Il a succombé à une courte maladie dans la nuit de vendredi à samedi 19 février 2011
Un pinceau ironique entre dans l’absence sans retour et les couleurs pleurent. Cette phrase de Lionel Manga va désormais aussi accompagner la mémoire de ce grand artiste. C’est en effet la deuxième perte et pas des moindres, en moins d’un mois, dans le paysage de l’art plastique au Cameroun. Après le doyen Rigobert Ndjeng, décédé le 24 janvier dernier, un autre monument du domaine vient ainsi de tomber. Goddy Leye, plasticien de renom a succombé à une courte maladie dans la nuit de vendredi à samedi 19 février 2011 à l’Hôpital de district de Bonassama.
Au-delà des apparences
Goddy leye était avant tout un spécialiste de l’installation et de la vidéo. Mais son travail comprend les pratiques aussi variées que la peinture, la sculpture, le dessin, la performance. Il a récemment achevé, le 05 février dernier, une exposition baptisée « Chocolate Banana » au Centre culturel Français de Pointe-Noire au Congo, en compagnie de Bill Kouélany, un autre grand artiste africain. C’était l’une de ses dernières sorties artistiques, avant sa courte maladie qui finalement aura eu raison de lui. Artiste dans l’âme et dans le corps, il a toujours été habité par un infaillible besoin de réécrire l’histoire, de changer les choses, les comportements. Et lui-même le disait Si mes uvres ont souvent été critiques envers les systèmes dominants, il a toujours été question d’une quête de salut. L’art c’est rendre visible disait Paul Klee et Serge Poliakoff renchérissait en invitant à aller au-delà du cortical. La quête de cette beauté qui va au-delà des apparences (et qui se trouve parfois en filigrane des dénonciations violentes et sans concessions) a toujours guidé mes recherches. Révéler le laid (le mal, le négatif, le faux…) pour laisser entrevoir le beau (le bon et le vrai, le possible)… Et parce qu’ils renferment les idées, sensibilités et émotions, les signes et symboles occupent une place importante pour Goddy Leye, de même que l’histoire et la mémoire. Lui qui a fait ses armes pendant près de cinq ans, après une maîtrise en Lettres obtenue à l’université de Yaoundé I, aux côtés de l’artiste et historien de l’art Pascal Kenfack. Il acquiert son « indépendance » dans les années 1992.

ArtBakery
ArtBakery est le nom de la structure qu’il a crée en 2003 dans son quartier de Bonendale, par Bonabéri à Douala. Lorsqu’en 2003 le concept prend forme, il a pour ambition de contribuer à améliorer le confort intellectuel et esthétique des artistes par une interaction vivifiante avec les professionnels et le public. ArtBakery se présente comme un espace convivial où l’art se discute et se façonne à longueur de journée; un havre de créativité dans l’océan des carences et des indifférences ambiantes. Il s’agit d’un espace physique et mental ou l’artiste se remet en question, échange et expérimente. Depuis octobre 2003 la structure a reçu des artistes du Cameroun, du Congo, du Togo, de l’Inde, de la Belgique et de la Suisse. Une formation destinée aux plasticiens et aux opérateurs culturels du secteur arts plastiques est organisée sous la forme des Master Class et des séminaires. Elle se fait aussi au moyen de suivi et d’accompagnement professionnels sous forme de coaching ou de parrainage. C’est l’une des principales uvres qui va permettre, si jamais elle subsiste, de pérenniser la mémoire de cet artiste. Un centre de développement pour la création contemporaine expérimentale, qui accueille en résidence les artistes de tout bord, et qui depuis ce 19 février est orphelin de son principal fondateur. Goddy Laye était également membre fondateur des collectifs Prim’Art et Dreamers. Il décède ainsi à l’âge de 46 ans.
