Cameroun: Un prisonnier enchaîné se pend dans sa cellule à Bazou, près de Bangangté

Il était enchaîné. Ce qui est contraire aux normes internationales, mais trop souvent courant dans les prisons camerounaises

Frédéric Kouengoua a été retrouvé mort, le 21 juin dernier suspendu à une chaîne, les deux mains serrées par des menottes, la tête penchée vers l’arrière, dans une cellule de la brigade de gendarmerie de Bazou, près de Bangangté. Sur le mur de la cellule, il avait écrit: Kouengoua Daly est mort. Le lion est mort. Marie-Louise, vous avez tué le lion, vous regretterez. La gendarmerie a tout de suite validé la thèse d’un suicide. La quarantaine passée et célibataire, Fréderic Kouengoua a été arrêté le dimanche 19 juin 2011 à Bafoussam au moment où Il s’apprêtait à quitter cette ville. Deux jours auparavant, à Bakong, il avait tenté de tuer à coups de fusil de chasse Marie Claire Tatmi, 43 ans et s ur jumelle de sa concubine. La victime se trouve toujours sous soins intensifs à l’hôpital protestant de Bangoua. Transféré dans une cellule de la brigade de gendarmerie de Bazou en attente d’être présenté au procureur, le suspect a été menotté des deux mains et enchaîné avant d’être jeté en cellule. Un traitement que ses geôliers justifient par sa qualité de détenu dangereux eu égard aux faits qui lui sont reprochés. Seul dans sa cellule, Frédéric Kouengoua aurait réussi à délier ses chaînes et à s’en servir pour se pendre. La chaîne qui avait bien serré son cou était accrochée à la partie supérieure du cadre de la porte des toilettes de la cellule, raconte un témoin arrivé tôt sur le lieu du drame. Une question de droit se pose concernant les conditions de détention du prisonnier. L’usage des instruments de contrainte tels que menottes, chaînes, fers, camisoles de force pour sanctionner les détenus est interdit par un texte adopté par les Nations unies en 1955. Les chaînes et les fers ne doivent pas être utilisés en tant que moyens de contrainte, recommande entre autres ce texte.

Fait courant dans les prisons
Les instruments de contrainte ne sont par ailleurs autorisés qu’en cas de prévention d’une évasion pendant le transfèrement et ceux-ci doivent être immédiatement enlevés dès que le détenu comparaît devant une autorité judiciaire ou administrative. Le détenu peut aussi subir ce châtiment pour des raisons médicales sur indication du médecin ou encore Sur ordre du directeur, si les autres moyens de maîtrise d’un détenu ont échoué, afin de l’empêcher de porter préjudice à lui-même ou à autrui ou de causer des dégâts; dans ce cas le directeur doit consulter d’urgence le médecin et faire rapport à l’autorité administrative supérieure. Autant de dispositions qui n’ont pas été respectées à Bazou comme d’ailleurs dans de nombreux centres de détention du Cameroun, où les détenus sont menottés, enchaînés, psychologiquement torturés. Le 10 juin, Luc Macaire Ebe, détenu à la prison de Douala, a profité d’une permission des autorités de son pénitencier pour aller se pendre dans un chantier abandonné.


seneweb.com)/n

Évoquant le cas de Frédéric Kouengoua, Charlie Tchikanda, le président de la ligue des Droits de l’Homme met en cause les conditions de garde à vue.Ce qui vient de se passer à la brigade de gendarmerie de Bazou n’est que la conséquence des mauvaises conditions de détention observée dans la majorité des cellules des prisons, commissariats et gendarmerie de la région de l’Ouest. Les gardés à vue ou les détenus sont souvent l’objet d’injures et de menaces proférées par des gendarmes et policiers pour qui la présomption d’innocence n’a aucun sens, dénonce-t-il. Le fait que M. Kouengoua ait été enchaîné constitue une grave atteinte aux conventions de Genève sur les conditions de détention. En plus, le manque de vigilance des gendarmes de Bazou quant à la sécurité et au droit à la vie des gardés à vue, même s’ils sont suspectés d’avoir commis un crime, est criant, enchaîne-t-il. Une accusation qui est immédiatement rejeté: M. Kouenga était détenu dans de bonnes conditions. Au moment de sa pendaison, nous étions encore dans les délais légaux de garde à vue. On lui donnait tout ce dont il avait besoin. Il prenait ses repas normalement. Lui seul sait ce qu’il a fait, oppose l’adjoint au commandant de brigade de Bazou.


Jade Cameroun)/n