Egypte: L’ombre islamiste plane

Une personne proche des «Frères musulmans», parti très à cheval sur les règles de l’islam, a été choisie, malgré des critiques, pour diriger l’assemblée constituante

L’assemblée égyptienne chargée de rédiger une nouvelle Constitution a élu mercredi 27 mars à sa tête Saad al Katatni, par ailleurs président du parlement et chef de file du parti Liberté et Justice, la branche politique du mouvement des «Frères musulmans». Cette élection intervient alors que 15 membres de cette commission ont jeté l’éponge, pour protester contre la forte présence des personnes proches de la religion islamique, au sein de cette assemblée constituante. Les démissionnaires font partie de la minorité laïque qui avance-t-elle, évite de ne jouer que le rôle de «figurants». 100 personnes constituent cette assemblée et 50 devaient être choisies au sein du parlement. Sur les 50 élus que devait choisir le Parlement 36 sont islamistes. Pour les laïcs, il y a eu pire. Aucune règle n’a été mise pour l’élection des 50 autres membres de la constituante censée représenter toutes les composantes de la société égyptienne. Chaque parlementaire choisi devait à son tour choisir un membre de la société civile égyptienne.

La crainte des laïcs semblait finalement justifiée. On retrouve au sein de l’assemblée constituante dont la liste a été rendue publique dimanche 25 mars 2012, quelques femmes et des chrétiens, mais en nombre trop peu suffisant pour la minorité laïque. Ses membres continuent de dénoncer l’emprise des «Frères musulmans» et des fondamentalistes Salafistes sur la commission. Cette division au sein de l’assemblée constituante survient alors que le pays s’apprête à organiser dans un peu moins de deux mois, l’élection qui permettra de voter un nouveau président, depuis la chute d’Hosni Moubarak. A la controverse politique semble s’ajouter désormais une bataille légale qui, selon de nombreux médias sur place en Egypte, fait peser une menace sur la viabilité même de l’assemblée constituante. Il y a quelques jours, la Haute cour administrative du Caire s’est saisie de recours visant à la faire invalider. Elle doit se prononcer le 10 avril 2012. De son côté, c’est la Cour suprême constitutionnelle qui a retiré son représentant au sein de cette commission constituante, en invoquant les «doutes et la confusion» sur sa formation.

Les membres du parti « Justice et Liberté »
AFP)/n

Risque d’une élection sans loi fondamentale
Face à ces différentes critiques, les «Frères musulmans» répondent que la désignation des parlementaires devant siéger dans l’assemblée constituante s’est faite en fonction de la représentation populaire (parlement), à leurs yeux, la méthode la plus crédible pour garantir une prise en compte effective de la volonté du peuple égyptien. Evidement avec plus de 260 sièges, le parti «Liberté et Justice» des « Frères musulmans» est fortement majoritaire au parlement égyptien. Saal ad Katani a tenté de calmer le jeu. Rédiger la Constitution nécessite de la sagesse et une responsabilité politique, loin des gains partisans, a-t-il déclaré devant la commission, lors d’une session retransmise par les journaux télévisés. Certains observateurs eux ne partagent pas les craintes des laïcs égyptiens au sujet d’un retour à l’islamisme radical dans le pays. Cette peur de l’islamisme fait preuve d’ignorance ou est instrumentalisés par le pouvoir actuel. Les «Frères musulmans» ne sont pas comparables à des mouvances djihadistes ou à des mouvements comme le Hezbollah ou le Hamas. Ils ont renoncé à la lutte armée depuis une trentaine d’années. Les «Frères musulmans» sont présents dans les Parlements de plusieurs pays comme le Yemen, le Koweït et la Jordanie faisait savoir Dominique Emmanuel lors d’une interview sur le sujet, à l’occasion d’une interview accordée au site www.20minutes.fr, en 2011. L’exemple de la Tunisie, pays duquel est parti «Les printemps arabes», reste pourtant dans les mémoires. L’assemblée constituante qui est dominée par le parti islamiste Enarda, fait l’objet de pression de la part des groupes proches de l’islam, pour une constitution basée sur les lois de l’islam et ce, malgré ses déclarations de bonnes intentions. Les enjeux sont très grands pour l’Egypte et une fois encore, l’armée pourra en tirer profit pour imposer sa volonté. Les Egyptiens risquent de choisir un président dont l’étendue des pouvoirs serait méconnue en l’absence de Loi fondamentale. L’ancienne avait été supprimée, après la chute de Moubarak. La révolution ne semble pas avoir tout réglé en Egypte, contrairement à ce qu’avaient pensé plusieurs personnes.

La devanture de l’Assemblée nationale égyptienne
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