Présidentielle au Congo-Brazzaville: dans l’attente des résultats du 1er tour

Au Congo-Brazzaville, les électeurs étaient appelés à voter au 1er tour de la présidentielle. Le président sortant, Denis Sassou-Nguesso, qui cumule 32 ans au pouvoir, affronte huit candidats

Dans le bureau de vote Angola-libre, le dépouillement s’est fait dans la vigilance. Vigilance de la part de la population d’abord. Dans cette école, une centaine de personnes était massée pour vérifier que tout se passait bien, dans une ambiance bon enfant, certains regardant même par la fenêtre du bureau de vote avec, à la main, un stylo pour faire leur propre décompte.

Il y avait des représentants des différents candidats même si tous n’avaient pas envoyé de délégué. Vigilance de la part des forces de l’ordre aussi ici, qui ont été déployées en nombre toute la journée à Brazzaville pour vérifier notamment que seuls les véhicules accrédités circulaient. La tension est un peu montée d’un cran ce soir.

La police anti-émeute congolaise a dispersé à coup de grenades lacrymogènes près de 200 personnes rassemblées autour d’un bureau de vote du sud de Brazzaville qui insistaient pour entrer afin d’assister de près au dépouillement des urnes. Vers 18h30 heure locale, plusieurs dizaines de policiers lourdement armés ont tiré une dizaine de grenades lacrymogènes et pourchassé brièvement ces jeunes partisans du candidat d’opposition Guy-Brice Parfait Kolélas, surexcités, qui ont entonné des chansons à la gloire de leur leader jusqu’à ce qu’ils évacuent les lieux.

A l’heure actuelle, la situation est redevenue calme. Des véhicules blindés avec canons à eau sont positionnés. Toute la journée d’ailleurs, dans les quartiers où se trouvait l’envoyée spéciale de RFI, la population a voté dans la sérénité, il y avait du monde dans les bureaux de vote, plus que lors des précédentes présidentielles; beaucoup de jeunes, certains votaient pour la première fois. Il faut préciser tout de même que toutes les communications étaient coupées et le seront encore jusqu’à demain. Il est donc pour le moment très difficile de savoir, depuis Brazzaville, comment s’est déroulé le scrutin, dans les autres villes, dans l’intérieur du pays.

Reportage: les candidats au 1er tour de la présidentielle ont voté

11h15 à l’école des Beaux-arts. Le président sortant se fraye un chemin parmi les électeurs. Il prend le temps de serrer quelques mains, puis glisse son bulletin dans l’urne sous l’ il de plusieurs diplomates. A la sortie du bureau de vote, il ne prononce pas un mot sur la coupure des communications décrétée dans le pays.

« Si, jusqu’à cette heure je n’ai pas entendu parler d’incidents, c’est que le vote se déroule bien, dans le calme et la paix. Puis, la CNEI (Commission nationale des élections officielle) donnera des résultats qui seront acceptés par tous les démocrates. La démocratie est en marche », a déclaré Denis Sassou-Nguesso.

«Je ne sais pas ce qu’il se passe!»

Une demi-heure plus tôt à l’école de la Poste de Poto-Poto à Brazzaville, le général Jean-Marie Michel Mokoko a dressé un tout autre constat: « Je ne sais pas ce qu’il se passe ! On n’a pas de téléphone, on n’a pas d’Internet, comment voulez-vous qu’on ait le retour. Vous trouvez normal dans un pays comme le nôtre qu’on coupe le téléphone, car c’est le seul moyen pour nous de savoir ce qu’il se passe à l’intérieur du pays. »

L’opposant au pouvoir a poursuivi: « Mais je vais quand même voter pour avoir le droit de dire mon mot à la fin lorsque nous allons voir comment les résultats vont être comptabilisés. »

Finalement devant l’affluence le général promet de revenir plus tard, ne voulant « pas griller la politesse à ceux qui attendent depuis 7 heures ». Et le voilà qui se faufile dans son 4×4 aux vitres fumées.


REUTERS/Roch Bouka)/n

Les Congolais aux urnes pour une présidentielle sans télécommunications

Neuf candidats sont en lice pour ce premier tour de l’élection présidentielle, dont le président sortant Denis Sassou-Nguesso et le général Jean-Marie Michel Mokoko

A 7 heures ce matin, les votants ne s’étaient pas encore déplacés dans ce bureau de vote située dans l’école primaire de La Poste dans le quartier de Poto-Poto à Brazzaville. Le responsable n’était lui-même pas encore arrivé. Sur le trottoir, le panneau avec la liste des électeurs faisait état de 953 inscrits dans cet établissement.

Les jours d’élection est ce qu’on appelle «journée ville morte» au Congo. Seuls les véhicules dûment accrédités circulent. Mais cette fois, c’est un peu plus vrai que d’habitude puisque les autorités ont décidé un black-out sur les communications depuis une heure du matin environ, et cela devrait durer jusque demain soir. Ni accès à Internet, ni téléphone, à l’exception d’une liste de numéros triés sur le volet.

La plupart des habitants de ce quartier approuvent cette mesure. « On peut se sacrifier un jour ou deux. Il faut arrêter les rumeurs. Il ne faut pas que certains se mettent à célébrer la victoire de leur candidat dans leur coin et que cela trouble le pays », a estimé un habitant. A sa droite, un de ses amis a résumé l’état d’esprit: « Si le chef en a décidé ainsi, c’est que c’est une bonne mesure. »

«On se sent comme des prisonniers»

Dans un quartier voisin, à l’école des Trois francs de Bacongo, les électeurs sont plus nuancés. « On se sent comme des prisonniers », ont répété plusieurs jeunes. Un autre a précisé: « Une élection doit être un moment d’expression libre, pas un moment de restriction. »

Dans ce quartier du sud de Brazzaville, le vote a débuté avec une heure de retard en raison d’un problème d’affichage des listes électorales.

Des files d’attente se sont formées devant les trois petits bureaux de vote de cette école. Beaucoup de jeunes patientent: ils vont voter pour la première fois dans ce quartier réputé proche de l’opposition. L’un d’eux s’est confié à RFI: « Cette fois, il y a des candidats sérieux face au président sortant et cela m’a motivé pour aller voter. »

Des élections plus ouvertes que les précédentes?

De leurs côtés, les observateurs jugent pourtant cette élection plus ouverte que les précédentes dans la mesure où, contrairement aux deux dernières élections présidentielles, l’opposition a décidé de jouer le jeu.

Mais contrairement aussi à octobre dernier: la campagne qui avait précédé le référendum constitutionnel – qui permet aujourd’hui à Denis Sassou-Nguesso de se représenter -, avait été émaillée de violences et l’opposition avait boycotté le scrutin. Or cette campagne-ci s’est déroulée globalement dans le calme.

Le contraste entre les deux scrutins est d’ailleurs frappant. En cause : lors du référendum, les bureaux de vote étaient restés déserts et certains n’avaient même pas ouvert, faute d’assesseurs. Cette fois donc, neuf candidats sont en lice. L’un d’entre eux doit d’ailleurs voter ce matin à 10 heures dans ce bureau de vote. Il s’agit du général Jean-Marie Michel Mokoko. Ce dernier fait d’ailleurs partie des cinq candidats de l’opposition qui se sont engagés à se ranger derrière celui qui arriverait en tête.


© RFI/ Manu Pochez)/n

Polémique sur les observateurs

N’ayant aucune confiance dans la Commission nationale électorale indépendante (CNEI) chargée de publier les résultats, ces cinq candidats du pacte anti-Sassou ont créé une «commission technique» parallèle pour surveiller le scrutin.

L’opposition, qui compte avoir des délégués dans chaque bureau du pays, voulait y photographier à l’aide de téléphones portables les procès-verbaux afin de compiler ses propres résultats et de pourvoir les comparer à ceux publiés au niveau national. La coupure des communications pourrait sérieusement limiter sa capacité à le faire.

Par ailleurs, jugeant que les conditions pour un scrutin transparent et démocratique ne sont pas réunies, l’Union européenne a renoncé à missionner des observateurs électoraux. L’Union africaine, elle, en revanche, a répondu présente. Mais l’essentiel des observateurs accrédités seront issus de diverses organisations de la société civile congolaise, bien que trois associations de poids manquent à l’appel.


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