Le Cran s’insurge contre l’instrumentalisation de «la taille de l’Afrique»

Par Guy Samuel Nyoumsi, Vice-président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN)

Du 16 au 19 Mars 2016, s’est tenu le Festival de Géopolitique de Grenoble. A cette occasion, un collectif grenoblois de chercheurs, en parallèle dudit Festival, a proposé: «la première Edition des Rencontres de Géopolitique Critique.». La motivation du «Collectif grenoblois» émanait essentiellement du questionnement relatif à «la taille de l’Afrique» retracée dans les lignes du Journal Le Monde-Afrique.

«Un continent grand comme la Chine, l’Europe, le Brésil et les Etats-Unis réunis, un milliard d’habitants qui seront 2 milliards en 2050, des taux de croissance inconnus jusqu’alors qui permettront d’amorcer enfin, le développement. ». Tel est le préambule de l’Edition 2016 du Festival de Géopolitique de Grenoble, lequel a autorisé que le Journal Le Monde-Afrique, partenaire du Festival, puisse s’interroger sur cette insolite «découverte» en ces termes :

«Mais pourquoi aurions-nous été aveuglés si longtemps sur la taille de l’Afrique au point de n’en pas saisir toutes les opportunités?».

La réponse apportée par l’article dont le lien est ci-dessus repris, trouve son explication «apparente» dans la projection cartographique, vieille de cinq siècles (XVIème siècle) qui «représente une Afrique de 30 millions de km² plus petite qu’une Russie qui n’en couvre que 17 millions.». Ainsi, l’erreur d’appréciation serait attribuée au «système de projection dit de Mercator. mis au point au moment où l’Europe étendait son influence commerciale et politique sur la planète.» Ce système de projection conçu à dessein «donne priorité au respect des angles, de façon à servir la navigation.».

Dans le fond, il était du plus haut intérêt pour l’Europe du XVIème siècle, de construire dans «les représentations mentales et idéelles, l’image d’un hémisphère Nord écrasant de son immensité et de sa position apparentes, l’hémisphère Sud.», tout comme il était inadmissible qu’ait pu être encouragée «une représentation de l’Afrique plus grande que l’Europe, les Etats-Unis, la Chine et le Brésil réunis.». Une telle représentation à l’époque, eût été sujette à caution, en ce qu’elle aurait dévoilé au moins «les appétits prédateurs du Nord», au pire, aurait envoyé un «signal axiologique fort» dans l’imaginaire et la conscience collective des peuples africains, relativement à leur importance et à leur grandeur. Toutes choses qui eurent été inacceptables au moment où émergeait en Europe «une taxinomie de l’infériorité et de l’historicité rétrograde de la race noire» que la science et les philosophies «clivantes» occidentales s’évertuaient à présenter comme «une erreur voire une imbécilité de la création».

En passant «du système de projection dit de Mercator au système . dit de Peter. L’Afrique apparaît dans toute son immensité de deuxième continent le plus vaste du monde.» Devra préciser le Journal.

L’article appelle, au regard de la nouvelle géopolitique mondiale multilatérale de l’Afrique où la Chine et l’Arabie Saoudite étendent leur influence: «une déconstruction de l’idée de l’opposition Suds/Nords. qui permettrait entre autres de ne plus voir les problèmes africains comme distincts des préoccupations européennes.». La même parution en arrive, au sujet de l’Afrique, à l’interpellation suivante: «il faudrait pouvoir mettre au clair, le passé récent qui continue de nous lier à elle. proposer une approche postcoloniale qui ne soit pas une fixation sur une période de notre passé difficile à assumer (.) mais d’enclencher des représentations du continent africain qui, enfin échappent au binarisme et au machiavélisme (.)».

Cette préoccupation était déjà celle du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN) dans sa Tribune, intitulée: le Devoir de la France: ce qu’il me semble utile de dire. lorsque regrettant «l’incapacité de la France de passer de la tutelle monétaire à une tutelle de développement de l’Afrique», nous soulignions:

«la France a le devoir historique de repenser son rôle de « tiers garant » au sein de la zone Franc et se positionner en partenaire solidaire, sincère et soucieux du développement économique de ses anciennes colonies. Cinquante-sept ans de fréquentation monétaire commune l’y oblige. Cinquante-sept ans de coopération et d’accords qui, s’ils n’avantageaient pas la France, les IFI et les créanciers du Nord, seraient frappés de caducité. Nul ne s’y méprend.

(.) Ne pas conduire une réflexion visant la «reconversion du regard et des actions de la France, à l’endroit de l’Afrique et principalement de ses anciennes colonies, serait préjudiciable à la dynamique mondiale de l’heure qui est à « la réinvention d’un nouveau modèle de développement affranchi des dégâts collatéraux du consumérisme et du diktat de la haute finance».


Dans le second volet du triptyque relatif aux attentes des Africains, nous postulions que le développement de l’Afrique comme du monde à venir, s’inspire de ces quelques lignes de l’encyclique «Notre maison commune» Laudato si du Pape François: «on a tendance à croire que tout accroissement de puissance est en soi progrès, un degré plus haut de sécurité, d’utilité, de bien-être, de force vitale, de plénitude des valeurs, comme si la réalité, le bien-être et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et économique lui-même. Le fait est que l’homme moderne n’a pas reçu l’éducation nécessaire pour faire bon usage de son pouvoir, parce que l’immense progrès technologique n’a pas été accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeur, en conscience. Chaque époque tend à développer peu d’auto-conscience de ses propres limites».

Conscient de ce que «les avancées de la science et de la technique ne sont pas équivalentes aux avancées de l’humanité et de l’histoire.» Nous sollicitions de la France qu’elle «ose pouvoir peser pour que soit possible, un élargissement du regard sur l’idée que la liberté humaine est capable de limiter la technique, l’orienter, comme la mettre au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral». Ce challenge, soutenions-nous, était et demeure, la condition sine qua non du «changement de la matrice des rapports entre l’Afrique et le monde.».

Nous invoquions ainsi une «ère nouvelle fondée sur la reconnaissance de nouveaux horizons éthiques(.)» qui impliquerait «une révolution politique et culturelle courageuse(.) ».

Si pour des raisons idéologiques, historiques, scientifiques et hégémoniques, «la taille de l’Afrique» avait été volontairement ou accidentellement sous-estimée et sa position intervertie : le Sud étant en réalité le Nord et le Nord de l’Afrique sa partie méridionale, l’Europe serait en dessous de l’Afrique sur la Mappe Monde et l’Afrique, au-dessus de l’Europe, avec les implications axiologiques que l’on sait ou que l’on veut taire.

Le livre Mes étoiles Noires de Lilian Thuram cité fort à propos dans l’article dont la publication a suscité notre réaction, évoque précisément, «l’instrumentalisation de la taille réelle de l’Afrique », comme suit : « Placer l’Europe en haut est une astuce psychologique inventée par ceux qui croient être en haut pour qu’à leur tour les autres pensent être en bas (.) rien n’est neutre en termes de représentation. Lorsque le Sud finira de se voir en bas, ce sera la fin des idées reçues».

C’est pourquoi nous partageons entièrement le point de vue exprimé dans l’article, lequel veut que l’Europe en poursuivant «une coopération» qui s’apparente à «la coercition dans la fabrique sociale et spatiale, ne participe qu’à maintenir une forme de lecture réductrice du monde (.) qu’à poursuivre une quête praxéologique qui continuerait de mettre la connaissance au service de la valorisation économique».

Sous ce prisme, nous avisions qu’il était dans l’intérêt de la France de revisiter voire réviser en profondeur «le logiciel de ses accords de coopération tournés vers «les plus-values engrangées» par la haute finance, pour les réorienter en vue du développement de l’Afrique». Dans la même veine, nous soutenions que: «l’Afrique est l’avenir de la France, la France étant condamnée à faire de l’Afrique « une alliée sûre et fière des avancées auxquelles elle aura contribué à favoriser(.)».

Aveuglé par «la malédiction de l’immédiateté du gain et de l’insatiabilité du profit», l’Europe a accumulé sans discontinuer «un pactole inestimable» au prix de la déportation, de la sueur et du sang des fils de l’Afrique ; de l’exploitation éhontée de ses richesses humaines et naturelles qui n’ont contribué qu’à renforcer son « ivresse de puissance » et sa conviction que la «sécularisation du mensonge» sur la taille du «gâteau africain» serait perpétuelle.

Mais, il est aujourd’hui prouvé, qu’il existe des limites à la course effrénée «de l’avoir» qui occulte et réifie «l’être» qui le produit (.) Il est tout aussi établi qu’afin d’asseoir son hégémonie économique, financière et son diktat idéologique, l’Europe n’avait d’autre choix que de se complaire pendant cinq siècles, à entériner une vision «réductionniste» de la «taille de l’Afrique», instillant dans [i «les universaux mentaux» des Africains et l’inconscient collectif des peuples du monde, une échelle indicible des valeurs qui relèguerait l’Afrique au bas de l’échelle et hisserait l’Europe en haut de celle-ci.

Le système de projection dit de Mercator maintenu pendant cinq siècles n’était donc pas dénué de la batterie d’idées reçues visant la marginalisation de l’Afrique de «la géostratégie développementale du monde» et son cantonnement, même en plein début du vingt-unième siècle au rang des continents condamnés à «ne jamais rentrer dans la civilisation».

Le discours de Dakar de l’ancien Président Français Nicolas Sarkozy sur l’homme noir s’insère dans le maillage des idées arrêtées et fixations passéistes qui continuent de donner à visualiser l’Afrique sous le seul angle de la marginalité et de l’exclusion, en vue de n’en attendre qu’une fonction de «pourvoyeuse de richesses destinées à l’essor de l’Europe».

Que dans son allocution à l’adresse des étudiants de l’Université d’Abidjan: pratiquement dans le même intervalle que la tenue du Festival de Géopolitique de Grenoble, Nicolas Sarkozy ait plaidé pour «un programme massif d’aide au développement de l’Afrique.» Ne peut, à notre entendement, paraître qu’indécent, insolite et inapproprié.

Venant du locuteur du discours de Dakar, tout Africain serait en droit de se demander si le temps était venu, aux yeux de Nicolas Sarkozy, pour qu’enfin, l’Afrique rentre dans l’histoire?».

Le choc démographique sans précédent de l’Afrique que Nicolas Sarkozy décline sous le prisme de la jeunesse du continent en ces termes: «En Afrique sub-saharienne, 75% de la population a moins de 35 ans (.) 8 à 10% de croissance ne suffiront pas, il faut créer des emplois. L’industrie africaine doit créer de la valeur ajoutée.» est vraisemblablement «un clin d’ il visant à redorer son image honnie» auprès de la jeunesse africaine dont on sait, à l’instar de nombreux africains, qu’elle ne souhaite, en aucun cas, voir même en image «le protagoniste majeur de l’assassinat du Président Lybien Mouammar Khadafi et l’instigateur actif de l’humiliation du Président élu de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo».

Celui qui prétend aujourd’hui pouvoir «favoriser des investissements d’infrastructures massifs en Afrique Subsaharienne.» doit savoir que les peuples africains n’ont pas «la mémoire courte.».

En tant que Vice-Président du CRAN, chargé des relations avec l’Afrique et des Affaires Internationales, j’avais dans la tribune sur «le Devoir de la France», attiré l’attention sur la désaffection que suscitait dans l’opinion et la sensibilité des Africains, «l’activisme économique répressif et l’autoritarisme militaire néocolonial français sous Nicolas Sarkozy».

Je prévenais à propos de la Lybie que: [i «la production en plein XXIème siècle de la capture d’un Président, fût-il dictateur et son assassinat programmé par la France, alors présidée par Nicolas Sarkozy, [était] un extrême et fâcheux précédent (.) ».] J’ajoutais s’agissant de la Côte d’Ivoire: «imposer par la force un individu jugé accommodant et propice aux intérêts de l’Occident est malsain (.). La France de Nicolas Sarkozy a adressé un message mal reçu par les Africains. Nul ne peut présager de la désaffection qui s’en est suivie.»

Il va sans dire qu’émanant de Nicolas Sarkozy, les projets envisagés pour le développement de l’Afrique, quelles que soient leur pertinence, leur générosité et leur opportunité ne peuvent être tenus par les Africains que pour des «effets d’annonce de circonstance», des «projections volontaristes de façade». Ceci, d’autant mieux que dans l’article paru sur le site de Paris Match intitulé «le succès de l’Afrique fera reculer le cancer djihadiste» le 18 mars 2016, le «nouveau défenseur du développement de l’Afrique» reste très imprécis sur «la lame de fonds» des sources d’investissements ainsi que sur leur destination. Quelle philosophie est appelée à sous-tendre lesdits investissements?

Sont- ce, comme nous le postulions: «des investissements massifs» issus des fonds du «compte d’opération logé au Trésor français» et véritablement orientés vers la redéfinition d’une relation franco-africaine ou Europe-Afrique au service d’un autre type de progrès, de développement de l’Afrique, plus sain, plus social, plus intégral?

Difficile d’y voir clair ; impossible de décrypter quoi que ce soit.

Le CRAN qui reste vigilant et s’emploie à une veille permanente sur toutes les formes de discrimination, ne peut être que sur ses gardes devant ce «regain d’intérêt focalisant la taille de l’Afrique» dont il est constant qu’elle fait depuis cinq siècles «l’objet d’une infâme et ignominieuse instrumentalisation».

Le «cancer djihadiste» dont Nicolas Sarkozy projette qu’il connaîtra un recul grâce au «succès de l’Afrique» a tous les accents d’une propagande sans lendemain..De fait, il est de notoriété quasi-indiscutable que «l’épouvantail sécuritaire» est l’une «des armes secrètes» utilisées par le Nord pour accroître sa présence militaire dans le Sud à travers la signature de nouveaux accords de coopération militaire Nord-Sud, l’établissement des bases militaires dans les pays du Sud; la densification des fournitures d’armes et autres appareils sécuritaires ; les entreprises de déstabilisation par la création de nouveaux «foyers de tension» (.). Il faut bien justifier la nécessité de cette présence(.).

Soyons sérieux! A qui profite la déstabilisation des pays du Sud?

Au-delà de la rhétorique révoltée des discours compassionnels et vexatoires condamnant les actes lâches et odieux perpétrés contre les paisibles populations du Sud, le Nord devrait pouvoir courageusement insérer «la menace djihadiste» dans le prolongement de la prolifération des armes légères et puissamment meurtrières, qui alimentent vertigineusement les comptes des lobbies d’armes à feu de l’hémisphère Nord.

Dans une interview accordée à France 2, le Ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve faisait en substance remarquer après les actes terroristes perpétrés de récente mémoire, en Belgique, qu’il est inacceptable que ce soient les lobbies de marchands d’armes qui fassent le siège auprès des gouvernements et des Institutions européennes pour retarder les mesures visant le contrôle et la maîtrise de la prolifération des armes dans le monde.

Les attentats de Bamako au Mali, Ouagadougou au Burkina Faso et très récemment de grand Bassam non loin d’Abidjan en Côte d’Ivoire, témoignent d’un «modus operandi» identique et symptomatique d’un message subliminal adressé par le Nord aux Africains: «Vous ne serez jamais en paix tant que vous ne vous soumettrez pas à «la dictée» que nous vous lirons et qu’il vous appartiendra d’écrire, sans faute. Car, il s’agira d’une dictée -copie. accompagnée d’un Nota Bene: «Malheur à qui se fourvoie, subvertit ou travestit sa copie.».

Fidélité, loyauté indéfectible, «soumission» donc «dépendance»: voilà la traduction opérationnelle de la dictée ou du diktat adressé par le Nord au Sud.

Retenez en ce que vous voudrez ! Une question subsiste : binarisme et machiavélisme seraient-ils pour longtemps encore, les maîtres-mots de la géopolitique mondiale?

Revenu des considérations que m’inspire l’évocation par Nicolas Sarkozy, de «la menace djihadiste» en Afrique, je peine contre vents et marées, à admettre qu’elle n’est pas liée à «la punition» infligée aux peuples qui osent s’affranchir de la tutelle de ceux qui les dirigent, sans requérir l’avis de leur véritable Maître situé en Occident.

-Quel développement de l’Afrique est-on en doit d’attendre dans un contexte au sein duquel perdurent les alliances mafieuses, les réseaux occultes de malfaiteurs, les pactes secrets de non-agression signés avec une engeance sans foi, ni loi en dehors de celle de l’argent?

-Reconduire une manière de statu quo où la peur le dispute aux actes de guerre commis par «les rentiers du terrorisme» n’est rien moins qu’un nouveau message à l’adresse des peuples Africains qui dit en substance: «vous ne vous développerez pas sans avoir recours à nous, sans notre secours, sans notre permission (.)».

Il convient, en vertu de ce qui précède, que les Africains s’organisent et n’attendent pas, comme c’est le cas depuis «les indépendances octroyées par l’Occident», des solutions venues d’ailleurs.

«Le collectif grenoblois» qui a eu la lumineuse initiative dès cette année de publier la première Edition des Rencontres de Géopolitique Critique, sera, nous l’espérons, une source d’inspiration pour de nombreux chercheurs africains appuyés et soutenus en cela par des mécènes africains.

L’élite africaine et les milieux d’affaires africains doivent se convaincre que «tout est lié».

Des recherches sérieuses et approfondies doivent être conduites par nos éminents chercheurs africains sous la houlette des ONG africaines et le parrainage financier des hommes d’affaires africains, lesquels doivent prendre conscience des enjeux planétaires et des opportunités insoupçonnables qu’offre dans un horizon proche, le rétablissement de la vérité sur «la taille de l’Afrique.»

Au conseil Représentatif des Associations Noire de Fran, nous avons notre idée de la véritable taille de l’Afrique. Aussi sommes-nous enclins à affirmer qu’attendre la validation de la thèse selon laquelle «le Continent Africain est le plus vaste du monde» par ceux qui, cinq siècles durant, ont entretenu «le mensonge» et convaincu la planète entière, du peu d’intérêt que revêtait la question, serait courir le risque «d’une nouvelle instrumentation, non seulement de la taille de l’Afrique, mais aussi du développement de l’Afrique».

Guy Samuel Nyoumsi, Vice-président du CRAN
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Le devoir de la France: ce qu’il me semble utile de dire.

Par Guy Samuel Nyoumsi, Vice-président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN)

J’ai, en tant que Vice-Président du Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN), sollicité la faveur d’une audience visant à soumettre à la sagacité des instances en charge de la coopération franco-africaine, les ressentiments des Africains, leurs attentes, ainsi que les suggestions dont le CRAN se fait l’écho, pour favoriser, un tant soit peu, l’éclairage «des questions qui fâchent», la levée des «équivoques», les chantiers dont la poursuite mérite d’être renforcée, tout comme la conversion co-développementale franco-africaine en mesure d’autoriser une meilleure consolidation des liens qui unissent la France à l’Afrique.

Le séjour du Président Hollande en terre camerounaise, étant aujourd’hui entré dans le registre «du passé récent», je me résous néanmoins à partager avec tous, ce qu’il me semble utile de dire.

I- DES RESSENTIMENTS:

I-1- De la voix et des intérêts de l’Afrique, bafoués par la France.
Ce qu’il me semble utile de dire est qu’une manière de désaffection de «l’hexagone» caractérise le regard que portent les Africains en général et les Camerounais en particulier, sur la coopération franco-africaine.

Le propos courant au Cameroun comme l’argumentation la plus incisive font état de ce que la politique extérieure de la France, en dépit des liens historiques et culturels avec «l’Afrique francophone», est fortement marquée par le parti résolument pris pour une Europe consumériste et soumise au diktat des intérêts de la haute finance.

L’angélisme sans doute sincère de nombreux Africains et Camerounais qui voyaient en la France «une amie fidèle, sincère et porteuse de valeurs humanitaires» a tôt fait de tomber en désuétude, ces trente dernières années au cours desquelles, la France, de l’avis des Africains, notamment subsahariens, a sacrifié sur «l’autel des gains engrangés par les multinationales de la finance», la voix et les intérêts de l’Afrique auprès de ses pairs tant Français, Européens, qu’Américains.

I-1-1- L’ère douloureuse des ajustements structurel et monétaire en Afrique Subsaharienne sous le regard passif et consentant de la France.
Les ajustements structurels imposés aux pays africains dès les années 1980, ont fortement ébranlé l’autorité de nos Etats, anéanti leur tissu économique, fragilisé voire même réifié le pouvoir d’achat des ménages, et cela va sans dire, généré une précarité et une paupérisation extrêmes des populations.

La «doxa» de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds Monétaire International (FMI) consistait en une «thérapie de choc» visant à arrimer nos économies africaines aux «standards internationaux». Il apparaît clairement aujourd’hui qu’il ne s’est agi, ni plus ni moins que d’une «atteinte à la souveraineté de nos Etats», «d’une main basse sur les secteurs productifs de l’économie des pays subsahariens», et «d’une déstructuration des investissements publics».

Au nom de la privatisation, de la baisse des salaires, de la déflation des personnels, de nombreux cadres, techniciens et ouvriers ont été réduits au chômage, les Entreprises et Administrations qui les employaient ayant été soumises à la restructuration.

Aucun des secteurs social, économique ou paraétatique n’a été épargné: les effectifs de la Fonction Publique jugés pléthoriques sont passés sous le crible du PAGE (Programme d’Ajustement Général des Effectifs). Sous «l’euphémisme indolore» de «départs volontaires», la Banque Mondiale a encouragé et financé «avec un zèle excessif» la prime de «départ volontaire», dans un contexte de récession économique incitant ceux des cadres les plus expérimentés de la Fonction Publique, à mordre à «l’hameçon de l’austérité, l’appât inespéré qui y était fixé».

Sans aucune préparation, sans aucun accompagnement, des pans entiers de ressources humaines valeureuses qui auraient dû, qui auraient pu passer le témoin de leur savoir-faire aux jeunes générations, se retrouvaient, pour avoir fait le «saut dans l’inconnu», livrés à eux-mêmes, avec un «pactole en francs CFA dont la valeur réelle était de moitié celle ayant cours sur le marché de la récession».

En clair, du fait de la parité fixe du CFA avec le Franc Français de lors, le passage de 1 FF pour 50 FCFA à 1 FF pour 100 (cent) FCFA correspondait à une dévaluation de l’ordre de 100%… Allez y comprendre quelque chose.

Au Cameroun, cette situation a été vécue dans une extrême douleur, les salaires ayant subi une coupe sombre «mécanique» de plus de 50%.

Dans ce contexte «inhumain et inacceptable sous d’autres cieux», les camerounais et bien d’autres Africains ne pouvaient que nourrir vis-à-vis de la Communauté Financière d’Afrique (CFA) des ressentiments tels que la méfiance, la défiance, l’amertume, le dépit.

Mieux, «une certitude et une conviction partagées ont conduit de nombreux Africains et Camerounais à n’entrevoir dans la dévaluation couplée aux programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale, qu’une volonté des créanciers du Nord de recoloniser l’Afrique Subsaharienne et d’anéantir l’autorité des Etats dont les programmes de développement étaient dorénavant dictés par les Institutions Financières Internationales».

La formation progressive au Cameroun de l’idée qu’« une vaste conspiration » pour ébranler le «socle granitique de l’unité» et «fissurer les acquis du tissu économique» avait été ourdie contre l’Afrique subsaharienne pour y établir, comme le souligne Eric TOUSSAINT: «un redoutable mécanisme de transfert de richesses des peuples vers les créanciers du Nord», s’est confirmée au fil des ans.

Vingt-cinq ans après la dévaluation, «l’Afrique subsaharienne saigne toujours aux quatre veines» pour rembourser la dette extérieure; le Cameroun avec.

Figurez-vous, ainsi que l’indique l’étude conduite par Eric TOUSSAINT, qu’en 2002 «la dette extérieure de l’Afrique s’élevait à 204 milliards de dollars; elle a donc été multipliée par 3.4 depuis 1980. Toujours en 2002, l’Afrique subsaharienne s’est saignée pour rembourser la somme de 13.4 milliards de dollars au titre du service de la dette (capital et intérêts)».

«Si on considère la période entre 1980 et 2002, c’est plus de 250 milliards de dollars qui ont été remboursés, soit quatre fois la dette de 1980. Ainsi, pour un dollar dû en 1980, l’Afrique en a remboursé 4 mais elle en doit encore 4. »

I-1-2-Le fardeau de la dette extérieure subsaharienne: un échec retentissant occulté par les institutions financières internationales
Passées les décennies douloureuses de la dévaluation du FCFA, «les mécanismes de transfert de richesses des peuples d’Afrique Subsaharienne vers les créanciers du Nord demeurent, permettant aux «classes dominantes locales de prélever au passage leur commission».

Qu’est-ce à dire sinon que faute de pouvoir annuler la dette dont le poids extrêmement élevé s’accroît davantage du fait de l’accumulation d’arriérés de paiement, il convient au moins de ramener le stock de la dette qui «représente ou dépasse pour la plupart des pays du continent 400% des revenus annuels d’exportation (ou quatre années d’exportation). », à son expression la plus simple.

Il serait, de fait, plus conséquent d’envisager l’hypothèse que le stock de la dette et les intérêts d’une année soient répartis sur les années correspondant à la quotité en mesure d’assurer sans défaut, les paiements du service de la dette aux FMI et autres bailleurs de fonds.

A contrario, si l’ampleur du service de la dette perdure dans les proportions actuelles, «il y a un risque que l’Afrique soit privée des investissements directs et autres flux privés» comme le soulignait déjà, il y a vingt ans (1995), un rapport du FMI.

Loin de nous la prétention de nous ériger en «donneur de leçons» à des Institutions Financières Internationales qui ont sans doute bonne conscience d’aider les Etats, mais trente-cinq ans d’ajustement structurel et dès 1999, «de cadre stratégique de lutte contre la pauvreté» n’ont permis «qu’un endettement croissant malgré le remboursement de montants importants ; un échange inégal entraînant un déficit commercial croissant; des bulletins de santé positifs du FMI pour l’Afrique par médias interposés ; des résultats diamétralement opposés aux proclamations optimistes de mise dans les communiqués officiels».

Selon un rapport de la CNUCED, 2000, P4 «Dans la période de 1975-1982, les entrées de capitaux privés représentaient 3.9% du Produit National Brut des Pays d’Afrique Subsaharienne; en 1983-1998, période de généralisation de l’ajustement structurel, elles ne représentaient plus que 1.8% du PNB, soit une chute de plus de 50% par rapport à la période 1975-1982 (période qui a précédé la crise de la dette et le début des politiques d’ajustement). »

Le scénario de la dette en Afrique est un « cercle vicieux » qui participe depuis trente cinq ans «du châtiment de Procuste» par son allongement et «du DEUS EX MACHINA Grec» par son caractère à la fois fatal et tragique.

I-1-3- Fatalité de la dette ou fatalité de l’histoire ? Des Programmes d’ajustement structurel (P.A.S.) au cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (P.P.T.E).
Notre analyse, que dis-je ? Notre observation triviale est qu’en Afrique: «Qui paie ses dettes doit s’endetter davantage s’il veut continuer à produire de la richesse qui ne servira qu’à apurer les intérêts et « peu ou prou », le capital du stock cumulé de la dette».

Si les Institutions Financières Internationales dont les technostructures se prévalent de se soucier du développement humain, poussent le cynisme jusqu’à l’aveuglement, alors, il y a lieu de désespérer de les voir mettre sur pied des mécanismes visant à «libérer les Etats et les peuples d’Afrique subsaharienne du fardeau de la dette extérieure».

Sinon, d’où viendrait-il qu’occultant de leurs analyses, études et rapports le retentissant échec des plans d’ajustement structurels, les Institutions Financières Internationales et autres pourvoyeurs de fonds aient pu rebaptiser en 1999, les politiques d’ajustement structurel sous la dénomination «Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté» et ne pas dans le même temps affirmer au monde entier, qu’elles venaient de réussir le «tour de force» d’inscrire les Etats de l’Afrique subsaharienne au tableau historiquement «incestueux» de «Pays Pauvres Très Endettés».

L’inflation et la déflation lexicales étaient passées par là: «Pays sous-développés»; «Pays en voie de développement»; «pays du Tiers Monde»; «Pays Pauvres Très Endettés» ou «Pays du quart monde» . le tour de force a vraisemblablement atteint son apogée, à travers la trouvaille inspirée du « cadre stratégique de lutte contre la pauvreté », lequel, au lieu de faire le constat d’échec des politiques d’austérité ayant inexorablement «conduit les gouvernements africains les ayant appliquées» à la paupérisation de leurs populations, «se destinait à attirer les capitaux privés indispensables au décollage économique». Pour ce faire, «les gouvernements africains étaient priés de réduire à sa plus simple expression l’impôt sur les bénéfices réalisés par les Entreprises étrangères, de permettre la libre sortie (rapatriement) des bénéfices vers la maison mère située à 95% des cas dans les pays les plus industrialisés. Une «rebetotte» en somme.

Les incitants jugés appropriés par les organismes financiers internationaux au premier rang desquels le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM) se résument en ceci que «les Gouvernements africains «offrent», gratuitement les terrains et l’infrastructure de communication aux Entreprises étrangères qui désireraient s’installer dans le pays. Si cela ne suffit pas, il leur est recommandé de créer des zones franches dans lesquelles aucun impôt n’est prélevé et où le code du travail et les contrats collectifs en vigueur dans le pays, ne sont pas d’application». En termes clairs, «Pour obtenir un flux d’investissements étrangers, les Etats Africains (doivent renoncer) à des recettes d’impôts (augmenter) certaines dépenses d’infrastructure, (offrir) des parties du patrimoine national (terrains etc.) et (permettre) le non respect de certains aspects de la réglementation du travail».

I-1-4- Le refus de la France d’interroger la faillite du P.A.S. et du cadre PPTE au sein de la zone franc.
Or, Six années après la mise en uvre des politiques d’ajustement et une année après l’instauration du «cadre stratégique de lutte contre la pauvreté» visant principalement «les flux de capitaux et la croissance en Afrique», un rapport daté de juillet 2000 sous le titre sus évoqué, édifie déjà de ce que: «non seulement les capitaux étrangers privés n’affluent pas mais les capitaux privés nationaux quittent les pays concernés en quantités de plus en plus grandes».

En tant que Vice-Président du CRAN, chargé de l’Afrique et des Affaires Internationales, il me semble utile de dire à la France que la dette impayée et querellée de l’esclavage, la dette mise en veilleuse de la colonisation, la dette extérieure perverse et «réitérative» pour laquelle saigne l’Afrique subsaharienne, et aujourd’hui, le poids de la dette intérieure, pur produit de la libéralisation en vue des «achats d’actifs étrangers par les résidents africains» participent d’une même «rengaine»: mettre sous «coupe réglée» les économies africaines, notamment subsahariennes; instrumentaliser les Etats aux fins de les démunir de toute souveraineté, favoriser «un capitalisme privé africain délictueux et infâme à la solde et à la merci des créanciers du Nord».

I-1-4-1-La fuite endémique des capitaux africains, issue de la « libéralisation : véritable boîte de Pandore » de la corruption et des détournements de deniers publics en Afrique.
De fait, «la levée des contrôles sur les mouvements de capitaux ordonnés par le FMI et la Banque Mondiale», s’est avéré une source importante d’instabilité. Rubens Ricupero, Secrétaire Général de la CNUCED faisait déjà remarquer en 1998 dans un rapport intitulé: «Le développement de l’Afrique: une approche comparative».

«La libéralisation des opérations en capital a peu de chances de faire revenir les capitaux fugitifs qui, selon certaines estimations, représentent 70% de la richesse privée non foncière dans les pays subsahariens. Ces capitaux semblent constitués surtout de deniers publics détournés illicitement, plutôt que de revenus industriels et commerciaux à la recherche de stabilité économique ou de rendements élevés à l’étranger. La modification de la réglementation bancaire des pays développés où ces capitaux sont dissimulés pourrait avoir des résultats positifs à cet égard».

L’extrait qui précède souligne fort à propos l’échec des politiques d’ajustement structurel, lesquelles, «Loin de lutter contre la corruption, la facilitent et l’augmentent. Loin de réprimer les détournements et le recel.les encouragent ne serait-ce que passivement.».

Davantage, les principes de l’ajustement structurel selon lesquels, les capitaux privés sont le moteur du développement ne se vérifient pas pour l’Afrique. A ce sujet, la CNUCED expliquait dès juillet 2000 que : «les apports privés, notamment l’Investissement direct à l’étranger (IDE), ne mènent pas à la croissance mais la suivent».

Eric Toussaint relève y relativement: «comme la croissance ne vient pas d’elle-même, c’est aux capitaux publics qu’il revient de pallier le manque de ressources» citant la CNUCED, il réitère: «l’impulsion première ne peut venir que de sources publiques de financement et devra s’accompagner d’une politique tenant compte de la nécessité non seulement de faire jouer les mécanismes du marché, mais encore de consolider le rôle de l’Etat et de renforcer les institutions».

Or, l’application des politiques d’ajustement structurel dictées par la Banque Mondiale et le FMI s’est concrétisée par: «une diminution des apports publics extérieurs, une diminution des apports privés extérieurs et une augmentation de la fuite des capitaux africains vers les pays les plus industrialisés». Dans un tel contexte, il est difficile d’éviter les révoltes, soulèvements des peuples dont la souffrance et le dénuement poussés à l’extrême ne peuvent servir que d’aiguillons à «la purgation des passions» et au déchaînement de la violence. Les «boucs-émissaires», recrutés dans «la classe locale dominante et prédatrice» sont alors indexés et livrés à la vindicte populaire, et les pays en proie au chaos.

Notre avis est que les racines profondes et souvent inexpliquées des crises en Afrique subsaharienne résident moins dans les processus démocratiques que dans l’application des politiques qui contraignent «Les gouvernements du sous-continent» à être littéralement sous la coupe du FMI, de la Banque Mondiale, du Club de Paris etc. alors même que «les avoirs de l’Afrique déposés à l’étranger sont supérieurs à la dette», ainsi que de nombreuses études l’ont démontré, sans que ce dernier aspect ne soit suivi de conséquence.

I-2-Le rôle de la France jugé pour les uns «velléitaire» «minimaliste ou réductionniste et pour d’autres «inhibiteur» voire «dévastateur».
La France qui partage depuis 1948 avec ses anciennes colonies subsahariennes, la Communauté Financière Africaine (CFA) a le devoir d’interroger «la légitimité morale et juridique de l’obligation de rembourser la dette» pour une unique et simple raison: le maintien de la zone franc.

La dévaluation du FCFA a, par un mécanisme dont le trésor français détient le secret, modifié la parité vieille de 46ans. En 1959, année de la création du nouveau franc, 1FF équivaut à 50FCFA. Le 1er janvier 1994, suite à la dévaluation de 100%, le Franc Français vaut désormais 100 FCFA. Le 1er janvier 1999, la parité du FCFA s’établit à 655.957 FCFA pour un (1) euro. Les conséquences désastreuses au plan social et économique ont été, sinon mésestimées, du moins sous-estimées par les statistiques comparatives macro-économiques. Ces dernières supputent notamment que la zone franc (des colonies françaises d’Afrique) à mieux réagi aux difficultés rencontrées lors des tentatives d’ajustement réel et face aux chocs extérieurs: hausse du dollar par rapport au franc français (FF), baisse des cours de nombreuses matières premières.

Si la stabilité et la garantie de convertibilité sont demeurées des atouts indéniables, «la zone franc depuis aujourd’hui cinquante-sept (57) ans, a mis « la charrue avant les b ufs».

L’intégration monétaire a précédé l’intégration économique, tant et si bien que, mesurés à l’aune des flux commerciaux intra-zone, ces derniers ne représentent que 10% pour les pays de l’UEMOA (l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et 6% pour les pays de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale). «L’intégration monétaire n’a pas été suffisante pour compenser des handicaps structurels majeurs: une structure d’exportation centrée sur des produits peu transformés, des infrastructures insuffisamment développées, des marchés étroits, de nombreux obstacles aux échanges.».

Ce constat pertinent de francis KERN et Claire MAINGUY se double d’une préoccupation constante aux yeux de nombreux africains: «la perte d’indépendance que le fonctionnement de la zone franc implique, dans certaines circonstances, en matière de politique monétaire».

Les perspectives d’évolution de la zone franc porteront d’une part «sur l’opportunité ou non d’introduire plus de flexibilité dans la détermination des taux de change de façon à avoir une certaine marge de man uvre en cas de chocs externes ; et de l’autre, sur la question des relations monétaires de la zone franc avec le Nigéria qui est le principal acteur commercial dans la région».

Même en se donnant la peine de faire passer par pertes et profits, les cinquante-sept (57) ans de ce qui à n’en point douter, est «un mécanisme de coopération monétaire original, en vertu du rôle de tiers-garant de la France au sein de la zone franc, les Africains ne se sont jamais départis de l’idée que les indépendances africaines demeurent jusqu’à nos jours «illusoires» en «l’absence de politiques monétaires conduites souverainement par les Etats Africains». La zone franc constitue à leurs yeux une tutelle monétaire qui vient plomber, conjuguée au «service de la dette», toute velléité de croissance en Afrique subsaharienne. La règle est consacrée qui n’honore pas la zone franc: «Plus un pays africain est pauvre, plus grande est la part de sa dette détenue par les institutions financières internationales (IFI) et les Etats du Nord».

Selon les statistiques de la Banque Mondiale, datant de 2001: «72% de la dette publique externe du Niger étaient dus aux IFI; tel était le cas pour 88% de la dette du Burundi, pour 87% de la dette Rwandaise, pour 73% de la dette Centrafricaine, 82% de la dette du Burkina – Faso».

Il est aussi notoirement connu, surtout en ce qui concerne les anciennes colonies françaises, qu’une partie considérable de l’aide publique au développement octroyé par les pays du Nord, est utilisée par les pays endettés pour rembourser les IFI. Dans ces conditions, d’où viendrait la croissance?

I-5- L’incapacité de la France de passer de la tutelle monétaire en Afrique à une tutelle de développement de l’Afrique.
La France a le devoir historique de repenser son rôle de «tiers – garant» au sein de la zone franc et se positionner en partenaire solidaire, sincère et soucieux du développement économique de ses anciennes colonies. Cinquante-sept ans de fréquentation monétaire commune l’y oblige. Cinquante-sept ans de coopération et d’accords qui, s’ils n’avantageaient pas la France, les IFI et les créanciers du Nord, seraient frappés de caducité. Nul ne s’y méprend.

L’heure est venue de mettre un terme à l’iniquité, à l’inéquité et à la permissivité qui ont pour noms : l’évasion des capitaux privés africains, la révision des règles de fonctionnement des avoirs déposés sur le compte d’opération ouvert au Trésor Français, le poids rendu insurmontable du service de la dette.

Ne pas conduire une réflexion visant la «reconversion du regard et des actions de la France», à l’endroit de l’Afrique et principalement de ses anciennes colonies, serait préjudiciable à la dynamique mondiale de l’heure qui est à «la réinvention d’un nouveau modèle de développement affranchi des dégâts collatéraux du consumérisme et du diktat de la haute finance».

La France y gagnera énormément et l’Afrique aussi. C’est pourquoi, les attentes des Africains, au-delà des ressentiments et de la défiance largement répandus, témoignent de l’intérêt et de l’attachement qu’ils continuent à manifester pour la France.

En Afrique, «on sait pardonner parce qu’on sait donner. Mais en vertu de la survivance de nos traditions orales encore vivaces dans la mémoire des peuples, on oublie pas. C’est aussi pourquoi on sait attendre.»

II-DES ATTENTES

II-1- Postulation pour un développement technologique et économique de l’Afrique tourné vers les valeurs déterminantes de la place de l’être humain et de son action dans le monde.
Nous voulons entrer dans le second volet de notre triptyque «ce qu’il nous semble utile de dire», en partageant avec vous ces lignes inspirées de l’encyclique LAUDA TO SI du Pape François sur la Sauvegarde de notre MAISON COMMUNE:

«On a tendance à croire «que tout accroissement de puissance est en soi «progrès», un degré plus haut de sécurité, d’utilité, de bien-être, de force vitale, de plénitude des valeurs», comme si la réalité, le bien-être et la vérité surgissaient spontanément du pouvoir technologique et économique lui-même. Le fait est que «l’homme moderne n’a pas reçu l’éducation nécessaire pour faire un bon usage de son pouvoir», parce que l’immense progrès technologique n’a pas été accompagné d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeur, en conscience. Chaque époque tend à développer peu d’auto-conscience de ses propres limites».

Ces lignes dont la pertinence jaillit d’elles-mêmes, posent la thématique d’ensemble du «paradigme technologique, la place de l’être humain et de son action dans le monde» qui, réunis, constituent l’épineuse question du modèle de développement dont l’Afrique a besoin.

Le transfert des technologies, l’acquisition des savoir-faire, la compensation ou le rattrapage du déficit énergétique indispensable à l’industrialisation et à la transformation des produits de matières premières, le développement de l’Agriculture et l’appropriation des savoirs visant la transformation saine des produits agro-alimentaires, agro-industriels, la question des énergies renouvelables, la maîtrise du potentiel hydraulique à travers non seulement la vulgarisation des technologies appropriées, mais aussi, l’éducation à l’environnement inférant la nécessité de mettre en lumière l’idée que «l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains».

Autant de chantiers, autant d’attentes, autant de défis dont il convient de dire qu’ils sont loin d’être exhaustifs, mais ne peuvent être mis en train en vue de leur réalisation, que si des préalables tenant lieu le conditionnalités ne sont véritablement réunis.

Ces préalables concernent l’éducation citoyenne, démocratique et environnementale des ressources humaines africaines présentes et futures, les formations professionnalisantes novatrices tournées vers le développement humain intégral et l’inclusion sociale, la mobilisation des ressources financières endogènes, exogènes des peuples et «diasporas» africaines à travers des projets structurants pensés, partagés et sous tendus par [ «une dynamique participative intéressée et soutenue par les Etats Africains»].

II-2- Postulation pour la nécessaire redéfinition d’une relation franco-africaine au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral.
C’est dans ce cadre que les attentes des Africains sont les plus pressantes et que le concours de la France, pourrait autoriser une redéfinition de la relation franco-africaine, une révolution de la pensée et de l’action de la France vis-à-vis de l’Afrique.

Conscient de ce que «les avancées de la science et de la technique ne sont pas équivalentes aux avancées de l’humanité et de l’histoire.», nous sommes d’avis que la France doit oser pouvoir peser de tout son poids en Afrique, pour que soit possible «un élargissement nouveau du regard» porté sur l’idée que: «la liberté humaine est capable de limiter la technique, de l’orienter, comme de la mettre au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral». Ce challenge est indispensable. Il est la condition sine qua non du changement de la «matrice» des rapports franco-africains en mesure de permettre qu’une nouvelle ère émerge des cendres et ranc urs de la colonisation, des ressentiments du néo-colonialisme, des psychoses tutélaires et traumatisantes de l’appartenance à la zone franc.

Cette ère nouvelle, fondée sur «la reconnaissance de nouveaux horizons éthiques, implique une révolution politique et culturelle courageuse» de la part de la France et des Etats Africains qui, faut-il le dire, ne sont pas exempts de tout reproche, bien au contraire.

A la faveur du «Dégel», ayant favorisé le démantèlement du « Bloc de l’Est, la «chute du mur de Berlin» en Allemagne, «la Perestroïka» en Russie, la fin de «la guerre froide», les processus démocratiques africains entamés depuis «le sommet de la Baule» sous François MITTERAND, ont dans un engrenage digne d’une secousse sismique, ouvert «la faille» d’un monde unipolaire, précurseur de «la globalisation» actuelle.

La mouvance ainsi déclenchée dont «l’onde de choc» s’amplifiera sur près de deux décennies (1980-2000) sera estampillé en Afrique du sceau des «conférences nationales souveraines», émanations claires de la reconfiguration du géo-système libéral piloté par les Etats-Unis d’Amérique (U.S.A) et entériné par l’Europe.

La problématique qui traverse les Etats Africains alors englués dans l’impréparation et «les conservatismes inhérents aux systèmes de gouvernance monopartistes», se déclinait en une alternative qui consistait, soit à s’ouvrir au «vent de l’Est dans l’impréparation» ou alors «tenir ferme le statu quo ante de la stabilité assurée par «les partis uniques» et s’ouvrir progressivement au multipartisme». Les choix opérés seront à «géométrie variable» et la «fortune démocratique» des États Africains aussi.

Mais ce qu’il est utile de dire, c’est que les processus démocratiques sont restés depuis lors tributaires d’une «forme de vassalité» qui induit, moins le choix des électeurs que celui dicté par les anciennes puissances coloniales occidentales. L’adoubement des chefs d’Etats bien ou mal élus par les Nations – Unies, la France et/ou les Etats-Unis d’Amérique, est à bien des égards, l’indicateur majeur qui détermine la régularité des élections en Afrique subsaharienne.

II-2-1- Postulation du passage «du droit d’ingérance» puis du «devoir d’ingérence» au dialogue des cultures des peuples et de leur histoire singulière.
La France, dont nul n’ignore la forte tradition diplomatique dans le concert des Nations, n’a jamais cru devoir modifier les grandes lignes de sa politique extérieure africaine depuis le Général de Gaule. Ses anciennes colonies continuent d’entretenir des liens «quasi fusionnels» avec «la métropole» dont «le conseil», «l’avis», «les réserves» ou «les directives» sont pris en compte, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement suivis à la lettre. Il est dès lors compréhensible que les rapports de coopération entre l’ancienne puissance tutrice et les pays africains francophones, s’apparentent à ceux qui régissent «le Maître et ses élèves»; le Maître donnant des bons points et satisfécits aux «meilleurs élèves», entendez ceux qui au-delà du suffrage universel des peuples, sauvegardent les intérêts de la France, et sanctionnant parfois très sévèrement «les récalcitrants et entêtés» qui osent s’écarter ou piétiner «le pré carré».

Le retour à «l’ordre établi»] depuis 1948 par la France, quelque soit i «la fortune» des Etats Africains où cet ordre règne, est une préoccupation vitale et impérieuse de politique extérieure franco-africaine. Certes, «une accommodation» faite de mesures cosmétiques s’est opérée au fil des cinquante-sept dernières années: des «répressions sanglantes et meurtrières coloniales» destinées à soumettre les peuples africains revendiquant leur autonomie, la France est passée dans la période post-indépendante, à «l’interventionnisme armé tous azimuts» censé rétablir «la légalité républicaine» partout où elle était à ses yeux, menacée, piétinée ou remise en cause, pour finalement s’ériger en «bras armé» des potentats qu’elle avait imposés aux peuples africains, lorsque ceux-ci n’étaient pas en mesure de «réprimer les foyers d’insurrection qui s’embrasaient» ici et là, du fait de leur «illégitimité», ou de leur «gouvernance jugée calamiteuse».

La ligne de force de toutes les mutations de la diplomatie extérieure franco-africaine ne s’est jamais départie «des intérêts de la France».

Du «paternalisme autoritaire et fouettard» de la France, au «paternalisme bienveillant» en passant par l’interventionnisme républicain au nom de la liberté, de la paix civile et des valeurs humanistes inhérentes au bien-être des peuples, «la longue marche de la coopération franco-africaine et de la politique extérieure africaine de la France a toujours été émaillée de gestes, faits et haut-faits dont il ne nous semble pas utile de faire l’inventaire.» En revanche, la reproduction en plein XXIème siècle de la capture d’un Président, fût-il dictateur, et son assassinat programmé par la France alors présidée par Nicolas Sarkozy est un extrême et fâcheux précédent.

II-2-2- Postulation pour que soit mis un terme en Afrique au soutien des rebellions instrumentalisées par les intérêts économiques et technologiques oligopolistiques.
Avec l’onction des Nations-Unies et une coalition de l’OTAN conduite par la France et l’activisme Onusien et International du Président Nicolas SARKOZY, la Libye a connu des heures dantesques et apocalyptiques dont l’unique but était moins de libérer le peuple libyen que d’évincer la dictature du Colonel MUHAMAR KHADAFI, devenu par «ses frasques et son arrogance» infréquentable. Le soutien armé des rebelles depuis Benghazi n’a pas suffi. Les convoyages, en plein désert du Sahara, de Charters d’armes légères et sophistiquées destinées aux troupes et bandes d’insurgés non plus. Il a fallu le feu nourri des bombardements aériens sur les cibles répertoriées à l’avance : les bases militaires, bunkers, caches d’armes, chars d’assaut etc., et les résidences du «Guide» Lybien, pour faire plier les troupes favorables au Colonel KHADAFI. Le bilan inestimable en pertes matérielles, infrastructurelles et humaines civiles n’a jamais ému qui que ce soit. Seul l’objectif de déchoir KADHAFI importait. Trop d’intérêts européens bénéficiant de «la chute du dictateur» étaient en jeu. Le relativisme ambiant, orchestré avec maestria par «une médiatisation outrancièrement manichéenne a légitimé l’assassinat par des puissances occidentales mues par des intérêts avoués» d’un chef d’Etat en fonction et aux prises avec une rébellion locale.

Ceci est indéniable par delà toutes les conjectures pseudo-éthiques et/ou justificatives d’un «humanisme à l’eau de rose».

Il est tout aussi indéniable que la vérité des chiffres sur le désastre causé à la Lybie aux plans infrastructurel, matériel, humain, économique et politique, tout comme la déstabilisation de la bande sahélo-saharienne, sera du fait de la culture du relativisme dominant, reléguée dans le meilleur des cas, au rang de dégâts collatéraux utiles au pire, « de résidus » issus de la logique implacable de la nécessité; «la fin justifiant les moyens, ou plus trivialement: «on ne fait d’omelette sans casser les ufs».

Pourtant, il s’agit d’un désastre au c ur de l’Afrique. «La chute de KADHAFI» prélude, de l’Afrique du Nord au Soudan, jusqu’aux tréfonds de l’Afrique Subsaharienne, à la naissance, à la maturation et à la recrudescence des groupes armés qui écumeront pendant des décennies, la bande sahélo-saharienne, mettant en péril, la stabilité des Etats, la paix civile et compromettant le développement économique des pays africains.

Était-ce là l’objectif recherché par la France de Nicolas SARKOZY ? Toujours est-il que «le soutien apporté à tous les groupes rebelles locaux africains qui réussissent à s’auréoler peu ou prou de dénominations «avantageuses» telles «front du salut», «Parti nationaliste», «Front de libération», etc. ne contribue qu’à desservir les populations et à instaurer l’anarchie voire le chaos».

La Lybie, après l’assassinat de MUHAMAR KHADAFI l’illustre parfaitement. Le silence complice des médias européens et français sur les dommages incommensurables causés au peuple lybien participe de la logique qui accorde la priorité aux intérêts de circonstance, rendant tout le reste relatif. ». C’est la même logique du «utilise et jette» qui caractérise «le paradigme technologique et économique dominant». Pourtant, il est prouvé au quotidien que «s’il n’existe pas de vérités objectives ni de principes solides hors de la réalisation de projets personnels et de la satisfaction de nécessités immédiates, quelles limites peuvent alors avoir la traite des êtres humains, la criminalité organisée, le narcotrafic, le commerce des diamants ensanglantés et de peaux d’animaux en voie d’extinction?» assurément aucune.

II-2-3- Postulation pour qu’une manière d’anthropologie politique fondé sur l’idée que le développement en Afrique suppose «un processus historique dans un contexte culturel»
Le déferlement des immigrés que l’Europe peine à contenir, la main mise des factions rivales sur la politique lybienne et l’économie, la montée de l’islamisme armé en quête d’ancrage territorial, d’enraciment et d’expansion idéologique, la menace croissante de la terreur perpétrée par des bandes puissamment armées qui hantent du sahara au Soudan, l’Afrique, sèment le désarroi et compromettent la paix civile, sont autant de succédanés de «l’ingouvernabilité actuelle de la Lybie».

La France, dont la responsabilité ne peut être occultée quant à la désintégration de la Lybie et ses conséquences tant au Mali, au Niger, au Tchad, au Cameroun, au Nigéria, qu’au Soudan, doit à présent, reconsidérer les paramètres de sa politique extérieure en Afrique.

Les africains ont mal vécu «la chute de KHADAFI» et son assassinat, tout comme ils ont éprouvé un vif ressentiment et une profonde révolte lors de l’intervention française qui a conduit à l’arrestation du Président élu de la Côte d’Ivoire, Laurent GBAGBO. Voler au secours d’un Etat lié par des accords de coopération avec la France est compréhensible. Imposer par la force «un individu jugé accommodant» et «propice aux intérêts de l’Occident» est malsain.

La France sous Nicolas SARKOZY a adressé un message mal reçu par les Africains. Nul ne peut en effet présager des conséquences de la désaffection qui s’en est suivie. Il reste que le sentiment général et amplement partagé militait et continue de militer pour un changement de politique extérieure de la France en Afrique.

«La France doit tout en sauvegardant ses intérêts, éviter d’imposer aux peuples africains, l’image disgracieuse et humiliante de leurs chefs d’Etats, au nom d’une alternance de surface». Ce qui incombe à la France, c’est de revisiter voire reviser en profondeur «le logiciel de ses accords de coopération» tournés vers les intérêts de la haute finance, pour les réorienter en vue du développement de l’Afrique.

«L’Afrique est l’avenir de la France»; la France est condamnée à faire de l’Afrique «une alliée sûre et fière des avancées auxquelles elle aura contribué à favoriser. ». C’est pourquoi, il est urgent et nécessaire de cesser d’appliquer une politique étrangère basée sur «la dictature des urnes» pour entrer dans la voie «du dialogue des cultures, une manière d’anthropologie politique qui respecte le choix des peuples, même si ceux-ci se trompent.»

Il est utile d’asseoir non pas des scénarios de conflits, mais ceux de l’acceptation «de ceux que les peuples choisissent pour les gouverner». En Afrique, la contre production de l’application des schémas établis à l’extérieur, a montré ses limites, parce que ces derniers n’incluaient pas la perspective des droits des peuples, des cultures, ainsi que la compréhension que le développement d’un groupe social suppose: «un processus historique dans un contexte culturel».

Il incombe à la France, d’être attentive et perspicace afin d’appliquer en Afrique «un modus operandi» nouveau, respectueux des valeurs qui constituent le socle historique et culturel des peuples africains, et en mesure de déployer tous les voies et moyens propices au développement de l’Afrique.

Le développement de l’Afrique avec le concours actif de la France, servira la France et contribuera durablement à «panser les plaies et blessures» d’une relation tumultueuse certes, mais à laquelle l’Afrique reste profondément attachée.

Le devoir de la France, au-delà du lien affectif profond distillé par les valeurs humanistes de la langue, de la culture et de l’histoire françaises, est d’inventer une nouvelle approche des accords de coopération franco-africaine donnant la priorité à l’idée qu’il est dans l’intérêt de la France et de l’Afrique d’entrer dans «le cercle vertueux» qui veut que «participer au développement de l’Afrique, à la lutte contre la pauvreté en Afrique, au progrès du Continent, à l’expérimentation de nouvelles sources d’énergie, et à l’émergence des énergies renouvelables comme à la préservation de l’environnement», sont un challenge que la France, a dans l’urgence, la capacité de tenir et l’Afrique, la volonté d’accomplir.

Le Conseil Représentatif des Associations Noires de France dont je suis le Vice-Président, chargé des relations avec l’Afrique et les Affaires Internationales, reste persuadé qu’il est du devoir de la France de s’approprier en guise de programme pour les siècles futurs de sa devise: LIBERTE – EGALITE – FRATERNITE dont Alphonse de LAMARTINE disait déjà, après la Monarchie de Juillet et le Directoire, que cette triade est «l’évangile de la raison humaine». Elle le demeure.

Le troisième volet de notre triptyque afférent à ce qu’il nous semble utile de dire, relativement au devoir de la France, fera l’objet d’une parution exclusive dont les grandes lignes souligneront «la nécessité que: la France des peuples ait la claire conscience de l’importance de la France pour l’Afrique et l’importance de l’Afrique pour la France». La vérité libère.

La France, «encagoulée» dans la tradition vieille de plus de cinquante-sept ans de préjugés et d’idées reçues, doit cesser de présenter l’Afrique à ses populations comme «une éternelle assistée» n’ayant aucun intérêt pour Elle.

En libérant «le peuple français» de préjugés et contrevérités enracinés dans l’historicité idéologique coloniale et post indépendante, en favorisant l’adhésion des français au «renouvellement du regard porté sur l’Afrique», la France et ses futurs gouvernements, fussent-ils de «droite» ou de «gauche», seront eux-mêmes libérés et par conséquent aptes à participer au développement de l’Afrique, comme s’il s’agissait d’y inscrire la marque dans les consciences, de leur modèle de qualité de savoir-faire et de savoir-être.

En clair, il faut que soit révolue l’ère des projets dispendieux, faramineux et sans lendemain, pour ceux pérennes, qui impactent la croissance de l’Afrique et renforcent le respect et la considération que les Africains ont pour la France.

Guy Samuel Nyoumsi
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Boko Haram ou le terrorisme à la conquête de l’Afrique: Réaction du CRAN

Par Guy Samuel Nyoumsi, Vice-président du CRAN et président de solidarité Africaine de France (SAF)

Les activités de Boko Haram depuis 2009 dans la région située au Nigéria et aux frontières du Niger, du Cameroun, du Tchad et ses actions s’étendent jusqu’au Mali.

Du Nigéria au Cameroun en passant par le Mali, le continent africain serait actuellement en proie à de nombreuses attaques attribuées à un groupe Islamique dénommé Boko Haram.

Il s’agirait d’une organisation salafiste basé au Nord-Est du Nigéria et qui se serait formée en 2002. Ce groupe terroriste composé d’environ 8000 hommes met en danger la sécurité régionale des pays voisins du Nigéria. C’est dans cette optique qu’elle aurait régulièrement procédé à des attaques, des enlèvements et à des massacres sur des populations civiles.

Pendant de nombreuses années ses actions violentes l’opposent fréquemment aux forces de sécurité du pays et se seraient souvent soldées par l’échec des services de l’État. Il y a eu l’agression de Bornou mais c’est surtout les attaques simultanées dans plusieurs villes du Nigéria à partir de 2009 qui vont faire basculer cette jeune organisation terroriste dans la violence et contribuer à la faire connaitre sur le plan international avec un bilan de 3600 morts, essentiellement des civils.

Les années 2013 et 2014 ont été les plus marquantes. Pour donner un exemple d’attaque, le 10 janvier 2015 Boko Haram aurait engagé toujours au Nigéria une offensive dans 16 localités du pays détruisant au passage les rives du lac Tchad et aurait enlevé 185 personnes dont des femmes et des enfants. Autre exemple, le 18 décembre 2014, il aurait tué 32 personnes à Gumsuri sans compter les enlèvements de 200 jeunes filles dans les lycées.

Aujourd’hui, Boko Haram a donc décidé d’agir non seulement dans pratiquement toutes les régions du pays mais elle s’étend désormais à l’extérieur et expose en particulier les pays frontaliers du Nigéria à une grande insécurité. Si le Niger et le Tchad ne sont pas encore atteints, les incidents à répétition au Nigéria, au Mali et au Cameroun ne les laissent pas indifférents.

Au Mali en avril 2012, certains membres de Boko Haram se seraient joints aux mercenaires religieux et auraient ainsi participé à l’attaque du consulat algérien à Gao, opération qui se serait soldée par l’enlèvement d’un diplomate Algérien et de ses collaborateurs.

Au Cameroun on entend parler de Boko Haram pour la première fois lorsque l’organisation procède à l’enlèvement de touristes Français venus visiter le parc touristique. Elle s’attaque ensuite à un camp militaire située à l’extrême Nord du pays (précisément à kolofata) faisant 143 morts dont un soldat Camerounais tué.

Son mode opératoire semble être rodé puisqu’il présente partout les mêmes caractéristiques : sièges, menaces, enlèvements, destructions.
Cette organisation est également à l’origine des déplacements des populations : au moins 1.5 millions à Baga au Nigéria, enlèvements de femmes, massacre des enfants. Le bilan aujourd’hui serait lourd : plus de 13000 morts (insurgés, force de l’ordre et civiles compris) et 1.5 million de déplacés.

Face à cette menace devenue permanente, les défenses s’organisent. Si les aides internationales sont envisagées, c’est surtout une solution régionale qui serait fortement envisagée de façon récurrente.

1. Combattre Boko Haram : une réponse régionale vivement souhaitée
En attendant que cette organisation terroriste, composée de mercenaires religieux, avides de pouvoir et d’argent facile, et ses membres soient traduits devant la Cour Pénal international pour ce que le Président Hollande et le secrétaire d’État américain qualifie de « crime contre l’humanité », une réponse régionale au terrorisme Boko Haram est souhaitée. Sur ce plan, certaines autorités africaines comme le Président Ghanéen John Dramani actuel président de la CEDEAO propose une réponse régionale et souhaite qu’un plan d’action local soit rapidement mis en place pour aborder la question.

Le sous-secrétaire d’État des Nations Unis, Monsieur Adamou DIENG, souhaite une riposte collective et régionale pendant que sur la même idée, le Président Ghanéen souhaite un plan d’action rapide.

Première grande action d’envergure est celle qu’a menée l’armée Tchadienne : L’objectif est de libérer la ville de Baga, ville du nord-est du Nigéria située sur la rive droit du lac Tchad qu’avait assiégé Boko Haram causant 1.500 millions de déplacés semblerait être atteint.

Selon jeune Afrique, l’armée Tchadienne se dirige vers le Cameroun suite à l’accord conclu entre le Cameroun et ce pays.

Autre grande action toujours engagée par le Tchad : l’offensive menée dans le nord du Cameroun par la force d’intervention de l’armée Tchadienne visant à mettre ce groupe terroriste africain hors d’état de nuire.

2. Aide internationale : contrepartie imposée ou contrepartie négociée
Bien entendu, lorsqu’un imprévu survient comme celui-là, chaque pays avec son organisation doit d’abord faire face, avant de faire appel aux autres.

C’est ce qu’a fait le Cameroun. Alors qu’il mobilise déjà son armée du côté de la presqu’Ile de Bakassi, le Cameroun, confronté aux actions terroriste de Boko déploie son armée pour affronter cette difficulté nouvelle à laquelle elle doit pourtant faire face.

Concernant les interventions extérieures, celle de l’ONU semble pour l’instant à exclure quand on voit les exemples du Mali et la code d’ivoire.

Pour l’instant et à ce stade, c’est l’incompréhension qui règne sur l’attitude du Nigéria face à Boko Haram. Ce pays ne semble pas déployer tout son potentiel militaire pour combattre Boko Haram comme cela devrait être le cas. Alors que celle-ci mène des actions terroristes de grande envergure à l’intérieur de son pays et tente de s’étendre dans les pays limitrophes, le Nigéria ne manifeste aucune velléité à combattre cette organisation illégale.

Quant au soutien international, on apprend par le figaro du 16 janvier 2015 que La Russie aurait décidé d’apporter son soutien au Cameroun pour combattre le groupe islamique armé Boko Haram en fournissant des armes modernes à l’armée Camerounaise, c’est ce qui ressort de l’entretien entre le président Paul Biya et l’ambassadeur de Russie.

De même l’Allemagne aurait promis son aide au Cameroun.

Face à ces questions sans réponses, d’autres questions fusent: qui est vraiment Boko Haram ?

Comment une organisation terroriste composée d’environ 8000 Hommes a pu survivre de 2002 à ce jour alors que pour leurs seuls frais d’alimentation journalière il faut compter la somme de 80.000 € par jour (à raison de 10 € par homme)?

Qui fournit Boko en arme ? A quel prix ? Qui a fourni les armes avec lesquelles le groupe s’est entrainé pendant toute sa phase de démarrage ? Qui fournit l’argent pour qu’elle s’équipe. Qui se cache derrière Boko ?

Au final Boko Haram est -elle une réalité ou une fiction ?

Boko Haram serait-il seulement une simple manifestation du marketing international ? qui consisterait à créer un besoin à partir d’éléments latents, à orienter ainsi les consommations ?

Si nous respectons le côté commercial de la démarche, nous ne pouvons néanmoins nous empêcher de nous interroger sur la pertinence de vendre à des états aux PIB les plus bas, à l’économie exsangue et au niveau de vie les plus bas des produits liés à leur peur.

Pourquoi ne pas leur vendre des produits dont ces pays auraient réellement besoin. Nous pensons réellement à des produits éducatifs, tout en se réservant le service après-vente ?

Cela permettrait aux populations de ces pays de chercher du travail chez eux et d’y rester au lieu de se lancer dans des projets de départs vers l’occident où la précarité par exemple peut altérer fortement leur rêve d’une vie meilleure.

C’est la raison pour laquelle, il est important que les responsables politiques, économiques africains comprennent qu’il est plus judicieux d’apporter une réponse commune pour combattre militairement ces nouveaux mercenaires africains et une réponse commune pour combattre la pauvreté endémique en donnant du travail à la jeunesse africaine. Ainsi, elle ne sera plus tentée de rejoindre ces vendeurs de la mort et du chaos que représentent Boko Haram.

Ci-joint le coup du matériel militaire dont Boko Haram est supposé se servir. Cette liste est faite sous réserve des prix des matériels lourds comme les avions, les hélicoptères et autre.

Equipement militaire :
-Tenue de camouflage : 70 €
-Treillis 70 €
-Pantalon 60 €
-Bache cam 45 €
-Hamak commando 44 €
-tente biplace 50 €
-tapis de sol autogonglant 30 €
-Douche solaire 10 €
-Gamelle 6€
-Protection faciale tankiste
-Douche solaire 9€
-Sac de couchage 90 €
-Un avion militaire (type latécoere) 300.000€
-Frégate 250 millions
-Patrouilleur : 5 milliard
-Fusil d’assaut

On se souvient que par une résolution 2100 le Conseil de sécurité des Nations Unies avait créé une mission pour la stabilisation au Mali, laquelle prenait le relai d’un autre organisme des Nations Unies (MISMA) qui est toujours au Mali à ce jour.

Guy Samuel Nyoumsi
diasporaenligne.net)/n