Catastrophe de Nyos, la tragédie oubliée

Elle représente l’une des plus grandes catastrophes naturelles du Cameroun, pourtant elle semble aujourd’hui oubliée

En ce 22 août 2011, pas de cérémonie particulière, pas de commémoration pour les 1746 victimes de la localité de Nyos et ses alentours, située dans l’actuelle région Nord-ouest du Cameroun. Il y a 25 ans, le 21 août 1986 précisément, une quantité inhabituelle de gaz Carbonique (CO2), s’est échappée du Lac Lwi, qu’on surnomme aujourd’hui le lac Nyos. La localité de Nyos revient très souvent, parce qu’elle a connu le plus de victimes. On y évalue à 915 le nombre de tués. À Su-Bum, situé à 14 km du lac, malgré une plus forte population, les pertes ont été moins lourdes avec 700 morts. Pour le village de Cha, la catastrophe n’a laissé aucun survivant. Les 70 personnes qui vivaient à cet endroit sont toutes mortes. A l’époque, les images sont saisissantes. Les victimes sont retrouvées dans un paysage presque intact, portant seulement, à certains endroits, les traces d’un violent coup de vent. A la suite de la catastrophe, plus de 3 000 personnes ont dû quitter leurs maisons et ont été regroupées dans des camps. « le Cameroun dispose au niveau de la prévention, d’un observatoire national des risques regroupant tous les partenaires du secteur au niveau de la réponse aux catastrophes, d’un plan national de contingence destiné à assurer la couverture efficiente des catastrophes. Au plan de la réhabilitation, le gouvernement a formulé de nombreux projets destinés à la restauration et la prise en charge des victimes à l’instar du projet IRCOSIF (Initiative pour la réhabilitation et la reconstruction des communes sinistrées et frontalières). En outre de nombreux projets intégrés ont vu le jour avec divers partenaires. Il s’agit sans être exhaustif, du projet GRINP (Gestion des risques naturels et protection civile) avec la France, du Programme national de prévention et de gestion des catastrophes (PNPGC) avec le PNUD, du projet de construction au Cameroun d’un centre sous-régional de la protection civile (CSRPC) sous l’égide de l’Organisation internationale de protection civile (OIPC) » avait indiqué le ministre Marafa Hamidou de l’administration du territoire, dont dépend la protection civile, lors d’une interview accordée au quotidien bilingue Cameroon-tribune en 2007.

Mais sur le terrain, le flou règne encore 25 années après. Il y a quatre années, le gouvernement faisait savoir qu’avec des partenaires internationaux notamment le PNUD et l’Union européenne, un programme national de sécurisation et de réhabilitation du Lac Nyos avait été mis sur pied. Programme qui s’articule autour de quatre composantes. La sécurisation du lac, la réinsertion des populations déplacées et l’appui au secteur productif, la gestion durable des ressources naturelles et la protection de l’environnement et l’amélioration et le développement des infrastructures structurantes. Pour y faire, il fallait mobiliser près de 232 milliards de FCFA, aucun rapport ne confirme que cette somme ait déjà été collectée. En outre, le gouvernement a du mal à accorder les différentes parties, en raison d’une divergence d’opinion sur les causes de la catastrophe. Selon la thèse officiellement admise et retenue, cette catastrophe a été causée par la chute d’un pan de la falaise qui surplombe le lac. Cette chute de roches a entraîné un mélange rapide et inhabituel des eaux. Les eaux de profondeur contenant le gaz carbonique se sont ainsi retrouvées en surface, ce qui a favorisé les émanations gazeuses. Une expérience de dégazage est entreprise sur les eaux du Lac depuis 2001. Mais elle est aussi limitée que critiquée. Son principe est de faire échapper de façon provoquée, une quantité non dangereuse de gaz afin d’en vider complètement le lac. Depuis qu’elle a débuté, l’opération a déjà permis d’extraire 70 millions de mètres cube de gaz carbonique. Mais il en reste encore 230 millions, suffisamment pour tuer les populations de toute la région. De même, il est rapporté par certains observateurs, que les digues naturelles qui entourent le lacs sont assez fragiles. Leur rupture entrainerait un mélange brusque des eaux et donc une nouvelle catastrophe. Sur la méthode elle-même, le pompage du gaz se heurte à la théorie qui fait du Lac de Nyos un lac de cratère. Enfin sur le plan infrastructurel, la localité, malgré le danger potentiel qu’elle représente, reste enclavée. Selon des observateurs, une des causes de l’aggravation de la situation est que l’accès aux centres de santé pour certains survivants était difficile. Une situation qui n’a pas beaucoup évolué depuis la survenance de la catastrophe. 25 ans après, le Lac Lwi reste un danger et il semble difficile de pouvoir y faire face.

Le lac Nyos est en phase de dégazage
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Cameroun: Visite dans le village Bua-bua

C’est l’un des 6 villages où ont été recasés les rescapés de Nyos. Le souvenir reste douloureux et, pour certains, visible

Date funèbre
Le 21 Août 1986 restera à jamais dans les mémoires à la suite de l’éruption massive et brutale de gaz toxiques ayant provoqué la mort par asphyxie 1746 personnes au lac Nyos. Cette nuit fatidique, les eaux profondes du lac atteignirent leur point de saturation de dioxyde de carbone et sans avertissement, un brusque mouvement de terrain dû à l’activité sismique provoqua une éruption violente et écumeuse de l’eau carbonatée qui monta jusqu’à 120 mètres dans le ciel. Les 845 survivants souffrirent des maux de poumons ( dèmes) et des yeux (conjonctivite).

Les populations ont été recasé par le Gouvernement camerounais dans six villages aux alentours du lac Nyos notamment Kimbi, Esu, Yemgeh, Bua-bua, Kumfutu et Ippalim. A Bua-bua localité situé à seize kilomètres du lac Nyos, les populations vivent paisiblement mais dans leurs mémoires reste le triste et douloureux souvenir de la catastrophe. Originaire du village Sum-bum, Wandia Sylvanuis, planteur raconte comment sa famille et lui ont vécu le drame : « Quand la catastrophe a eu lieu je n’avais que deux ans c’est mon père qui m’a raconté comment cela s’est passé. Mon père a perdu quatre enfants, ses parents et plusieurs membres de notre famille. L’hélicoptère nous a transporté à Bua-bua : les 06 femmes de mon père et ses 22 enfants et nous y sommes depuis 25 ans. Mon frère aîné, Wandia Mathias (né en 1981 ndlr) a été paralysé pendant trois ans suite à la tragédie. Je suis marié, père d’un enfant de trois semaines et tous nous vivons dans la case familiale ».

La vie a repris son cours depuis lors à Bua-Bua
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L’installation des trois colonnes de dégazage vient redonner espoir aux habitants des différentes localités touchées par ce sinistre « J’ai appris qu’une solution a été trouvée pour le lac. Je souhaite que le Gouvernement camerounais autorise les populations à renter chez eux parce qu’ici n’est pas mon village. Je profite également pour les remercier pour leur travail » affirme Sylvanuis. Si pour les uns l’installation des colonnes de dégazage est un ouf de soulagement, pour d’autres, cela ne l’est pas. C’est le cas de Festus Ndong Ndong, garçon âgé de dix-sept ans et élève au CES de Fundong « Je ne crois pas, car le gaz est naturel il sort du sol et ne saurait être maîtrisé. Malgré que l’on ait installé les colonnes, le lac Nyos reste pour moi une zone à risque. Malheureusement, si ma famille (tante) décide de retourner à Sum-bum je serais obligé d’y aller puisque je n’aurais nulle part où aller ». Rappelons que le village Bua-bua a été reconstruit avec l’aide d’un prête allemand (qui vit à Bamenda actuellement), la condition étant de fournir des parpaings afin de bâtir des maisons du fait que le budget octroyé par l’Etat pour ce projet de recasement était défectueux.

Wandia Mathias, resÑ apé du laÑ Nyos
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