Cameroun: Les éclairages d’AES Sonel sur le blackout survenu dimanche dernier

Alexandre Siewe, directeur adjoint communication et gestion de la marque, nous explique dans les détails les raisons de cette rupture généralisée

Dans la nuit du dimanche 26 avril 2012, il y a eu une rupture généralisée de la distribution du courant électrique dans six régions de la partie sud du Cameroun que s’est-il passé?
Le réseau électrique a été effectivement très perturbé dimanche dernier suite à une avarie survenue à la centrale hydroélectrique de Song Loulou autour de 18h30, c’est-à-dire à l’entame des heures de pointe. Du fait du poids et du rôle de Song Loulou, cet incident a eu des répercussions sur l’ensemble du réseau interconnecté Sud (RIS) qui couvre les régions du grand Sud (par opposition au Grand Nord) à l’exception des régions comme l’Est qui ont un réseau propre ou des villes alimentées par des centrales thermiques isolées.

Actuellement, le courant est revenu dans de meilleures proportions à Yaoundé et Douala, qu’en est-il des autres points objets du balck-out?
Depuis dimanche 22h30, toutes les zones impactées par cet incident sont à nouveau alimentées normalement. Ce qui ne signifie pas qu’il soit exclu qu’un autre incident d’une autre nature soit survenu entre temps ça et là. C’est l’ordinaire de notre activité qui est soumise à plusieurs sources potentielles de perturbations, qu’elles relèvent d’un phénomène naturel, d’un défaut mécanique ou technique.

Un communiqué officiel de l’opérateur AES Sonel que vous représentez, parle de surchauffe. A quoi est due cette surchauffe?
Pour être plus précis, voici ce qui est arrivé : la source originelle de l’incident est la centrale de Songloulou ou deux groupes, les groupes N°5 et N°6 ont connu un défaut au niveau du circuit des auxiliaires autrement dit au niveau des équipements périphériques au fonctionnement/c ur des groupes mais qui en affectent quand même la bonne marche (Exemples: dispositif d’arrêt d’urgence, l’éclairage,.dispositif de sécurité ou d’évacuation des eaux..). Par conséquent, ces deux groupes ont « déclenché » c’est-à-dire qu’ils ont émis une alerte et se sont décrochés brusquement du réseau provoquant une chute toute aussi brusque de la tension sur le réseau. Notons que la centrale de Song Loulou compte 8 groupes mais 4 étaient déjà à l’arrêt pour cause de maintenance. Le dimanche est le jour par excellence de ces opérations de maintenance parce-que la demande est faible et l’impact sur l’économie et le fonctionnement de l’administration minime. Sur les 4 qui étaient en marche au moment du problème, deux s’étant décrochés, les deux restants n’étaient plus en mesure de supporter la charge émanant de la demande tant le déséquilibre était important. En pareille circonstance, le système se protège automatiquement et isole la source du défaut ; la centrale s’est donc « repliée sur elle même ». Problème, le poids de Song Loulou sur notre réseau électrique est tel que son absence est déstabilisateur pour l’ensemble du système. C’est un schéma complètement exceptionnel et il existe un protocole précis et rigoureux pour rééquilibrer les charges, en mobilisant des sources alternatives notamment le thermique souvent au « repos » le dimanche. C’est comme un puzzle qu’il faut reconstituer minutieusement. C’est ce qui a pris un peu plus de temps que prévu provoquant inquiétudes et supputations. Pour le reste les experts poursuivent la recherche de l’origine de ce défaut avec pour hypothèse prioritaire un lien avec les nouveaux automates installés récemment sur ces 2 groupes précisément.

Doit-on déduire que les capacités de production de Song Loulou ne suffisent plus à la demande de son secteur de distributions logiquement en croissance constante?
Non, car comme je l’ai expliqué, l’enjeu n’était pas celui des capacités de production mais davantage celui du rééquilibrage du système quand survient un fait exceptionnel majeur comme dimanche dernier.

Vous affirmez aussi que la situation a été maitrisée, mais des analyses indépendantes estiment que des situations analogues peuvent survenir tant que le réseau de distribution n’est pas amélioré, quel niveau de pertinence accordez-vous à ces remarques?
Les analystes sérieux savent que le phénomène survenu dimanche n’a pas de lien direct avec le réseau de distribution. Il n’est pas exclu qu’un défaut majeur émanant de la distribution affecte fortement le système mais qu’il en vienne à l’effondrer est rarissime. Peut-être peut-on encore imaginer l’hypothèse d’un défaut sur le réseau de transport (par exemple une ligne majeure comme la 225KV Mangombé-Oyomabang à Yaoundé se décrochant) qui déstabilise l’équilibre du système.

Alexandre Siewe, directeur adjoint communication et gestion de la marque Aes Sonel
Journalducameroun.com)/n

Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation survient, est-ce qu’au niveau de Song Loulou il n’existe pas une technologie qui puisse permettre de prévenir l’atteinte d’une situation de surchauffe des moteurs?
Il n’existe pas à proprement parler de technologie qui permettre d’être à l’abri 100% de ce type de phénomène. Je vais être plus précis. L’équilibre d’un système électrique, c’est le jeu de l’offre et de la demande. Généralement le système s’effondre quand survient brusquement un gros déséquilibre entre les deux indicateurs. Donc on peut penser que le premier vaccin contre les effondrements, c’est d’avoir une offre très largement supérieure à la demande. Il existe des outils technologiques qui permettent de remplacer rapidement sur un réseau une source de production défaillante par une autre restée en attente. Cela prend le temps d’éliminer temporairement la charge manquante et de connecter au réseau une charge équivalente ou supérieure provenant de la source réactivée. Ce mouvement d’énergie passe par un système de contrôle de réseau et peut se faire très rapidement. Les clients se rendant à peine compte. Chez nous, le système a encore un point faible à ce niveau : en dépit des nouveaux apports en capacité, l’offre et la demande restent tenues notamment aux heures de pointe. On n’a pas véritablement de marge de man uvre. Donc quand une source de production importante est en défaut, si c’est à une heure de pointe, nous avons du mal à rétablir l’équilibre. Mais nous avons déjà franchi un cap important avec la mise en place d’un système ultramoderne de supervision et de pilotage du réseau (SCADA). Il reste donc à augmenter nos capacités de production de manière à avoir une réserve importante. Avec la centrale à gaz de Kribi et les projets annoncés par les pouvoirs publics, on devrait y arriver très bientôt.

On critique très souvent l’opérateur, mais des expertises ont aussi démontré que certaines attitudes des consommateurs ne permettent pas d’avoir une maîtrise effective de la stratégie de distribution. Est-ce vraiment le cas?
En effet le chiffre même des clients régulièrement abonné devrait nous interpeller tous. Quand nous n’avons que 180.000 clients à Douala, on peut se demander où et comment s’alimentent les autres ? Idem pour les autres grandes villes du pays. Nous continuons à avoir des niveaux de pertes élevées, 30% en moyenne par an. Si vous comptez que chaque point vaut autour de 2milliards, l’addition est vite faite. C’est de quoi brancher plus de 40.000 familles et de nombre de Km de câbles non remplacés. Il y a des villes où nous avons jusqu’à 40% de l’énergie injectée dans le réseau de distribution sont frauduleusement utilisées. En clair chaque client AES-SONEL paye pour au moins trois autres qui consomment pour rien. Tous ces consommateurs non recensées ont un impact négatif sur nos équipements. La traduction la plus visible c’est le nombre de transformateurs qui explosent ou brûlent sur le réseau : ils sont souvent paramétrés pour un nombre de clients et finissent par en supporter jusqu’à 4 fois plus. La fraude est un vrai cancer pour l’économie de l’électricité.


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Black-out: Six régions sur dix dans le noir au Cameroun

La situation aura duré un peu plus de deux heures ce dimanche et on ignore officiellement ce qui est survenu

Six des dix régions du Cameroun ont été plongées dans le noir dans la soirée du dimanche 29 avril 2012, suite à une grosse coupure d’électricité. Dans la capitale Yaoundé, on a d’abord pensé à un délestage habituel avant de se rendre compte de l’ampleur de la situation. « J’étais aux alentours de la présidence de la république lorsque le courant est parti, la lumière est revenu au niveau du palais, mais pas dans les quartiers environnants. En arrivant au centre-ville, j’ai réalisé que c’était un problème général et j’ai essayé d’appeler des amis dans d’autres quartiers eux aussi étaient dans le noir », affirme Francine, étudiante à Yaoundé. En fait la coupure géante a touché les villes de Bafoussam dans la région de l’ouest, Bamenda dans le Nord-ouest, Buea dans la Sud-ouest, Douala dans le Littoral et Ebolawa dans le Sud. « Je suis à Bafoussam, et il n’y a pas de courant depuis une heure, presque toute la ville est dans le noir », a expliqué Serges un médecin résidant dans la localité. Presque toutes les personnes contactées dans cette zone disaient la même chose dans les autres régions. Seules n’étaient pas concernées les régions de la partie septentrionale du pays (Adamaoua, Nord et Extrême-nord), ou des sources contactées ont fait part de ce qu’il n’y avait pas de coupure d’électricité et aussi la région de l’Est (Bertoua). Pour l’instant on ignore encore ce qui s’est passé, pour que survienne une telle situation.

En 2008 déjà, l’ensemble de ces localités s’étaient retrouvées sans courant. Chez AES Sonel l’opérateur, on avait alors expliqué que la situation était due à une défaillance au niveau de Song Loulou, la principale zone de production de l’électricité qui est distribuée dans les principales villes du grand Sud, à l’exception de Bertoua dans la région de l’est. D’autres fois on a utilisé l’argument d’un transformateur ou d’un câble souterrain en difficulté. Pour certains experts, ce type de problème qui peut survenir mais qui est récurent au Cameroun, est la manifestation du caractère défectueux du réseau de distribution. Vincent Nkong-Njock est l’un d’eux et expert à l’Agence International de l’Energie Atomique. De passage au Cameroun en mai 2011, il faisait part de ses suggestions pour une meilleure politique énergétique dans le pays. « Les investissements ne doivent pas seulement concerner les infrastructures. Construire un barrage c’est bien, mais cela ne suffit pas à résoudre les problèmes d’énergie. Il y a toute une vision à avoir sur d’autres aspects comme celui du transport de l’énergie, de sa gouvernance, sa distribution et aussi les dispositifs de sécurisation qui l’accompagnent. Si tous ces aspects étaient pris en compte, cela permettrait de réduire les coûts de production. Certains travaux seraient par exemple réalisés par des entreprises locales conformément à la déontologie de ce secteur. La question d’énergie n’est pas seulement une question de barrages », faisait-il savoir. Tard dans la nuit la situation du Black-Out s’est arrangée pour la ville de Yaoundé, dans les autres régions aussi, on parle d’un retour à la normale. Mais la question demeure, qu’est ce qui s’est passé ?

SIx des dix régions du Cameroun ont été plongées dans le noir pendant plus de deux heures
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