Cameroun : le projet Bus Rapid Transit de Douala démarre en 2022

La Banque mondiale vient de confirmer l’augmentation de l’enveloppe pour réaliser ce projet visant à améliorer la mobilité dans la capitale économique du Cameroun. D’où l’assurance du maire de la ville de Douala Roger Mbassa Ndiné.

La visite d’un responsable de la Banque mondiale à Douala le 15 septembre 2021 porte ses fruits. « Nous sommes très reconnaissants au vice-président de la Banque  mondiale qui nous a rendu visite il y a quelques mois et qui, au regard de ce qu’il a vu sur place et de notre engagement qu’il a pu  jauger, a décidé d’augmenter la quote-part du financement de la Banque mondiale dans ce projet », déclare le maire de la ville de Douala.

En effet, huit ans après son annonce, le projet Bus rapide transit (Brt) dans la ville de Douala entre bientôt dans la phase de mise en œuvre. Son démarrage est prévu au cours de l’année 2022, selon l’assurance de Roger Mbassa Ndiné portée à la connaissance du public par Ecofin. Le super maire annonce la confirmation par la Banque mondiale du financement du Projet de développement des villes inclusives.

Des partenaires brésiliens et chinois avaient manifesté leur intérêt pour ces travaux sans suite. Mais en septembre 2021, le ministre du Développement urbain et de l’Habitat Céléstine Ketcha Courtes a publié les résultats de deux appels d’offre portant sur la réalisation du projet. Une action de plus qui démontre l’avancée de l’initiative.

Le Système de Bus rapid transit est un projet visant à améliorer la mobilité urbaine à Douala où le réseau de bus représente moins 1% de transports selon la BM. Le projet présente plus d’un intérêt pour la métropole où la population exerce une pression sur les infrastructures de transport. Eulalie Saïsset, Benjamin Fouchard et Aiga Stokenberga chercheurs de la Banque mondiale (BM) ont démontré en 2020 dans un billet que le système de Brt représenterait une économie d’environ 1,6% du PIB de la ville de Douala.

selon ces chercheurs, une fois le Brt mis en place, l’accès à l’emploi augmentera de 138% chez les personnes pauvres. Le nombre d’habitants de la ville qui accèdent à un hôpital public en 45 minutes va augmenter de 43% à 58%. La part des femmes qui arrivent au marché en 45 minutes passera de 71 à 80%, etc.

En attendant que la réalisation du projet commence et s’achève, la population de Douala continue d’emprunter les moyens de transport existants. Il s’agit de la marche, des taxis ou mototaxis avec leur lot quotidien d’embouteillages et des prix parfois élevés.

Cameroun: ce que le système de bus rapide va changer dans le transport urbain à Douala

Par Eulalie Saïsset, Benjamin Fouchard et Aiga Stokenberga, Banque mondiale

 

Douala est le principal port du Cameroun et son plus grand centre urbain. Si de nombreuses personnes s’y installent à la recherche de nouvelles opportunités, l’agitation permanente rend difficile les déplacements quotidiens. Alors que la ville s’étend le long du fleuve Wouri, la population croissante, allant et venant, exerce en effet une pression grandissante sur les infrastructures de transport. Le réseau de bus est ainsi inefficace et représente moins de 1% des déplacements. Les embouteillages s’intensifient au fil des années. Les infrastructures routières font défaut dans de nombreuses parties de la ville. Dans ce contexte, les Doualais sont contraints de se reporter sur la marche à pied, les taxis ou les modes de transport informels tels que les mototaxis, qui restent considérés comme peu sûrs et onéreux.

L’absence de moyens de transport fiables a un impact considérable sur la mobilité des personnes et sur leur qualité de vie, les populations pauvres étant particulièrement affectées. Et chaque matin, c’est la même histoire : on observe les jeunes enfants s’entasser dans les taxis pour se rendre à l’école, on passe des heures à traverser le carrefour de Ndokoti, qui voit défiler plus de 7 500 véhicules par heure en période de pointe, et le nombre de passagers sur les mototaxis augmente encore un peu. Pour remédier à la situation, la ville de Douala a récemment adopté un Plan de Mobilité Urbaine Soutenable, qui transformera fondamentalement le réseau de transport urbain, en commençant par la mise en place d’un nouveau système de bus rapide, ou BRT d’après le sigle anglophone Bus Rapid Transit. Ce mode de transport en commun permet, grâce à des voies réservées et une priorité aux intersections, d’assurer un transport fréquent, rapide et accessible. Intégré à un système de bus conventionnel qui alimentera les deux corridors principaux, il améliorera la capacité et la fiabilité de l’ensemble du système de transport public. Le Projet de Mobilité Urbaine de Douala (PMUD) reflète ainsi une tendance croissante en Afrique : huit corridors sont actuellement en service et douze autres villes prévoient de construire un BRT, dont Dakar et Abidjan où les projets sont également financés par la Banque mondiale.

Mais ajouter un axe au réseau ne suffit pas. Il faut restructurer l’ensemble du transport urbain, afin d’assurer que toutes les parties de la ville puissent être connectées. Le réseau de transport doit bénéficier d’aménagements urbains, pour mieux servir les habitants, et particulièrement les quartiers les plus démunies et vulnérables. Il s’agit à terme de permettre aux plus pauvres d’accéder à davantage d’emplois, aux étudiants d’atteindre leur université et aux femmes et aux enfants d’arriver à temps dans les centres de santé.

Comment alors garantir que le nouveau système de transport atteindra ces objectifs et correspondra aux besoins des utilisateurs ? Pour répondre à cette question, notre équipe a réalisé une étude d’accessibilité, qui compare les situations avant et après la mise en place du BRT et du réseau de rabattement. Elle nous aidera aussi à identifier les zones prioritaires bénéficiant d’aménagement urbains dans le cadre du projet.

Dans le domaine des transports publics, on évalue les performances du réseau de transport sur la base d’indicateurs « d’accessibilité », qui reflètent le nombre de personnes pouvant atteindre les principales opportunités – emplois, écoles, services de santé, marchés – dans un délai donné. Ils illustrent clairement les avantages que procure le transport, reliant personnes et destinations, en tenant compte des temps de trajets sur le réseau. Grace à l’aide précieuse de la Communauté Urbaine de Douala nous ayant fourni des données récentes, et en utilisant un logiciel open source, nous avons comparé l’accessibilité avec et sans le BRT. L’augmentation significative de la congestion prévue pour les prochaines années a été prise en compte. Afin de comprendre l’impact sur les habitants à faible revenu, qui sont aussi les plus dépendants du réseau de transport en commun, nous avons élaboré une carte de la pauvreté à Douala. Nous avons non seulement évalué l’impact sur l’emploi, mais aussi sur les services essentiels au développement du capital humain, comme l’accès aux soins de santé ou à l’éducation.

Et les résultats sont très prometteurs. Avec le BRT, un résident moyen de Douala aura accès à deux fois plus d’opportunités d’emploi. Le progrès est d’autant plus remarquable pour les personnes pauvres, pour le moment particulièrement isolées, qui verront leur accès à l’emploi augmenter jusqu’à 138 % une fois le BRT mis en service.

Le projet entraînera également des améliorations majeures dans l’accès aux services. La part des Doualais ayant accès à un hôpital public en 45 minutes devrait passer de 43 % à 58 %. Dans le scénario du PMUD, 45 000 jeunes en âge d’étudier supplémentaires pourront accéder à une université publique en 45 minutes.

Ensuite, nous avons examiné spécifiquement l’impact pour les femmes. Comme dans de nombreuses villes, leurs besoins et leur usage des transports publics sont spécifiques et liés à leur rôle social. À Douala, les femmes effectuent par exemple 84 % des déplacements vers les marchés. Or, dans le scénario du projet, la part des femmes pouvant accéder à un marché en moins de 45 minutes augmentera de 71 % à 80 %, facilitant le quotidien nombreuses femmes vivant pour la plupart dans les quartiers périphériques mal desservis.

Enfin, nous avons estimé que le temps passé dans les transports publics formels diminuerait en moyenne de 88 minutes à 71 minutes par personne et par jour, cette réduction atteignant 31 minutes dans les zones périurbaines les plus pauvres. Si l’on évalue la valeur du temps comme égale à la moitié des revenus, ce gain représenterait à lui seul une économie d’environ 1,6 % du PIB de la ville par an.

L’analyse d’accessibilité constitue donc un argument de poids en faveur de l’introduction d’un système de transport urbain moderne à Douala, en montrant l’impact que le BRT pourrait avoir sur la qualité de vie et l’accès aux opportunités. Le projet est actuellement en préparation et sera présenté au Conseil des administrateurs de la Banque mondiale en 2021. La construction du BRT devrait ensuite commencer en 2022.

Pour continuer la visite des corridors du BRT : https://youvis.it/kjT8MP.

Avec les contributions de Franck Taillandier (TTL) et Bontje Zaengerling (Co-TTL).


  • – Texte initialement publié sur la page des blogs de la Banque mondiale
  • – Eulalie Saïsset est analyste des transports;
  • – Benjamin Fouchard est spécialiste senior des transports urbains;
  • – Aiga Stokenberga est économiste des transports.