Cameroun: «Bienvenu o Kwatt» de Valéry Ndongo, quelques extraits!

Le jeune comédien présente son nouveau spectacle ce mercredi 12 mai au CCF de Yaoundé

Le spectacle est un riche mélange de couleurs d’odeurs et de sons que la pièce traduit harmonieusement par des dialogues très percutants. C’est sans doute ce qui a séduit la metteur en scène Sonia Ristic pour qu’elle décide de se mettre à son service. Il s’agit pour elle de lui apporter dans un premier temps un regard de dramaturge pour l’aider à creuser son propos, à finir de construire son texte, avant d’être l’ il extérieur dans la finalisation du spectacle et la direction d’acteur, dira-t-elle. Une fois le texte construit, Bienvenu o Kwatt est un régal de sens.

Dans cette représentation d’environ une heure et trente minutes, Valéry invite le spectateur en balade dans son quartier de Yaoundé, le Kwatt. Il commence exactement là où s’arrête son dernier spectacle. Avec toujours la même langue satirique et imagée, bourrée de «camfranglais», il peint le décor d’un Cameroun urbain d’aujourd’hui. L’ambiance est restituée à travers le son et la lumière. La nuit d’une ville africaine, des guirlandes lumineuses pour un air de fête de tous les jours. Et le son, bourdonnement lointain d’un groupe électrogène, une télévision quelque part diffusant les dialogues d’une série insipide. Des voix de femmes se chamaillant, petite rumba désuète ou gros son de coupé-décalé d’une boîte de nuit. Au Kwatt, des personnages hauts en couleurs se succèdent, marabouts, femmes jalouses, jeunes dés uvrés qui rêvent de Mbeng (Paris). Au Kwatt, il y a aussi «les Blancs», européens en quête d’exotisme. Avec drôlerie et tendresse, Valéry Ndongo explore les rapports entre Noirs et Blancs, Africains et Européens, leurs histoires d’amour, d’amitié et de business.

Extraits
Je connais une blanche qui a passé environ six mois au Kamèr; cette fille m’a wanda! Un jour, elle me demande de l’accompagner à l’artisanat. Elle voulait acheter des masques «africains». C’est le standard. Un blanc en Afrique ça achète toujours des masques, et un noir en France ça se filme toujours devant la Tour Eiffel. Mais quand même, les blancs me wanda sur cette affaire de masques. C’est-à-dire ces gars t’achètent de ces masques, d’une laideur, le genre de truc, on me donne ça pour rien, je dis «va avec». Mais eux, ils apprécient ça; plus c’est ancien, moche et laid, plus ils adorent.

Ah les blancs! Voilà de vrais gars. On s’entend bien, hein! Le seul problème, c’est que les blancs qui viennent au Kwatt ne sont plus ce qu’ils étaient. Ces gars discutent les prix comme les noirs. Ce qui est bien, c’est la volonté d’intégration. La première chose qu’un blanc intègre en arrivant au Kamèr, c’est l’art de discuter les prix. Les premiers jours, le gars est mboutoukou grave, le genre qui n’est plus bon ; il se fait avoir à tous les coups. Sauf qu’à force de trainer avec les Kamèrs, les gars se mettent à maîtriser les prix et à te discuter ces prix avec une telle maîtrise que même les Kamèrs disent aux gars: Respect!

Valéry Ndongo, mort de rire

En résumé
Valéry Ndongo met le doigt sur ces histoires qui font mal et que l’on préfère aborder sous un angle humoristique. Un peu comme le faisaient les aînées Essindi Mindja ou encore Jean Michel Kakan et autres Kwakam Narcisse. Ceux qui veulent libérer l’angoisse qui les tient par la gorge sont bienvenus au Kwatt. Dans sa prestation Valéry évolue en interaction avec son public et n’a de cesse de jouer le jeu tellement la satire est prenante avec ces histoires qui font partie de notre quotidien. Pour paraphraser les critiques l’humour permet d’interroger l’histoire, de gratter la plaie tout en soufflant dessus, sans jamais verser dans un discours revanchard. Le show de Valéry est un spectacle sur la difficulté d’appréhender l’Autre dans sa différence, sur la complexité de ces rapports issus d’un passé colonial. C’est aussi un spectacle sur l’éblouissement de la rencontre, quel que soit le contexte. C’est surtout un spectacle drôle. Il a été mis sur pied dans le cadre de l’association Africa Stand Up. Car, il y avait un réel besoin des humoristes de disposer d’un espace d’expression professionnel afin de proposer au grand public un nouveau modèle de show inspiré du stand-up américain. C’est chose faite, Ya quoi tonton? Ya rien, c’est juste l’homme qui a peur.