Auteure du documentaire «le miroir de mon âme», handicapée moteur, elle voudrait redonner confiance aux personnes vivant avec un handicap
C’est quoi le concept Esthétique & Handicap ?
Esthétique & Handicap ou la réconciliation d’un couple antinomique ; ou encore la révélation d’une histoire d’amour entre deux notions qui, ensemble à priori, viennent troubler le bon ordre des choses dans l’inconscient collectif. Oui, j’ai envie de dire qu’on peut être handicapé et beau ; et vis-versa. Et en creusant juste un peu plus, je dirais même qu’au-delà de la plastique, de la superficie, il y a la beauté de l’être, une beauté intérieure. J’ai envie de révéler toutes ces beautés au regard de ceux qui ont la beauté dans leurs propres yeux!
D’où vous est venue cette idée ?
Entre 2005 et 2007, j’ai dirigé plusieurs projets artistiques pluridisciplinaires et cette idée s’est imposée à moi en quelques sortes au cours de mon parcours. Il n’est pas superflu de mentionner, pour ceux qui ne me connaissent pas, que je suis moi-même une femme handicapée ; j’ai eu à croiser certains regards troublés à la vue de l’épanouissement, du bien-être, de la beauté qui se dégagent en moi. Leur trouble était probablement dû au fait que l’image de la femme handicapée dans leur inconscient ne correspondait pas avec ma réalité : celle d’une belle femme dynamique, rêveuse, heureuse… Un jour, j’ai rencontré un homme lors d’une exposition de photo à Paris ; nous avons eu un échange intéressant pendant plus d’une heure ; il n’arrivait pas à concevoir qu’une personne avec un handicap quelconque pouvait être épanouie. A la fin de notre discussion, il a osé me demander : Vous n’allez tout de même pas me dire que vous êtes heureuse dans votre vie ! D’où la nécessité pour moi de sensibiliser, d’éduquer le public sur ce sujet.
Vous avez réalisé un film documentaire de 52 minutes à ce sujet. Est-ce que vous pouvez nous le présenter?
L’histoire de ce film documentaire est tissée autour de 4 parcours de vie : des modèles en situation de handicap qui ont su trouver un équilibre entre leur handicap et la société dans laquelle ils évoluent ; des modèles qui croquent la vie à pleines dents. Ce film plonge le spectateur au c ur de la philosophie du concept Esthétique & Handicap où les maîtres mots sont corps, bien-être, beauté, acceptation, dépassement de soi. Il rend compte que le regard porté sur les personnes en situation de handicap est quelques fois plus lourd à supporter que le handicap lui-même. Son objectif est de modifier les perceptions sociales sur les personnes handicapées.
Le film est intitulé « Le miroir de mon âme ». Est-ce un film autobiographique?
Absolument pas. Bien que je sois l’un des quatre modèles du film, j’ai tout de même conservé un rôle en peu en retrait ; un rôle d’accoucheur de mots ; je suis là sans être là. J’accompagne plutôt les autres modèles dans leur volonté d’exprimer leur liberté d’expression, leurs rêves, leurs doutes, leurs envies. Pour revenir au titre du film, je dirais qu’il est chargé d’une forte connotation symbolique et renvoie incontestablement à la réflexion : Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle… Lorsqu’on regarde dans un miroir, que voit ? Notre reflet, nos limites et nos peurs ? Ou alors la société et ses réalités?
Dans ce film, vous exhortez les handicapés à transcender leur situation grâce à un dépassement de soi. Qu’est-ce que vous leur demandez de faire concrètement pour surmonter leur handicap?
Je n’ai pas de leçon à donner aux personnes pour surmonter leurs handicaps car, les situations de handicap sont diverses et variées ; et beaucoup de paramètres sont à prendre en compte dans le processus d’acceptation et de dépassement de soi. Ceci dit, l’entourage est assez déterminant dans la bonne gestion du handicap ; et la société par ricochet. Je n’ai pas de recette magique, mais mon idée est d’investir le champ de la communication visuelle pour introduire un nouveau type de modèle capable d’inspirer aussi bien les personnes handicapées que les personnes dites valides. Et j’ai besoin des entreprises qui croient à ce concept, des entreprises citoyennes prêtes à relever le challenge et à accepter d’avoir pour égérie, ambassadeur un modèle en situation de handicap.

Parlez-nous un peu de vous, notamment votre parcours professionnel
Camerounaise issue d’une famille de 12 enfants dont je suis la 7ème, je suis partie du pays en 1996 pour des raisons sanitaires. J’ai un parcours professionnel plutôt atypique car après des études en langue littérature et civilisation anglaise, j’ai fait une spécialisation en e-Business. J’ai commencé ma carrière en 2004 au service du Marketing Direct dans une société parisienne organisatrice de salons professionnels. Je me suis ensuite occupée de la direction artistique d’une association que j’ai créée en 2005. J’ai rejoins le pôle Brand Consulting d’une agence de communication internationale en région parisienne fin 2008. J’ai quitté cette société pour créer ma propre agence E&H Lab en Juin 2011.
Est-ce qu’on peut avoir une idée de votre agenda, notamment des villes où vous allez projeter ?
Je reviens de Vienne, en Autriche où j’ai reçu un prix exceptionnel « Architecte du Futur » pour le concept Esthétique & Handicap. C’est un prix décerné aux entrepreneurs sociaux qui se battent pour un monde meilleur. Ce mois de Juin, je serai à Aix-en-Provence pour présenter Miroir de mon âme lors d’une campagne de sensibilisation en interne dans un groupe français ; je serais également à Weimar en Allemagne pour un festival « Regenbogenfest ».
Racontez-nous le Cameroun que vous connaissez
Insouciance, amour, plénitude, éclats de rire, bonheur, famille, amis, village, tantes, oncles, mangues, goyave, papaye mon papayer, contes au clair de la lune, Mamadou et Binéta, Retour au pays natal, marcher sous la pluie, soleil après la pluie, odeurs de la terre. c’est le Cameroun de mon enfance, mon beau pays.

Deza Nguembock)/n