Est-Cameroun: le combat contre la malnutrition gagne du terrain dans les camps de réfugiés

C’est le constat établi par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) grâce à des programmes déployés via des financements de la Commission de l’Union européenne

Maïmouna Aliou (22 ans) vit dans le camp de réfugiés centrafricains de Timangolo (Est-Cameroun) depuis environ un an. Elle y est arrivée en compagnie de son mari et de leurs deux enfants, respectivement âgés aujourd’hui de 05 et 03 ans, en provenance de Boda, au sud de la RCA, l’un des épicentres de la crise qui secoue ce pays depuis décembre 2013. La famille n’a pas pu arriver avec son bétail, une soixantaine de b ufs d’après les estimations de Maïmouna, à Timangolo, site déployé en mai 2014 et situé à 45Km de Gbiti, localité centrafricaine à la frontière avec le Cameroun.

La silhouette effilée, l’allure frêle, un poids de 43,6Kg supporté sur 1,50m de taille, Maïmouna sait que de nombreux programmes sont déployés pour les réfugiés dans les camps. Raison pour laquelle elle se rend ce jeudi dans un espace aménagé pour l’accueil des personnes malnutries en vue d’évaluer son état. Les réfugiés reconnus comme tels bénéficient d’une prise en charge gratuite et d’intrants nutritionnels. L’espace aménagé à Timangolo, constitué de grandes tentes suffisamment aérées, est tenu par du personnel de Fairmed, en attendant que le relais soit passé à Action contre la faim, nous explique-t-on.

«Votre état de santé est normal», lui informe Odile Alliance Mengue, une infirmière travaillant pour Fairmed après avoir pris ses paramètres. Cette fois, Maïmouna Aliou rentrera sans posologie ni prescription médicale.

La silhouette effilée, l’allure frêle, un poids de 43,6Kg supporté sur 1,50m de taille, Maïmouna sait que de nombreux programmes sont déployés pour les réfugiés dans les camps. Raison pour laquelle elle se rend ce jeudi dans un espace aménagé pour l’accueil des personnes malnutries en vue d’évaluer son état. Les réfugiés reconnus comme tels bénéficient d’une prise en charge gratuite et d’intrants nutritionnels. L’espace aménagé à Timangolo, constitué de grandes tentes suffisamment aérées, est tenu par du personnel de Fairmed, en attendant que le relais soit passé à Action contre la faim, nous explique-t-on.

«Votre état de santé est normal», lui informe Odile Alliance Mengue, une infirmière travaillant pour Fairmed après avoir pris ses paramètres. Cette fois, Maïmouna Aliou rentrera sans posologie ni prescription médicale.

«Plumpy sup»
Fortune différente pour la petite Fadimatou Djibrilla (4ans), qui arrive quelques minutes après Mme Aliou, accompagnée de sa s ur ainée, deux ans plus âgée qu’elle. Après la prise de ses paramètres (périmètre du bras, calcul poids-taille, entre autres), le diagnostic conclut à un cas de «malnutrition aigüe modérée».

Il lui est remis séance tenante, sous les soins de sa grande s ur: de l’Albendazole, un antiparasitaire ; de la vitamine A en comprimés ; ainsi que 15 sachets de «Plumpy Sup», une marque d’intrants nutritionnels destinés au traitement des cas de malnutrition aigüe modérée. Il est recommandé à Fadimatou de prendre un sachet par jour et de revenir effectuer la consultation après une quinzaine.

Maïmouna Aliou (g) en consultation au Centre nutritionnel de Timangolo a un état de santé normal, de l’avis de l’infirmière (d) de Fairmed
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Dans ce camp, comme à Gado-Badzere, Lolo et Mbile, la prise en charge des réfugiés pour des problèmes d’ordre nutritionnel est assurée par des partenaires de l’Unicef, bénéficiaire d’un financement de la Commission de l’Union européenne, étalé en principe sur la période juin 2014 – juin 2015. Le financement d’un montant de 500.000 Euros, comprend également un volet éducation.

A Timangolo, la prise en charge est organisée dans des centres nutritionnels. Il en existe deux types: Le Centre nutritionnel ambulatoire pour malnutris modérés ; le Centre nutritionnel ambulatoire pour malnutris sévères. Entre août 2014 et juin 2015, 126 réfugiés ont été pris en charge dans le premier Centre; et 40 dans le second.

«La cible est comprise entre 6 et 59 mois», confie une infirmière. Ce qui n’empêche pas toutefois de recevoir des réfugiés plus âgés, nuance-t-elle. Le personnel de Fairmed à Timangolo est constitué de 13 personnes dont huit assistants en soins et cinq infirmiers diplômés d’Etat.

L’Unicef dispose d’un magasin de stockage à Belabo (photo), à partir duquel les différents sites sont approvisionnés
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Les cas compliqués de malnutrition sont référés au Centre nutritionnel thérapeutique interne (CNTI), implanté dans la localité hôte. Les malnutris de Timangolo se rendent au CNTI de Kette (les deux localités sont séparées par environ 35 Km); tandis que ceux de Gado-Badzere sont référés au CNTI de Garoua Boulaï, à 25 Km du camp.

A Gado1, le centre nutritionnel est sous la responsabilité du personnel de la Croix-Rouge française. Fernande Kamwa, la logisticienne de cette organisation assure qu’elle dispose de quantités pouvant permettre de tenir pendant sept semaines. Dans le magasin qui est sous sa supervision, on retrouve des cartons d’huile, des sacs de céréales, des cartons de «Plumpy nut» (intrants nutritionnels pour des cas de malnutrition aigüe et sévère), des cartons de «Plumpy sup» (intrants nutritionnels pour malnutrition modérée).

Armel Koung Bial, le responsable de la logistique d’Unicef (au centre) présente des réserves de « Plumpy nut » entreposés au magasin de Belabo. Les sites n’ont pas encore connu de rupture de stocks
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«Félicitations!
Ici comme à Timangolo, les organismes chargés d’exécuter la prise en charge de la nutrition pour le compte de l’Unicef ne parlent pas encore de rupture de stocks.

«On ne peut pas vraiment se plaindre parce que lorsque les stocks s’épuisent, un seul coup de fil et toutes les équipes se déploient pour assurer le réapprovisionnement rapide», déclare la logisticienne de la Croix-Rouge française à Gado.

«Je n’ai rien à dire ici. Si je ne dis rien, c’est que vous faites du bon travail, félicitations!», s’exclame Keme Etame Rose, gestionnaire de programme au bureau Cameroun de la direction générale de l’aide humanitaire et de la protection civile de la Commission de l’Union européenne. C’est l’institution qui a octroyé le financement pour ce programme sur la période allant de juin 2014 à juin 2015. Rose s’est rendue sur le terrain avec une délégation de l’Unicef entre le 22 et le 26 juin afin d’évaluer les réalisations faites dans les camps de réfugiés.

Avant le programme, le taux de malnutrition dans le camp (celui de Gado1, ndlr) était de 40%. Aujourd’hui il est descendu à 9%, apprécie, M. Mahamat, le responsable du HCR sur ce site.

A Gado1, le taux de malnutrition est passé de 40% avant le programme à 9% aujourd’hui, selon le responsable du HCR sur le site
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Les réfugiés centrafricains se mettent à l’école en terre camerounaise

Depuis un an, les réfugiés situés dans les camps de la région de l’Est bénéficient d’activités éducatives mises en uvre par l’Unicef à travers des financements de l’UE. Des résultats palpables

«Bonjour monsieur!» salue un enfant à l’entrée d’une tente aux couleurs de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) à Gado Badzere 1, site de réfugiés centrafricains situé dans la région de l’Est-Cameroun, à 25km de Garoua-Boulaï, localité frontalière de la RCA, dans le département du Lom et Djerem. Il y en a aussi qui s’essayent à l’anglais. «Good morning!», dit un autre enfant que nous rencontrons sur notre chemin. «My name is. », et il réfléchit durant des dizaines de secondes, au moment de donner son nom, cherchant la fin de l’expression, qu’il ne trouvera pas.

A Gado 1, site qui compte plus de 10.000 réfugiés, la plupart des enfants, comme ceux qui saluent le reporter de Journalducameroun.com en cette matinée du 23 juin, vont à l’école depuis un an. Ceci grâce à des activités éducatives mises en uvre par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à travers des financements du service de la Commission européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile (ECHO). Les activités sont implémentées sur le terrain par PLAN, une ONG internationale partenaire de l’Unicef.

L’apprentissage à petits pas
«Au début les enfants étaient incapables de parler un seul mot de français», s’enthousiasme Philippe Goliké Madoukou face aux résultats enregistrés entre juin 2014 et juin 2015, année de mise en uvre du financement accordé par Echo: soit 500.000 Euros, attribués aux volets éducation et nutrition dans les camps de réfugiés centrafricains. Philippe fait partie de la vingtaine d’instituteurs titulaires du Capiemp (Certificat d’aptitude pédagogique des instituteurs des écoles maternelles et primaires), recrutés pour le programme.

A Gado, les activités sont organisées autour des ETAPEs (Espaces temporaires d’apprentissage et de protection). On retrouve ici deux types d’ETAPEs, celles liées à la protection (concernant les enfants en âge préscolaire: 2-5ans); et les ETAPEs éducation (pour les enfants en âge scolaire). Dans ce dernier cas, les jeunes réfugiés ont la possibilité de fréquenter de la Sil au Cours élémentaire II (CE2). Ils sont ensuite référés aux écoles publiques des localités environnantes, nous explique Augustin Kedai-Tao, le chef équipe Protection du HCR à Gado1.

Au sein des ETAPEs éducation, les réfugiés reçoivent tous les enseignements à l’exception de la géographie, détaille Philippe Goliké Madoukou. Le calendrier scolaire est aligné sur celui du système éducatif national. Actuellement en vacances, les enfants reprendront les cours en septembre. En termes d’effectif, renchérit l’instituteur, 989 personnes ont pris part aux compositions au cours de l’année 2014-2015, avec 654 admissions et 335 échecs.

Au sein des ETAPEs protection, les gosses ne vont pas véritablement en vacances. De lundi à mercredi, ils sont conviés à des activités de sensibilisation; et de jeudi à vendredi, ils prennent part à des activités récréatives (jardinage, couture, cuisine, etc.), le tout sous l’encadrement de six intervenants psycho-sociaux et 20 animateurs.

La participation est importante, explique Yacouba Diallo, l’un des animateurs rencontrés à Gado. Cependant, explique-t-il, il faudrait pouvoir retenir à l’avenir uniquement les enfants en âge préscolaire (2-5 ans). Actuellement, même les plus âgés prennent du plaisir à participer aux activités réservées aux plus petits.

Au sein des ETAPEs protection, les enfants réfugiés sont encadrés toute l’année, y compris pendant les vacances
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Des réfugiés contents de leur sort
Autre site, autre réalité. Nous nous rendons à Timangolo. Selon des données enregistrées par le HCR à la mi-juin 2015, près de 7000 réfugiés y sont recensés. Le camp de Timangolo est situé à l’Est, dans le département de la Kadey dont le chef-lieu est Batouri. Ici, 1353 élèves réfugiés ont été inscrits dans les ETAPEs pour la mise à niveau au cours de l’année scolaire 2014-2015. Seuls 916 d’entre eux ont suivi la formation jusqu’à la fin. Rassemblés dans une salle, certains parents d’élèves témoignent de l’impact des activités éducatives auprès d’une mission de l’Unicef et de la direction générale d’ECHO, venues s’enquérir sur l’usage fait des financements de la Commission de l’Union européenne.

Ça n’a pas été facile de suivre ces 916 enfants jusqu’au bout, renseigne Adamou Daoudou, le président du Coges (Comité de gestion des ESPACEs) de Timangolo. Au mois de mars de l’année en cours, une mine d’or a été découverte à environ 6 Km du camp. Les réfugiés l’ayant appris ont préféré aller y chercher quelques opportunités en délaissant l’école. «Les effectifs dans les ETAPEs avaient chuté à 300. Deux semaines après, on a pu remonter la pente et atteindre 900 après avoir discuté avec le sous-préfet de Kette», explique M. Daoudou.

Le sous-préfet de Kette, arrondissement auquel appartient Timangolo, a proscrit le travail des enfants réfugiés centrafricains dans la mine, grâce à un plaidoyer des parents et de l’Unicef.

Des instituteurs, titulaires du Capiemp, sont recrutés au sein des ETAPEs education. Ici, des instituteurs en poste à Gado1
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«Nous, en République centrafricaine, on n’avait pas fréquenté. Et aujourd’hui, avec la chance qu’on a eu d’arriver au Cameroun, nos enfants pourront faire ce qu’on n’a pas réalisé: faire les études», estime Ibrahim Nyiwa, un homme d’un âge respectable, assurant la vice-présidence du Comité de gestion des ESPACEs de Timangolo.

«Avant de venir au Cameroun, je ne savais pas qu’une fille pouvait faire des études et trouver un emploi convenable. En voyant des femmes qui travaillent ici à Timangolo – et elles sont nombreuses! – j’ai désormais plus de considération pour l’éducation de la fille, ajoute un autre réfugié, qui assure avoir inscrit toutes ses filles (une demi-dizaine d’après ce qu’il dit), dans les ETAPEs. La conversation s’effectue ici à l’aide d’un traducteur, les membres du Coges s’exprimant principalement en haoussa.

«C’est très important de donner la parole, la voix, à la communauté des femmes centrafricaines dans le camp», leur recommande Sabrina Avakian, chef du sous-bureau Unicef de Bertoua. Le camp de réfugiés de Timangolo bénéficie de 15 salles de classes pour les cours ; et de l’encadrement de 15 volontaires auxiliaires dont 12 dans les ETAPEs et trois dans le programme d’alphabétisation pour les parents, indique Charles Brice Nken, Education field officer de l’ONG Plan sur le site.

«Quel que soit le niveau d’ignorance de l’enfant ou du vieux ici, dans le camp, il aura accès à l’éducation», soutient un parent.

Du 29 juin au 20 août 2015, soit près de neuf semaines, Plan – qui est le partenaire d’exécution du projet Education pour l’Unicef dans les sites – annonce des séances spéciales pour la réinsertion des enfants déscolarisés ; et celles destinées à la préparation à l’entrée au primaire pour ceux qui ont rejoint les programmes en retard ou qui ne sont jamais allés à l’école. Ceci afin de permettre au plus grand nombre de démarrer la rentrée scolaire du bon côté en septembre.

Rose Etamé, la gestionnaire de programme du Bureau Cameroun de la DG ECHO, s’est entretenue avec les responsables des COGES, à Timangolo, le 25 juin 2015
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Matériel inadapté
Si les bénéficiaires du programme soulignent essentiellement des retombées positives, il n’en demeure pas moins des points susceptibles d’être améliorés. A Gado, camp qui compte quatre secteurs et 26 salles de classes, de nombreux bâtiments ont été élevés sur de la terre vierge, sans ciment. «Il faudrait que les enfants qui viennent propres puissent rentrer propres après les classes», relève un animateur.

Les instituteurs titulaires du Capiemp souhaitent pour leur part qu’ils puissent bénéficier d’attestations prouvant qu’ils ont travaillé dans des camps de réfugiés «en situation d’urgence», plaide l’un d’entre eux.

Grief émis à Gado comme à Timangolo, le retard mis dans les paiements. Tous les encadreurs se plaignent de recevoir leurs paiements généralement à partir du 20 de chaque mois alors que cela devrait être au début du mois, assurent ces derniers. La responsabilité est vite rejetée sur Express Union (un opérateur de transfert d’argent), qui recevrait les paiements à temps, vers le 06, et qui prendrait au moins deux semaines pour servir les bénéficiaires.

«Quel que soit le niveau d’ignorance de l’enfant ou du vieux ici, dans le camp, il aura accès à l’éducation», soutient un parent à Timangolo
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Les animateurs et enseignants se plaignent également du retard mis dans l’acheminement du matériel didactique devant les servir dans leurs activités. «Ils nous ont dit (l’Unicef, ndlr) que c’est déjà à Batouri», affirme Joseph Ngaré, délégué des enseignants de Timangolo.

Pour ne pas laisser le doute dans l’esprit de la mission d’Echo et des journalistes, au lendemain du séjour à Timangolo, le responsable de la logistique d’Unicef, Armel Koung Bial, nous conduira à Belabo, où se trouve le grand magasin du Fonds, pour témoigner de la présence du matériel didactique pour les enseignants et des centaines de kits éducatifs et récréatifs pour les élèves. Ils commenceront avec le matériel en septembre, assure-t-il.

Petite erreur d’appréciation à souligner: le délégué des enseignants à Timangolo nous fait remarquer que l’Unicef a commandé des cahiers destinés à des élèves de niveau Cours moyen 2 (CM2) pour des enfants qui ne savent pas encore lire et écrire et qui commencent à peine le primaire. «Alors qu’il leur faut les doubles lignes», s’étonne-t-il.

Même si elle n’a pas pu voir ce qui se fait à Lolo et Mbile (deux autres camps de réfugiés à l’Est), et dans la communauté hôte de Kette, Keme Etame Rose – gestionnaire de programme au bureau Cameroun de la direction générale d’Echo – a conclu la descente sur le terrain sur une note positive, après avoir écouté les différentes parties prenantes à cette activité qui enrichit le séjour des réfugiés centrafricains en terre camerounaise.

Les kits éducatifs sont déjà disponibles, assure-t-on du côté de l’Unicef. Et le responsable de la logistique a tenu à présenter le contenu des caisses entreposées au magasin de l’Unicef de Belabo. Photo prise le 26 juin 2015
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