loi dont on parle relève donc des prérogatives de la Chambre que vous présidez si heureusement. Aussi j’ose vous écrire pour attirer votre haute attention sur la nécessité de modifier la loi n°003/2006/du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs, au moins pour adapter certaines dispositions de celle-ci à une réalité consacrée elle aussi par des textes non moins importants.

1- Modifier la loi pour l’adapter à la réalité territoriale du Cameroun…
A l’article 2(2) il est fait mention des gouverneurs de province. Il y a lieu de remplacer le mot « province » par le mot « région » plus conforme à la réalité territoriale du Cameroun. Depuis loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972, les provinces sont devenues des régions. Le mot « région » renvoie à une réalité ambivalente. La région désigne d’abord une collectivité territoriale décentralisée constituée de plusieurs départements au sens de la loi n°2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions. A la tête d’une région se trouve un Président du conseil régional élu, ordonnateur du budget de la région (article 65(1) de la loi sus référencée). En deuxième lieu, la région est une circonscription administrative au sens de l’article 2 du décret n°2008/376 du 12 novembre 2008 portant organisation administrative de la République du Cameroun. Sans qu’on puisse dire que ledit décret contredit la loi 2088/019. Le décret n°2008/377 fixant les attributions des chefs des circonscriptions administratives et portant organisation et fonctionnement de leurs services d’une part, et celui portant nomination des premiers gouverneurs de région d’autre part ne font que consolider cette réalité. Le responsable en chef de la région est le gouverneur de région. En vertu du décret n°77/091 du 25 mars 1977 déterminant les pouvoirs de tutelle sur les communes, syndicats de communes et établissements communaux, modifié par le décret n°90/1464 du 09 novembre 1990, il exerce la tutelle de l’État sur la région.

2- . et compléter la liste des personnes assujetties à la déclaration des biens et avoirs
Au moins deux conséquences découlent de cette ambivalence de l’organisation du territoire : le président du conseil régional, ordonnateur du budget de la région doit figurer à ce titre dans la loi, non pas seulement comme un simple gestionnaire de « crédits et de biens publics » (article 2(1) actuel), mais comme une fonction de responsabilité ainsi expressément nommée. Sauf à admettre, dès à présent, que certains chefs de régions ne seront pas ordonnateurs du budget. Le remplacement de «les gouverneurs de province » par « les gouverneurs de région » (article 2(2)) me semble indiscutable, irréfutable et incontestable. Plus loin, la liste des personnes assujetties pourrait être allongée si on admet que les dirigeants des entreprises privées bénéficiaires de crédits auprès de la BDEAC avec l’aval ou la caution de l’État sont responsables de fonds publics communautaires. Des sommes importantes sont mobilisées à ce titre à l’insu du grand public. Cette déclaration doit pouvoir fonder une action de in rem verso contre les dirigeants ou les propriétaires des entreprises en cause en cas de faillite ou d’enrichissement illicite. Enfin, cette loi doit être suffisamment hardie pour promouvoir son autorité et sa primauté dans l’ordonnancement législatif camerounais. Dans cette perspective, elle doit contenir une disposition qui oblige, les actes de nomination à la viser expressément, sous peine de rejet ou d’annulation. Au demeurant, l’article 2 des actes de nomination doit désormais mentionner que le responsable nommé déclarera ses biens et avoirs dans le délai et les formes prescrits par la loi avant son entrée en fonction. Bien avant l’article « préféré » sur les avantages de toute nature qui sont généralement accordés aux responsables nommés. Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, l’assurance de ma considération distinguée.

Engelbert Essomba Bengono
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