Le président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguie Djibril a instruit que soit rendu compte de la situation de cette dotation
Le président Cavaye Yeguie Djibril de l’assemblée nationale camerounaise a demandé que lui soit rendu compte de l’utilisation faite par les députés, des fonds remis à eux dans le cadre du soutien aux microprojets. Une correspondance datée du 11 mars, portant sur « le rapport d’exécution des microprojets parlementaires 2010 », est ainsi affiché au parlement à Ngoa-Ekellé, et à l’hôtel des députés où descendent la majorité des députés pendant les sessions parlementaires. La note demande aux députés, de bien vouloir déposer les rapports d’exécution des microprojets parlementaires de l’exercice 2010, aux cabinets des questeurs de l’Assemblée nationale au plus tard le mercredi 16 mars 2011. Ces rapports apprend-on aussi, devraient permettre l’engagement des procédures en vue de la mise à disposition des députés de l’enveloppe allouée aux microprojets de l’exercice 2011 et le contrôle de l’exercice 2010. Il est difficile de savoir si la mesure a été suivie par les députés. Les questeurs qui ont la responsabilité d’assurer la récupération de ces rapports se refusent à tout commentaire sur le sujet. Nous ne souhaitons pas discuter des choses qui relèvent de la cuisine interne stricte du parlement ; s’il y a des inquiétudes, nous les réglons dans le cadre de l’assemblée nationale a confié et encore sous le couvert de l’anonymat, un des questeurs rencontrés dans les couloirs de l’assemblée nationale. Il existe très peu de transparence autour de cette question. Un autre député qui a accepté de parler sous couvert de l’anonymat lui aussi, a fait savoir que les attributions des sommes est très souvent automatique, et que le contrôle interne effectué sur leurs affectations relève plus de la routine que d’un véritable audit.
Peu de microprojets financés sont aujourd’hui identifiables
Sur le terrain pourtant, il est difficile de démontrer une utilisation pertinente faite de ces fonds par les parlementaires. Pourtant la question est toujours d’une importance capitale lors du vote de la loi des finances. Interrogés sur les origines de la pratique, un ancien député a fait savoir que l’idée des microprojets était de permettre au député, en tant que représentant du peuple, d’avoir des moyens pour subvenir aux petits besoins de sa population. Il était question qu’il ne soit pas obligé de toujours écrire au gouvernement et attendre que les fonds soient débloqués sur le budget d’investissement public pour résoudre des problèmes conjoncturels qui pourraient survenir. De nombreux observateurs s’interrogent sur la pertinence d’une telle disposition. Même les modérés estiment que le contrôle devrait être plus strict. Il s’agit de l’argent public et il devrait faire l’objet d’un audit aussi rigoureux que toutes les autres affectations d’argent effectuées à base des impôts, a fait savoir un expert en financement public. Pour d’autres observateurs plus radicaux, la mesure ne se justifie pas. La réalisation des microprojets visant à améliorer le sort des populations camerounaises est du ressort du gouvernement. Ce sont des actes qui sont inscrits dans le budget. Le rôle du député est d’étudier et de voter les lois. Lui allouer une certaine somme pour réaliser quelque projet que ce soit pour ses populations c’est en fait lui donner les moyens d’acheter les consciences des pauvres populations, l’autorisation de faire la promotion de son image avec l’argent du contribuable, c’est encourager la corruption, le vol, et la mal gouvernance faisait savoir en décembre 2010 Atangana Nsoe, président du parti Grand Cameroun.
Pour une annulation de la pratique ou tout au moins un contrôle rigoureux
Les députés reçoivent chaque année 8 millions de FCFA pour financer des microprojets. Cela fait 40 millions pour chaque député après chaque législature qui dure cinq années. La mesure disait-on devait permettre aux partis issus de l’opposition d’avoir des moyens de mener des actions fortes. On déplore cependant aujourd’hui, le fait qu’aucun contrôle rigoureux n’est mené sur cette dotation qui pourtant provient de l’argent du contribuable. Les seules sanctions jusqu’ici observées ont été politiques. On reproche aussi à la pratique le fait qu’elle viole le principe budgétaire de la séparation entre les ordonnateurs et les comptables. Le député a pour mission de voter les lois et de veiller à leur application. Il est le représentant du peuple à l’Assemblée nationale et joue un rôle particulier de contrôle de l’action gouvernementale. En effet, c’est au gouvernement qu’il revient d’exécuter des projets. La loi veut ainsi que tout argent sorti des caisses de l’Etat soit suivi d’un contrôle. Il existe au Cameroun au moins trois instances de contrôle de la dépense publique, le contrôle supérieur de l’Etat, la cour des comptes et les commissions du parlement. Aucune de ces instances ne s’est jamais penchée véritablement sur le sujet. En l’Etat actuel des choses, il apparait difficile de mettre un terme à la mesure. La note du président de l’assemblée nationale est de ce fait considérée comme une formalité. En 20 ans, aucun député n’a jamais été épinglé en raison d’un soupçon de détournement des fonds destinés aux microprojets. Plus grave même, les partis d’opposition émargent dans cette cagnotte tout en criant sincèrement à la corruption au sein de l’administration publique. Ironie du sort, les députés en décembre 2010 estimaient qu’il fallait augmenter cette enveloppe.
