Gabon: la Cour constitutionnelle refuse la venue d’experts de l’UA

L’Union africaine, en contact avec Libreville pour envoyer ses spécialistes, n’aura finalement pas de droit de regard sur le processus qui statuera sur la validation ou non de l’élection d’Ali Bongo

Au Gabon, la Cour constitutionnelle rendra vendredi 23 septembre au plus tard son verdict sur la validation ou non de la réélection contestée du président Ali Bongo. L’opposition demande la mise en place d’une commission d’experts pour surveiller le recomptage des procès-verbaux du Haut-Ogooué, la province où Ali Bongo a obtenu 95 % des votes et arraché sa victoire. Le camp de Jean Ping espérait d’ailleurs la venue de juristes de l’Union africaine. L’UA, qui était en contact avec Libreville pour envoyer ses spécialistes, n’aura finalement pas de droit de regard sur le processus.

« Les juges de la Cour constitutionnelle rendent leur verdict au nom du peuple. Ils prêtent serment. Ce que ne font pas les juristes de l’Union africaine », assure un représentant de l’institution pour expliquer le refus d’un droit de regard de l’Union africaine sur le processus en cours. Il ajoute même qu’il n’y aura pas de recomptage des procès-verbaux, mais un contrôle de leur régularité. « Un travail pour lequel la venue d’experts de l’UA n’est pas nécessaire », précise-t-il.

L’Union africaine explique, de son côté, que des notes avaient été envoyées à Libreville pour expliquer le travail de ses juristes. Sans succès. « La Cour ne veut pas de notre équipe », confie un représentant du département Paix et sécurité.

L’opposition ne se formalise pas. Jean-Rémy Bantsantsa, un des avocats de Jean Ping, estime que l’important est qu’une commission d’experts représentant les deux parties puisse suivre le recomptage des voix du Haut-Ogooué. Mais l’avocat s’inquiète tout de même. La procédure n’en est qu’à l’échange de courriers entre chaque camp, avec arguments et contre-arguments.

Le pouvoir, lui, est d’accord pour le recomptage des voix, mais pas pour cette commission. Me Francis Nkéa, un des avocats d’Ali Bongo, se dit serein. Selon lui, la Cour est le médecin de l’élection. Elle doit désinfecter tout ce qui pollue et annuler les PV irréguliers. Des irrégularités dont l’opposition serait coupable un peu partout dans le pays, dit-il.

D’ici vendredi, le juge rapporteur doit présenter ses conclusions en audience publique, avant le verdict final.

Appel au dialogue
De son côté, Ali Bongo propose à Jean Ping d’ouvrir un dialogue. Proposition faite mardi soir à la télévision nationale par la voix du porte-parole du gouvernement, Alain Claude Bilie By Nze. Mais le cadre de ce dialogue, si l’opposition l’accepte, reste à définir. Interrogé par RFI, Alain Claude Bilie By Nze estime que l’important est déjà d’apaiser les tensions.

La Cour constitutionnelle du Gabon ne veut pas de l’aide de l’Union africaine dans le processus.
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Gabon: le recours devant la Cour constitutionnelle déposé par Jean Ping

Il demande un recompte des voix bureau de vote par bureau de vote pour la province du Haut-Ogooué, en présence des observateurs internationaux et en présence des représentants des candidats

L’opposant Jean Ping a déposé jeudi, 8 septembre 2016, un recours devant la Cour constitutionnelle du Gabon. Huit jours après la proclamation des résultats de la présidentielle, l’opposition conteste toujours la réélection annoncée d’Ali Bongo et notamment les résultats dans la province du Haut-Ogooué, où le chef de l’Etat sortant est crédité de plus de 95 % des voix avec une participation proche de 100 %. Une décision qui a été difficile à prendre.

Depuis plusieurs jours, la décision de saisir la Cour constitutionnelle a provoqué des débats au sein de la coalition. Il faut savoir que l’institution est décriée par l’opposition. De nombreux militants la jugent «inféodée à la présidence». Elle est même surnommée «la Tour de Pise» car, dit-on, elle pencherait toujours du même côté, celui du pouvoir.

Les neuf juges sont nommés par le président du Sénat, par celui de l’Assemblée et par le chef de l’Etat lui-même. La présidente de la Cour, Marie-Madeleine Mborantsuo, est la belle-mère du chef de l’Etat. D’où ce problème de confiance.

D’un point de vue purement politique, l’opposition sait qu’en faisant ce choix, elle prend des risques. Si la Cour la déboute et confirme la victoire d’Ali Bongo, l’opposition pourrait se retrouver comme «liée» par cette décision de la plus haute instance juridique du pays et la base risque alors de lui reprocher sa naïveté.

«On sait d’avance qu’y aller c’est se condamner, mais si on n’y va pas, on va nous reprocher d’être des va-t-en-guerre», soulignait mercredi l’un des leaders de l’opposition. «Voilà pourquoi nous continuons à demander un recompte des voix bureau de vote par bureau de vote pour la province du Haut-Ogooué en présence des observateurs internationaux et en présence des représentants des candidats afin que les procès-verbaux de résultats soient confrontés et authentifiés avant d’être comptabilisés».

C’est d’ailleurs ce que demande Jean Ping dans sa requête. «Une requête en reformation qui permet à une autorité supérieure de faire disparaître une décision prise par une autorité inférieure tout en lui substituant sa propre décision», peut-on lire dans le communiqué qui a été publié jeudi soir.

Les raisons du recours
Déposer ces recours, cela a deux principaux avantages : d’abord un refus aurait été difficile à justifier auprès de la communauté internationale, qui demande à ce qu’on utilise les voies légales de recours. «Nous ne pouvons pas prendre le risque de ne pas être compris, surtout à l’extérieur», affirmait mercredi un proche de Jean Ping qui expliquait : «Nous savons bien qu’en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis, épuiser les voies de recours, c’est quelque chose de naturel».

Deuxième argument qui a sans doute fait pencher la balance : la Cour dispose d’un délai de 15 jours pour vider le contentieux et proclamer les résultats définitifs. Cela donne un délai aux médiations… Une chance à la négociation et l’opposition espère «que la pression internationale pourra se fair» pour un examen équitable des recours.

Une mission de l’UA reportée
Une mission de haut niveau de l’Union africaine conduite par Idriss Déby était annoncée jeudi à Libreville. Elle a été reportée sine die selon le ministre gabonais des Affaires étrangères, qui l’a annoncé jeudi après-midi lors d’une conférence de presse. Raison invoquée : des questions d’agenda des chefs d’Etat.

Le Nigérien Issoufou, le Congolais Sassou-Nguesso, l’équato-guinéen Obiang Nguéma et peut-être le Sénégalais Macky Sall devaient accompagner Idriss Déby, tout comme les présidents du Kenya et de Namibie. Selon une source diplomatique, le mandat de la mission a également posé des problèmes : simple mission d’apaisement ou véritable médiation ? La question n’était pas tranchée. D’où peut-être aussi ce report sine die.

Comme l’analyse un diplomate de la région, Idriss Déby attendait un message fort d’acceptation de sa mission. L’assurance que l’opposition utiliserait les voies de recours légales mais surtout que les deux parties, pouvoir et opposition, seraient prêtes à dialoguer, qu’il y ait véritablement besoin d’un facilitateur. Ce signal visiblement n’est pas encore arrivé.

Restent à Libreville le Mauritanien Ahmedou Ould Abdallah, représentant de l’organisation de la Francophonie, Abdoulaye Bathily, le représentant de Ban Ki-moon en Afrique centrale et le diplomate algérien Smaïl Chergui, commissaire paix et sécurité de l’Union africaine, qui promet que la venue des chefs d’Etats est toujours à l’ordre du jour, simplement reportée et non pas enterée. Ces trois hommes vont-ils jouer un rôle en vue d’une solution politique ? Le peuvent-ils ? La question restait entière jeudi soir.


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