Aboya Endong Manassé, le bon client des médias camerounais

On le connaît de par ses interventions médiatiques. Et pourtant, au-delà de la communication, cet enseignant d’université est aussi très sollicité par les décideurs

Parcours scolaire tortueux
Les fidèles des médias camerounais, tous supports confondus, ignorent certainement que cet habitué du petit écran, des micros et de la plume est aussi un ancien d’église : « j’ai effectivement été consacré le 12 avril 2002 comme Ancien d’Eglise à l’Eglise Presbytérienne du Cameroun, Paroisse Francophone de Douala ». Une révélation qui tranche quelque peu avec l’idée que l’on peut se faire de cet homme à l’issue d’un débat, parce que pour défendre ses arguments le Dr Aboya Endong Manassé sait être perspicace. Il faut rentrer dans son enfance pour comprendre son enracinement dans la foi chrétienne. En effet, né le 9 mai 1963 à Bokaga -village située à 2km de Bokito- dans la région du Centre, département du Mbam-et-Inoubou, à 100km au nord de Yaoundé, c’est dans cette localité que le jeune Manassé fait son cycle primaire à l’école publique de Bokaga. Fils d’enseignant-missionnaire, Aboya Endong grandit dans l’enceinte de l’Eglise Presbytérienne camerounaise car son père était le directeur de l’école de cette confession religieuse pendant 45 ans : « mon père était un enseignant très connu et très aimé. Grâce à son nom et à sa réputation, les portes nous étaient spontanément ouvertes ». Une facilité qui permet au futur enseignant d’avoir un parcours sans difficultés spécifiques. C’est ainsi qu’il se retrouve au Collège d’enseignement secondaire (CES) de Bokito qu’il quitte après l’obtention d’un Brevet d’étude du premier cycle du second degré (Bepc). Fort de ce diplôme Manassé Aboya s’inscrit au lycée de Bafia. Dans cette 2e phase du secondaire, son parcours devient atypique : 2nde C, 1ere D, puis 1ere A4 et Terminale A4. Ces deux dernières classes sont abordées au lycée de Mbalmayo. En fait le lycéen a été la victime d’une orientation approximative qui l’a précipitamment envoyé en série C. Seulement son désamour pour les classes scientifiques a dû le remettre sur le chemin des cours de littérature.

Le protégé de la 1ere Dame
Probatoire et Baccalauréat série A4 Allemand en poche, un nouveau front s’ouvre au supérieur parce que le nouvel étudiant est boursier, mais destiné pour les sciences économiques. Frondeur par instinct, il s’y oppose et décide de prendre unilatéralement une inscription en faculté de droit. Ce qui de fait le prive de sa bourse, momentanément. En effet, au moment de s’inscrire il choisit la faculté de droit : « ma motivation non négociable pour le droit était un tic né du fait que mon modèle était Monsieur David Abouem à Tchoyi qui était à l’époque gouverneur de la province du nord-ouest. C’est quelqu’un qui me fascinait particulièrement. Mon grand cousin, le Révérend Dr Grégoire Ambadiang, Secrétaire Général de l’EPC à l’époque m’avait dit que pour être comme ce gouverneur de province très respecté par les jeunes, il fallait étudier le Droit et passer par l’Enam (Ecole nationale d’administration et de magistrature ndlr) ». Dépourvu de moyens Aboya décide d’écrire au Président de la république, dans l’espoir de conserver sa bourse. Entre-temps, le néo-bachelier s’installe chez l’un de ses oncles qui travaille à la direction l’ENSA (Ecole nationale supérieure d’Agronomie ndlr) et commence son cycle académique : « un matin une voiture de la police est venue me chercher et j’ai été conduit à la présidence de la république, puis reçu par le commissaire Mfou’ou Mengue qui m’a spécifiquement interrogé sur les raisons de mon courrier. Il voulait surtout savoir si j’avais été motivé par une tierce personne. Mais tel n’était pas le cas. ». En réalité, c’est sur instruction du Directeur de cabinet du Chef de l’état que ce commissaire de police très influent avait invité Aboya Endong. Pendant son interrogatoire, il fait la rencontre de la première dame d’alors : « la première dame était rentrée dans le bureau et avait demandé si j’étais effectivement l’auteur de la lettre adressée au Président. A sa demande je lui ai dis que les études allaient bien, mais que je n’avais pas les moyens de me prendre en charge, mon père venant de prendre sa retraite. D’où l’objet de ma lettre au Chef de l’Etat ». Séante tenante, elle lui remettra 500 000 FCFA, en plus de l’argent que l’officier de police lui avait remis, correspondant exactement à une année de bourse, à raison de 30 000 Fcfa par mois. Cette victoire sera malheureusement à l’origine du divorce d’avec son oncle : « fou furieux, il m’a demandé pourquoi j’avais mis son nom dans une correspondance susceptible d’entrer à la Présidence de la République, synonyme de problèmes. Sans attendre le compte rendu de ma visite à la présidence, il m’a demandé de quitter sa maison. Il ne savait pas que je venais de toucher pour la première fois de ma vie, un peu plus d’un million de FCFA ». Dans le même sillage lorsque notre interlocuteur se rend à l’Université de Yaoundé le lundi suivant, c’est par une convocation de l’Intendant principal de la Cité universitaire qu’il est accueilli : « il était totalement dans le désarroi et m’a dit, non sans m’avoir fait le reproche d’être passé sur sa tête, que je suis bénéficiaire d’une chambre conventionnée ». En fait la première dame avait saisi les autorités universitaires pour diligenter ce dossier. Manassé Aboya conservera cette chambre des années durant, jusqu’à l’obtention de sa maitrise en science politique en 1988 : « le plus surprenant c’est que la première dame a demandé par courrier des nouvelles de ma scolarité au moment où je faisais la licence. En effet, je n’avais plus donné des nouvelles depuis son aide inestimable. En réalité, il n’y avait pas de téléphone portable à l’époque et je craignais d’écrire encore au Président pour ne pas créer d’autres problèmes. Surtout qu’avec mon admission en 2e année, la bourse m’avait automatiquement été allouée. J’estimais ne plus avoir de problèmes ».

L’exilé académique
Certainement né sous une bonne étoile, grâce à un autre concours de circonstance, Aboya Endong profite d’un nouveau coup du destin : « le Professeur Joseph-Marie Bipoum Woum venait d’être nommé Doyen de notre faculté. Nous avions bénéficié du premier recrutement d’envergure élargi aux étudiants de Doctorat pour dispenser les travaux dirigés. Nous étions très nombreux : Ibrahim Mouiche, Jean Njoya, Martin Seutcheu, Joseph Ismaël Ngo, Salomon Billong, Iréné Gallim Ngong, Sam Batoum, etc. C’est comme cela que précocement il nous fait rentrer dans l’enseignement comme chargés de travaux dirigés. Nous avions l’honneur de côtoyer d’autres aînés dont la réputation était déjà établie, en l’occurrence Luc Sindjoun, Magloire Ondoa ou Mathieu Mebenga ». A cette époque le Pr. Bipoum Woum – ancien ministre de la jeunesse et des sports- et le Pr. Augustin Kontchou – ancien ministre de la communication- craignaient qu’il n’y ait pas de relève dans le corps de l’enseignement supérieur car la plupart des diplômés s’orientaient soit à l’ENAM, soit à l’école de police, soit à l’EMIA (Ecole militaire interarmées). En dépit de toutes ces faveurs, le Dr Aboya connaitra bien de galères dans son parcours, notamment pour la soutenance de sa thèse : « j’avais été accusé par certains d’être collaborateur de la Nouvelle Expression – un journal privé – et que j’écrivais contre les autorités universitaires sous un prête-nom. En réalité, c’était mon ami et frère Jean-Marc Soboth qui était journaliste dans cet organe. Comme un bon gars qui a côtoyé les pygmées du côté de Ketté, lui par contre a la culture de savoir jeter ses poursuivants sur des fausses pistes et dispose à cet effet de plus d’une dizaine de pseudonymes ». N’empêche cette proximité lui vaudra la peine de ne pas soutenir sa thèse de Doctorat à l’université de Yaoundé. Le futur Docteur en science politique est contraint à l’exil académique. Grâce à l’entregent de son frère André Ebong (Banque Populaire), il se retrouve à l’Université François Rabelais de Tours après avoir bénéficié d’une dérogation de DEA et d’un toilettage poussé de ses travaux. Aboya Endong Manassé soutient le 28 octobre 1996 un Doctorat Nouveau Régime (NR) en Science Politique sous la direction de Michel Hastings à l’université François Rabelais de Tours (France). La thèse qui reçoit la mention très honorable avec les félicitations du jury est intitulée : « l’approche béhavioriste appliquée à l’étude du personnel politique camerounais : le cas des parlementaires ». Dans ce jury se trouvait feu le Pr Roger Gabriel Nlep. Ce dernier fait rentrer le Dr Aboya Manassé à l’université de Douala en 1997 en qualité d’Assistant au département de droit public et de science politique à la Faculté des sciences juridiques et politiques. Là bas il est reçu et encadré par le Doyen Etienne-Charles Lekéné Donfack avec qui les rapports sont depuis lors excellents : « je lui dois beaucoup. C’est quelqu’un d’extraordinaire. C’est lui qui m’a permis de connaitre l’enseignement supérieur dans ses coutures les plus stratégiques. En réalité, il est un peu comme un coach sur le plan de la connaissance de la vie, de la connaissance du milieu universitaire. Sa fidélité en amitié est hors du commun. Le Pr Roger Gabriel Nlep quant à lui était comme un père sur le plan spirituel et académique. Mais mon pari a toujours été de me réapproprier le meilleur de ces deux personnages que j’ai côtoyé quotidiennement pendant quatre ans. Je suis sûr qu’un jour j’y parviendrai ».

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L’Agrégation, un combat vain !
Tout se passe bien jusqu’au jour où ses mentors sont appelés à d’autres fonctions : le Pr Etienne-Charles Lekéné Donfack est nommé Conseiller technique à la Présidence, puis ministre de la ville et le Pr Roger Gabriel Nlep est muté à l’université de Dschang : « avec Mme Nicole Claire Georgette Ndoko qui devient Doyenne de la faculté, les choses sont loin d’être simples. Les relations sont vraiment exécrables, je ne peux même pas enseigner ». En fait le Dr Manassé Aboya paye le prix de sa proximité avec ces encadreurs. Ce pseudo-chômage lui permet de valoriser son DESS en communication politique en portant sa casquette de consultant en communication. Sa rencontre avec Alphonse Siyam Siwé, l’ancien Directeur général du port autonome de Douala lui offre son 1er contrat dans ce domaine : « il était entrain de mettre sur pied ce qu’on appelait Wouri Terminal à Containers (WTC). Le projet avait été annulé bruyamment par Christopher Kiloh Fai Nsahlai, alors Ministre des transports. Ce qui lui avait créé de sérieux problèmes et il avait besoin de communiquer ». Pour le Dr Manassé Aboya ce contrat qui se chiffre en millions de FCFA est une belle vengeance sur l’université de Douala. Il réussit tout au moins à structurer un équilibre financier qui le met momentanément au-dessus des soucis de la vie matérielle. D’ailleurs, c’est aussi le début d’une longue carrière de consultant qui jusqu’aujourd’hui se poursuit. Dans sa besace le Dr aboya Manassé peut se targuer d’avoir vendu ses services à des personnalités de gros calibre comme Yves-Michel Fotso – homme d’affaires et ancien ADG de la Camair-, Polycarpe Abah Abah – ancien ministre de l’économie et des finances-, Ferdinand Léopold Oyono – Ancien Ministre de la culture, et bien d’autres encore. Une sollicitude qui s’explique certainement parce que ce dernier est un spécialiste incontesté dans « les stratégies de communication de crise », doublé d’être l’un des meilleurs connaisseurs de la presse au Cameroun. A défaut d’être l’intellectuel le plus proche des médias au Cameroun. Après ce décollage le Dr Manassé Aboya se repositionne sur le plan de l’enseignement, à la faveur du départ de Nicole Claire Georgette Ndoko. Son successeur le Pr François Mbome occupe le poste de Doyen cumulativement avec ses fonctions de chef de département. Il devient en 2000 Chargé de cours au département de droit public et de science politique à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Douala. Chemin faisant le concours d’Agrégation se prépare sous la houlette du Doyen Narcisse Mouelle Kombi. Sa participation à ce premier concours se fait sans histoires. Mauvais coup du sort, Mme Nicole Claire Georgette Ndoko est associée à la préparation du deuxième concours. Le 4 juin 2007 se produit l’inédit : l’obstruction de sa candidature au concours d’agrégation par les autorités de l’Université de Douala : « En fait, Mme Nicole Claire Georgette Ndoko en avait fait un problème personnel. Et c’est d’ailleurs de son secrétariat que j’avais été signifié de cette décision courageuse. A l’issue de cet épisode, j’ai échangé avec mon Recteur qui a su porter la casquette de père de famille et d’aîné. Avec ce dernier, les relations sont plutôt très bonnes ». Une situation qui a amené Manassé Aboya à soutenir avec brio une HDR (habilitation à diriger les recherches) le 14 octobre 2010 sous le thème : « la spécificité du politique en Afrique »

Chercheur invétéré et ami des éperviables
Le Dr Aboya Endong Manassé est aussi engagé dans diverses autres activités : « je suis le représentant au Cameroun de l’Ong américaine global intégrity qui fait un rapport annuel de la situation de la transparence dans les états, je suis aussi le conseiller de plusieurs personnalités du pays, je suis le représentant en Afrique centrale de la fédération africaine des études stratégiques qui tient annuellement un symposium à Marrakech, je suis chercheur associé à l’institut nordique africaine. ». Sur le plan médiatique le Dr Aboya entame ses consultations en 1997 avec la signature d’un article au quotidien Le Messager qui traite de la question anglophone, après cette expérience il est sollicité par Suzanne Kalla qui en fait son consultant permanant à radio équinoxe pour des questions politiques, la télévision entre en jeu à travers Stv pour le lancement de l’émission « 7 hebdo » autrefois animée par Liliane Nyatcha. Depuis lors, le Dr Aboya n’a plus quitté la scène médiatique, il faut avouer qu’entre 1998 et 2010 il était Rédacteur en chef de la revue Solon (Revue africaine de Parlementarisme et de démocratie). Le Dr Aboya Endong Manassé a la particularité d’être proche de pas mal de personnalités impliquées dans l’opération épervier -qui vise l’assainissement des finances publiques à travers entre autre l’arrestation des gestionnaires véreux – par ailleurs cet homme mène aussi une activité de recherche intense, c’est ainsi qu’en 1998 il est le Directeur exécutif du Grepda (Groupe de recherches sur le Parlementarisme et la démocratie en Afrique), entre mai et juillet 2000 le Dr Aboya est Chef de mission de recherches du Grepda en Afrique centrale : Congo, Tchad, République centrafricaine – Thème : L’impact des instabilités politiques sur le développement économique en Afrique centrale, en 2001 il joue le même rôle en Afrique de l’ouest : Bénin, Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso – Thème : Le rôle de la société civile dans la résolution des conflits en Afrique. Au cours de l’année 2002 (août – septembre) : il est Chercheur invité à l’Institut du fédéralisme de Fribourg (Suisse) – Thème : Décentralisation et  »good governance » dans les sociétés pluriculturelles, deux ans après le Dr Aboya est Chercheur invité à la Nai, The Nordic Africa Institute, Uppsala (Suède) – Thème : La seconde chambre dans les nouveaux parlements africains, en 2007 il est Chercheur invité au Partenariat pour le Développement Municipal (Cotonou, Bénin) – Thème : L’Etat de la décentralisation en Afrique et en 2008 Animateur scientifique du colloque : « Femmes journalistes et techniques de reportage politique », JAFEC, Association des journalistes d’Action et Femmes de C ur, Bafoussam. Comme enseignant il est encadreur des mémoires de plusieurs apprenants du DESS et du DEA, également à son actif une volumineuse publication. Le Dr Aboya est aussi un fervent adepte de la tolérance, la justice, tout en étant contre l’intrigue et la duplicité ; Il faut avouer que rien ne le prédestinait à un tel parcours, lui qui est l’aîné dans une famille de huit enfants professionnellement disparate : « j’ai un frère pasteur, un frère journaliste, des s urs commerçantes. »

Aboya Endong Manassé
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