Nouvelle lettre ouverte à Paul Biya, président de la République du Cameroun

Par Enoh Meyomesse

Monsieur le Président de la République,
Je me permets une seconde fois de vous adresser une lettre ouverte pour me plaindre de nouveau de la persécution dont je continue à être l’objet de la part d’une poignée d’individus, ennemis de la justice et de la démocratie, qui figurent dans votre gouvernement.

J’ai été condamné, à tort naturellement, sur la forte pression de ces personnes, à une peine de quarante mois (40) d’emprisonnement ferme, pour «recel aggravé», par la Cour d’Appel du Centre, le 16 avril 2015, alors que cette accusation avait déjà été disqualifiée par le juge d’instruction – juge à part entière au même titre que les juges de jugement – trois années auparavant. Il s’est ainsi agi d’un joker que conservait lâchement dans la poche le ministère public, afin de contrer, le moment venu, l’acquittement évident qui devait clôturer mon procès.

Ayant été arrêté à l’aéroport de Nsimalen le 22 novembre 2011, à ma descente d’avion en provenance de Singapour via Bangkok et Nairobi, la peine de quarante mois (40), qui venait de m’être infligée, a ainsi pris fin le samedi 22 mars 2015, soit il y a un long mois. En toute logique, je ne devais plus retourner en prison que pour faire mes bagages, et non plus y passer une seule nuit.

Actuellement, malheureusement, à la date du lundi 27 avril 2015, soit onze (42) longs jours après ma date de libération, et je continue à me trouver toujours en détention.

A supposer même que la date prise en considération par la justice camerounaise soit celle de mon arrivée à la Prison Centrale de Kondengui, à savoir le 22 décembre 2011, ma peine a également dans ce cas pris fin le mercredi 22 avril 2015. Je me retrouve par conséquent dans cette hypothèse à plus de cinq longs jours après ma libération par la Cour d’Appel du Centre, toujours en prison.

Monsieur le Président de la République, une fois de plus je viens solliciter votre haute intervention pour que je puisse enfin recouvrer ma liberté, quarante mois à Kondengui, vous ne pouvez savoir ce que c’est pour un être humain. Votre vie s’arrête.

Dans cette attente, Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de ma très haute considération.

Enoh Meyomesse
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Enoh Meyomesse effectivement libéré

L’écrivain camerounais a quitté le pénitencier de Kondengui lundi après-midi. Un peu plus tôt, il avait adressé une lettre au Président de la République

Enoh Meyomesse a effectivement quitté sa cellule de la prison centrale de Yaoundé à Kondengui, lundi dans l’après-midi. C’est un homme heureux et souriant qu’on a vu, dans ses traditionnelles lunettes, une chemise blanche avec des manches retroussées sur un pantalon de couleur noire.

«C’est une émotion qui n’a pas de nom!», s’est exclamé l’écrivain et historien camerounais, fier de ressentir l’air de la liberté.

Le 17 avril dernier, Enoh Meyomesse avait été condamné à 40 mois d’emprisonnement pour «recel aggravé» dans une affaire de vente illicite d’or. La condamnation correspondait au temps qu’il avait déjà passé en détention, ce qui le prédisposait donc à sortir de prison. Le chef d’inculpation pour lequel il était condamné, fruit de la requalification des faits sur les chefs de «complicité de vol aggravé et revente illicite d’or», avait d’ailleurs été contesté par ses avocats. Ces derniers rappelant que le juge d’instruction avait rejeté trois ans plus tôt l’accusation de «recel aggravé». Enoh Meyomesse et ses conseils espéraient ainsi un acquittement pur et simple.

Après une dizaine de jours, las d’attendre le mandat de levée d’écrou, Enoh Meyomesse avait commencé à douter de sa libération effective. En témoigne cette lettre adressée par voie de presse au président de la République et au ministre de la Justice ce lundi en matinée. L’écrivain et historien se plaignait notamment de «persécution» «de la part d’une poignée d’individus, ennemis de la justice et de la démocratie» au sein du «gouvernement».

«Vous m’avez beaucoup aidé vous la presse», a témoigné Enoh Meyomesse lundi après-midi à sa sortie de prison. Il a ainsi expliqué que c’est la médiatisation de son affaire qui a permis qu’il soit transféré de Bertoua pour Yaoundé, et la presse qui a beaucoup aidé dans l’issue de son affaire. «Je n’ai passé qu’un an au Tribunal militaire là où d’autres passent quatre ans avant d’être jugé», a-t-il illustré.

Et les combats à venir semblent déjà tracés pour cet homme critique contre le régime de Yaoundé. «La lutte politique pour la démocratie, la justice, la liberté. J’ai passé 40 mois là dedans (au pénitencier de Kondengui, ndlr), ce n’est pas maintenant que je vais reculer», promet-il.

Enoh Meyomesse avait été arrêté le 22 novembre 2011 à l’aéroport international de Nsimalen, à Yaoundé, alors qu’il rentrait d’un déplacement à Singapour. Le 27 décembre 2012, après avoir passé 13 mois en prison, il avait été condamné à une peine de sept ans de prison et une peine d’amende de 200 000 CFA pour «complicité de vol aggravé et de revente illicite d’or». Trois autres personnes jugées avec lui avaient été condamnées à des peines allant de deux à neuf ans de prison. L’écrivain a toujours contesté les faits qui lui sont reprochés.

Le 17 avril 2015, après 24 renvois, 40 mois et 15 jours passés en détention, Enoh Meyomesse était condamné par la cour d’appel du Centre, à une peine de 40 mois d’emprisonnement pour «recel aggravé». Concrètement, cela signifiait la remise en liberté puisque la peine prononcée correspondait au temps déjà mis en prison. Quarante mois à Kondengui, vous ne pouvez savoir ce que c’est pour un être humain. Votre vie s’arrête», se plaignait-il encore ce lundi matin dans la lettre adressée au président de la République pour bénéficier de sa libération.


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Requalification des faits dans l’affaire Enoh Meyomesse

Initialement poursuivi par le tribunal militaire pour «complicité de vol aggravé et de vente illégale d’or», l’historien va désormais répondre des faits de «recel aggravé». Verdict le 14 avril

Enoh Meyomesse était de nouveau devant le juge le 30 mars dernier, pour l’examen de l’appel de la condamnation prononcée à son endroit en instance le 27 décembre 2012. Dans le cadre de du 24ème renvoi de l’affaire devant la cour d’appel du centre, on aura assisté essentiellement à une requalification des faits.

Initialement condamné par le tribunal militaire pour «complicité de vol aggravé et de revente illicite d’or», Enoh Meyomesse va désormais répondre des faits de «recel aggravé».

La requalification des faits, après les plaidoiries des avocats d’Enoh Meyomesse qui ont démonté les accusations de «complicité de vol aggravé» et de «revente illicite d’or», a été acceptée par le président de la cour d’appel du Centre, le juge Gilbert Schlick.

Les conseils de Enoh Meyomesse ont tenu également à indiquer qu’il s’agissait d’un procès «politique» contre leur client. L’audience a été renvoyée au 14 avril prochain pour le verdict.

Pour rappel, le 27 décembre 2012, après avoir passé 13 mois en prison, Enoh Meyomesse avait été condamné à une peine de sept ans de prison et une peine d’amende de 200 000 CFA pour complicité de vol à main armée et de revente illicite d’or. Trois autres personnes jugées avec lui avaient été condamnées à des peines allant de deux à neuf ans de prison. Son arrestation avait eu lieu le 22 novembre 2011 à l’aéroport international de Nsimalen, à Yaoundé, alors qu’il rentrait d’un déplacement à Singapour.


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