Cameroun: 20 mai 2016, une si petite panne!

Par Suzanne Kala-Lobè, journaliste

Alors que le rideau était déjà tombé sur un Palais des Congrès en pleine reconstruction, la Fête de l’Unité bat son plein sur le boulevard du 20 Mai. Cameroun terre d’attractivités, disait le slogan du Forum économique international, est décidément une terre d’opportunités, pleine d’attractions.

Car tandis que la foule se massait déjà sur le fameux boulevard, tandis que les forces de l’ordre en rang serrés étaient désormais prêtes à fêter la Nation vieillissante – 44 ans déjà, ce n’est pas rien – un incident, un seul allait ternir les quelques jours de gloire d’un Paul Biya triomphant après son coup fameux du Forum économique. Patatras! En plein 20 mai, une panne sèche de la voiture présidentielle.

Des mains très peu présidentielles vont pousser. Et tchouk ! Le rideau se déchire et cette photo montre les camerouniaiseries. Le contraste d’un pays où le sens du détail et d’anticipation ne sont pas les qualités les mieux partagées. Comme le bon sens. Ce tout petit détail, cette voiture présidentielle que l’on pousse les mains pleines, ressemble au Cameroun. Comme un trompe l’ il, il montre ses ors. Les investisseurs viennent. Ils posent leurs bagages et soupèsent vos richesses. Certes. Mais où mettent-ils les pieds ? Dans quelle terre fertile des ratés comme cette panne sèche peuvent-ils prospérer?

Des frasques, le Cameroun en aligne tous les jours. Ce fameux réel de l’irréel. Comme une jolie dame sertie de diamants mais porte à ses pieds les fameuses tongs. Les Dschang shoes. Ces sans-confiances de la misère, que l’on traine au pays lorsqu’il n’y a plus rien à pendre dehors.

Le fric, les frasques, les flaques, le toc et le troc ! En somme un 20 mai évanescent, à l’image du pays. Tandis qu’à pas cadencés et au pas de l’oie, marchent les soldats de la République, sourd dans la foule, un rire étouffé et étouffant. Un silence lourd d’ironie. Une camerouniaiserie de plus qui provoqua le courroux de Paul Biya.

Les rumeurs disent qu’il n’a encore rien dit à propos de cette petite panne. Mais gare à sa colère, lorsqu’il lèvera les yeux des résolutions du Forum, lorsque tous ses visiteurs seront enfin partis, il cherchera la petite bête pour tirer cette panne au clair. Ce n’est sûrement pas un sabotage. Mais les dégâts collatéraux d’un personnel, toujours en panne d’une voiture. Difficile à suivre le travail de manière précise.

Mais au-delà de cet incident et de cette suite d’événements qui semblaient redorer le blason du Cameroun, il faut savoir ce que les investisseurs sont venus chercher, dans quels projets précis ils ont mis leur argent. La qualité des opérateurs économiques présents ne fait aucun doute. Mais la rapidité des échanges prouvent au moins une chose : le Cabinet civil avait déjà fait sa liste des projets qui allaient bénéficier de ces investissements. Ils étaient déjà sélectionnés, retenus, sans que la Nation toute entière ne se prononce sur la qualité de ces projets pour son développement.

Comme si le pays était coupé en deux : d’un côté ceux qui décident et qui concoctent le développement du pays dans un cénacle, de l’autre le pays que l’on mobilise le 20 mai, pour célébrer les 44 ans de la vieille dame. La Nation, rassemblée sur le boulevard du 20 mai, n’a pas eu droit aux projets structurants que les investisseurs sont venus supporter en masse. Du moins, c’est ce que résume le communiqué officiel. La foule a assisté à une panne sèche de la voiture présidentielle.

Elle a vu que pousser un véhicule en panne sèche n’est pas que l’apanage des pauvres. L’essence peut donc manquer partout, même dans la voiture présidentielle, surtout un 20 Mai !! 44 ans après la première Fête !!! Quelle classe toutes ces fiasques donnent au vernis du Forum d’hier ? Une claque retentissante. Ce réel de l’irréel. Une toute petite panne ! Oui mais quelle grande leçon de… développement d’ici à l’émergence 2035 ! Alors que le défilé était préparé au millimètre près du pas cadencé que les corps constitués battaient le pavé pour préparer le rythme et l’ambiance du défilé sur le boulevard du 20 mai, une voiture, une pauvre petite voiture qu’une panne d’essence a bloqué laissant le Président sur le trottoir.

Ce Cameroun qui en l’espace de deux jours était un miroir aux alouettes a montré la force de son mirage. Par une panne. Une toute petite panne. Toujours ces camerouniaiseries. Une panne qui a mis à mal l’inspiration du Président. L’entourage retient son souffle. Le pays vaque à ses occupations. Le temps suspend son vol. Et sur les routes du pays les voitures continuent à tomber en panne sèche. Et des bras forts poussent. Nous on tchouk ! Pour une si petite panne. Encore une panne comme ça le jour de l’anniversaire de Brenda par exemple et on verra bien jusqu’où tout cela nous mènera.


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Ces noms de lieux venus d’ailleurs: Stade malien

Cet espace de jeu doit son nom à l’équipe de football du pays mandingue lors de la Can de 1978.

l’équipe du Mali s’entraînait sur ce stade. Ils avaient un joueur émérite, Salif Keita, l’un des tout premiers à évoluer en Europe. Et c’est du passage marqué de son équipe qu’est venu le nom Stade malien.
Georges Penda, ancien footballeur

Terrain d’entraînement de Canon de Yaoundé, cet espace de jeu sis au quartier Anguissa, Yaoundé, doit son nom à l’équipe de football du pays mandingue lors de la Can de 1978.
« Le Cameroun avait la meilleur équipe. Les maliens aussi étaient favoris. Mais les congolais les ont surpris et ont remporté la finale face au mali sur le score d’un but à zéro »: Georges Penda, ancien footballeur dans la cinquantaine analyse le dénouement de la coupe d’Afrique des nations de 1972 jouée au Cameroun. Ce samedi vers 12 h, deux équipes de vétérans s’affrontent sans pitié. Le soleil est au Zénith. Le vétéran ajoute: « l’équipe du Mali s’entraînait sur ce stade. Ils avaient un joueur émérite, Salif Keita, l’un des tout premiers à évoluer en Europe. Et c’est du passage marqué de son équipe qu’est venu le nom Stade malien ».
Avant cet événement, le stade portait le nom de « Nkolowé, du nom de la rivière qui sépare les quartiers Mvog Ada et Nkoldongo. L’équipe du mali était la toute première équipe étrangère à s’y entraîner. Les gens ont donc commencé à utiliser ce nom comme repère et comme signe distinctif des stades » révèle pour sa part Minkolo Alfred, technicien de génie Civil et fils du feu chef de quartier Mbida Minkoulou Alphonse. Ce dernier qui offre le terrain vers la fin des années soixante pour qu’on y construise le stade dans le cadre des préparatifs de la coupe d’Afrique de 1972. La compétition remportée par le Congo face au Mali en finale. Le Cameroun ayant été éliminé en demi-finale par le Congo, selon Minkolo Alphonse. Depuis, ce stade est celui du Canon de Yaoundé. C’est aussi le stade de prédilection des anciennes gloires du football Camerounais qui participent à des rencontres footballistiques durant le week-end. « Roger Milla, Jean Paul Akono, Mungam Dagobert, Stephen Tataw et bien d’autres anciens footballeurs camerounais ont l’habitude de venir ici jouer leurs « Deux zéros. « De même, les actuels internationaux de passage ne manquent pas d’y faire un tour comme Pierre Wome Nlend », renchérit Minkolo Alphonse.

Bientôt un autre nom
Aujourd’hui, le stade Malien présente un visage nouveau, grâce à Théophile Abega, maire de la mairie de Yaoundé IV. « Il a fait goudronner la route qui mène jusqu’au stade ainsi que le mur de soutènement cette année. Les travaux sont achevés mais la mairie ne les a pas encore réceptionnés», souligne Arnaud Ambomo, régisseur du stade et petit fils du donateur du terrain sur lequel est construit le stade. Sa position privilégiée sur cet héritage parental lui permet d’organiser des championnats de vacances depuis huit ans. Et c’est avec un sourire au coin de la bouche qu’il nous annonce que « Théophile Abega est en train de faire des pieds et des mains pour qu’on change le nom de ce stade. Il voudrait qu’on le rebaptise « Mbida Minkoulou », du nom de mon grand père, ancien capitaine et membre fondateur du Canon de Yaoundé qui a gracieusement offert cet espace au gouvernement ». Une récompense qui serait bien méritée. Mais elle fera oublier le passage des joueurs mythiques du pays des descendants de Soundjata Keita.

Stade malien
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