Séjour du Président en Suisse: «Paul Biya devrait rêver de faire de Yaoundé une Genève d’Afrique» (Xavier Messè)

Nos confrères de la RTS (Radio télé suisse), organe national d’information ont consacré leur émission « Forum » de samedi dernier au séjour du président Paul Biya à Genève. Ce fut un modèle de professionnalisme journalistique dans le traitement équilibré de l’information. Chaque membre du panel devait analyser le séjour et le départ précipité du chef de l’Etat du Cameroun sans débordement ni passion, dans un angle relatif à son profil professionnel.

Sylvain Thévoz, député helvétique est l’homme qui avait déclenché la machine d’expulsion du président camerounais. Il avait réuni en quelques jours 12 mille signatures. Philippe Currat est avocat; Laurent Wehrli est conseiller national au Canton de Genève ; Manon Schick est Directrice générale d’Amnesty international Suisse.

De ce plateau sélectionné, nous avons compris mieux pourquoi la Suisse a poussé le président Paul Biya vers la sortie de son territoire. Des manifestations et incidents à répétition, provoqués par la présence du président camerounais à Genève, le soutien des habitants de la ville, ont fini par amener la Confédération helvétique à lâcher un des meilleurs clients de l’hôtel Intercontinental.

Certains analystes politiques ont expliqué que la Suisse, en expulsant de son territoire un chef d’Etat qui jouit d’une immunité diplomatique, a violé la Convention de Vienne qui protège les diplomates et dont elle est signataire. Le Cameroun, par cette disposition internationale, aurait le droit d’ester la Suisse en justice. C’est un débat complexe.

Les démocraties occidentales respectent la volonté des populations. La Confédération helvétique ne pouvait pas fermer les yeux sur une pétition signée par 12 mille personnes. Elle ne pouvait pas non plus rester insensible à la pression des médias, après que le journaliste Adrien Krauss de la RTS ait été violenté par un élément de la sécurité du président de la République.

Voilà une page qui se referme sur les « courts séjours privés » du couple présidentiel dans cette ville de Genève que Paul Biya affectionne sans s’en cacher. Au de-là de « l’accueil triomphal » que les fidèles du chef de l’Etat lui ont préparé, il s’impose des leçons à tirer.

La première: l’image du Cameroun est traînée dans la boue: expulser un chef d’Etat d’un territoire étranger, de mémoire de journaliste, je n’en ai jamais entendu de cela ! Depuis qu’il a regagné son pays, le président ne donne pas l’impression que quelque chose de grave s’est passé en Europe. Pas de déclaration publique, pas de communiqué de presse, pas de conférence de presse. Rien n’est dit sur les graves incidents de Suisse. La vie continue !

La seconde leçon: elle est une suggestion faite au chef de l’Etat. Genève a été construite par des hommes qui n’ont pas une intelligence au-dessus de celle des Camerounais. Paul Biya devrait rêver de faire de Yaoundé une Genève d’Afrique. Il pourrait solliciter les Hollandais qui maîtrisent les techniques de l’eau, afin de transformer le lac municipal de Yaoundé en lac Léman de Genève. C’est faisable. Il existe des hôtels Intercontinental partout en Afrique. Yaoundé pourrait aussi en disposer. Il ferait équiper le Centre hospitalier universitaire de Yaoundé sur le modèle de celui de Genève.

Voilà des choses qui ne relèvent pas de l’impossible. Il suffit d’une volonté et d’une décision du président de la République pour que ces rêves deviennent des réalités. Mais le plus difficile est que Paul Biya ne prendra jamais de telles initiatives pour la capitale de son pays.

Dommage pour lui, car les portes de Genève, voire celles ode toute l’Europe lui sont fermées à jamais !

Suisse: l’ambassade du Cameroun défie la diaspora de manifester

L’ambassadeur du Cameroun à Genève indique avoir pris des mesures conformes au droit pour prévenir toute manifestation violente.

Les appels à manifestation lancés par la BAS (Brigade anti-sardinards) continuent de susciter des réactions dans les hautes sphères camerounaises. Après le parti au pouvoir, c’est au tour de la chancellerie du Cameroun en Suisse de s’opposer à la manifestation prévue le 29 juin en guise de contestation contre le séjour du président Paul Biya dans ce pays où il a ses aises.

«L’ambassade, qui a pris toutes les dispositions utiles conformes au droit et à la pratique diplomatique, en collaboration avec les autorités compétentes du pays hôte, met en garde contre les risques personnels encourus par les contrevenants à la réglementation en vigueur en Suisse, ainsi que contre les possibles dérapages des actions violentes envisagées à l’Hôtel Intercontinental», indique un communiqué de l’ambassadeur, Léonard Henri Binozi signé lundi, 24 juin.

Paul et Chantal Biya ont quitté le Cameroun dimanche pour un nouveau séjour privé, sans doute à Genève. Ils n’avaient pas effectué de voyage hors du pays depuis neuf mois. Mais ce déplacement est un de trop pour la BAS qui a décidé de mener des actions contre la présence du chef de l’Etat camerounais.

Ces manifestations, si elles ont lieu, ne seront pas les premières menées dans cette optique. Des activistes camerounais réunis autour du CODE (le Collectif des organisations démocratiques et patriotiques de la diaspora camerounaise), ont par le passé mené plusieurs manifestations de protestations devant l’hôtel Intercontinental en présence de Paul Biya, suscitant quelques fois de l’embarras pour le couple présidentiel.