Volker Finke: on dit qu’il osa trop, mais l’audace était belle

Par Jean-Jacques Evini Avang, Ecrivain en sport

A l’image de César qui annonçait sa victoire au «Sénat», à travers sa célèbre formule «VENI, VIDI- VICI», après avoir fait preuve d’audace et de témérité contre PHARNACE, roi du PONT, notre équipe nationale, dans sa nomenclature actuelle, constitue une lueur d’espoir pour le football camerounais, à la suite de cette prestation légendaire, doublée de la manière et de la rapidité avec lesquelles ces résultats spectaculaires ont été obtenus. La RDC, la Côte d’Ivoire et la Sierra Léone en ont fait les frais. Et l’analyse qui va suivre va nous donner l’occasion de marquer un certain recul, dans une perspective futuriste de gloire.

En fait, l’encadrement d’une équipe de football obéit à des normes classiques calquées sur la base d’une graduation scientifique appelée «PROGRESSION PEDAGOGIQUE». Cette progression s’étale du niveau zéro à un niveau d’aspiration qu’il faut se fixer longtemps à l’avance. Une dérogation à ce principe relèverait, ni plus ni moins d’une véritable utopie pédagogique vouée à l’échec.

Ainsi, depuis 2010, l’étape de la finale de la CAN angolaise, celle des quarts de finale du mondial Sud Africain ou tout au moins le 2e tour du mondial brésilien, auraient bien pu, en toute légitimité, constituer ce niveau d’aspiration pour l’équipe nationale du Cameroun ; ce qui aurait fait la fierté des Camerounais et pourquoi pas, l’honneur de tout un Continent. Et de tous les entraineurs qui se sont succédés à la tête des Lions indomptables depuis belle lurette, il est apparu une absence notoire de ces fondamentaux qui constituent la voie à suivre pour un apprentissage idéal

A preuve, sur le plan technique en 2010, il a été relevé que l’équipe nationale de football du Cameroun n’existait pas encore à deux mois du coup d’envoi du mondial de cette année-là. Et dans une analyse succincte de la situation ainsi perçue, CAMEROUN TRIBUNE, à la une de son édition n° 9577-5778 du 12 Avril 2010, titrait : «Encadrement des Lions, 60 jours pour convaincre».

Et le quotidien national ajoutait: «Après la dernière CAN angolaise, le sélectionneur a visiblement du mal à bâtir une équipe conquérante capable de faire rêver les Camerounais pendant la Coupe du Monde en Afrique du Sud dans 2 mois ».

Ce constat amer, en son temps, avait fait dire à Louis MATEA: «l’effectif des Lions en questions… difficile d’avoir une grande visibilité aujourd’hui sur la sélection nationale». Le même constat avait donné à Brice MBEZE cette envie de s’écrier «oh temps, suspends ton vol» ; vol, hélas ! concluait- il, «que le temps ne pouvait plus suspendre à ce moment- là, devant ces minutes qui s’égrènent».

C’est à croire que Paul LEGUEN, n’avait pas su maîtriser les contours scientifiques liés à la définition d’une séquence pédagogique qui, en fait, est «un processus d’acquisition par phases successives, avec des objectifs intermédiaires précis, dans le temps et dans l’espace.» Cela s’applique aujourd’hui en termes d’approche pédagogique par compétence.

La suite, nous la connaissons: les lions indomptables vont manquer deux éditions de la CAN d’affilée en 2012 au Gabon- Guinée Equatoriale et en 2013 en Afrique du Sud. Au point où l’élimination de notre équipe nationale par le Cap Vert a suscité moult interrogations, dont celle désespérante de CAMEROUN TRIBUNE qui titrait, une fois de plus, à la une de son édition n°10200/6401 du 16 octobre 2012: «Lions indomptables, on fait comment?» Ô rage, ô désespoir. pouvait-on s’écrier en cette triste occasion des Jérémiades.

Au-delà de la technique et de la pédagogie, l’encadrement d’une équipe de football peut tout aussi bien se fonder sur la dynamique des groupes dans sa double vision psychologique et sociologique.

En effet, le professeur MORENO, auteur de la SOCIOMETRIE, dans le contexte des sciences humaines et des sciences sociales, définit cette science comme «une technique d’évaluation qualitative des relations personnelles au sein des groupes, technique qui tient compte des facteurs sociologiques et psychanalytiques de chaque individu».

Ce sociogramme, bien maitrisé, devrait permettre à l’entraineur de lire en filigrane le milieu, de scruter l’environnement et de déceler ainsi quelque malaise ou quelque incompatibilité entre joueurs, pour des mesures urgentes à prendre; ce d’autant plus qu’une telle animosité ne peut que, de toute évidence, avoir des répercussions néfastes sur la performance sportive individuelle ou collective, et porter ainsi un grave préjudice à l’ensemble du système.

Dans notre article intitulé «la préfiguration de la déroute des Lions Indomptables du Cameroun» paru dans le quotidien «le jour», au lendemain du classique CAMEROUN- SENEGAL du 4 juin 2011, après une analyse ponctuelle de la situation de l’époque sous l’angle psycho- sociologique, nous avons dû conclure sur ce point ainsi qu’il suit: «une maitrise parfaite du phénomène de SOCIOMETRIE par l’entraineur aurait inspiré ce dernier pour l’amener, courageusement et en toute connaissance de cause, à mettre de côté, même en l’espace d’un matin, «quelque joueur», fût-il de renom, pour permettre aux autres maillons de la chaine de s’exprimer librement, au plus fort de leurs potentialités. Une telle initiative, à la suite de cette analyse, nous a amené à déduire, par une parodie bien agencée du philosophe que «TOUT» n’est pas nécessairement «DEPEUPLE», sous prétexte qu’ «UN SEUL ETRE VOUS MANQUE». Et le seul être était bien connu de tous. L’histoire nous donne raison aujourd’hui, face à cette nouvelle dynamique qui semble tenir ses promesses de solidarité et d’union au sein des Lions indomptables du Cameroun, avec des résultats probants.

En revanche, en remontant quelque peu le cours de l’histoire, dans une vision essentiellement réaliste, on pourrait bien se demander aujourd’hui si Paul LEGUEN, Javier CLEMENTE, Denis LAVAGNE ou Jean Paul AKONO avaient les moyens de cette politique de nouvelle dynamique faite de courage et de témérité , à la limite de la révolte, parce que susceptible de voguer à contre courant du système. Pouvaient- ils, en ce temps là, prendre une décision aussi audacieuse? Difficile à dire, même si, en 2013, AKONO a eu le courage de sanctionner les «joueurs boudeurs» de DAR- ES- SALAM.

Il apparait, dès lors, que l’homme d’aujourd’hui qui a plutôt reçu la bénédiction et l’onction du Gouvernement de la République n’avait pas d’autre choix que de chercher à mériter à tout prix cette confiance, à travers ces mesures fortes et courageuses qu’il a eu à prendre et qui semblent lui réussir. Plaise au ciel qu’il s’investisse ainsi pour un futur de Certitude, dans une uvre d’Eternité. Beaucoup ont dit de lui «qu’il osa trop, mais l’audace de VOLKER FINKE était belle», les résultats sont là: suivez mon regard.

Jean-Jacques Evini Avang
Journalducameroun.com)/n

Les Lions Indomptables du Cameroun: De l’anamnèse a la prospective

Par Jean-Jacques Evini Avang

Parler des Lions Indomptables aujourd’hui, sans un souvenir actualisateur, par le phénomène classique d’anamnèse serait une façon indécente de nier l’existence de l’Equipe Nationale de Football du Cameroun.

Parler des Lions Indomptables aujourd’hui, sans remonter au déluge , sur les traces d’un NGANKOU Amos , le tout premier président de la FECAFOOT, MBOMBO Njoya, Théodore MANGA ou OMBGA ZING Martin, ces pionniers de l’avènement du football au Cameroun, suppose qu’on se perd en conjectures dans le domaine ou alors que l’on doute de son impact futuriste sur la société camerounaise qui en a pourtant fait une option gouvernementale. Un pareil doute serait une véritable offense à l’endroit de ceux pour qui tout l’être, et même tout l’avoir représente ce précieux trésor. A partir de ces souvenirs, pour le moins tristes à côté de quelques actions d’éclat sporadiques, il nous est possible d’envisager, avec certitude, un futur plus reluisant.

I – ANAMNESE
Ainsi, après l’euphorie et la la joie débordante de l’expédition italienne du Mundial 1990, avec le joueur prodige Roger MILLA, la majorité des Camerounais, au lendemain de la débâche de leur équipe nationale de football à la World Cup 94 aux Etats-Unis, contre le Brésil et surtout contre la Russie, ont essayé, chacun en ce qui le concerne, d’apporter leur expertise à l’édification d’un football camerounais véritablement nouveau.

La CRTV, toujours à la recherche de l’excellence, avait mis à contribution son génie et son savoir-faire, à travers l’émission « Bonjour l’Amérique », une émission de Daniel Anicet NOAH très appréciée, conçue dans une approche de divertissement des masses ayant abouti à l’utilisation pédagogique de l’activité sportive.

Plus que la défaite essuyée contre le Brésil (0-3), celle infligée aux Lions par la Russie (1-6), le 28 juin 1994, a ouvert au c ur des patriotes camerounais une profonde blessure. Evidemment, en toute légitimité, la réaction qui devait s’en suivre ne s’est pas fait attendre. Ainsi, leur sens critique, parfois leur intolérance ont quelque peu abouti à un débordement dans les analyses et les commentaires aussi diversifiés que tendancieux. D’autant plus que certains avaient encore frais dans leur mémoire, le jour fatidique du 02 Mars 1972 où, à Yaoundé, comme par un coup de dé, le Congo éliminait le Cameroun à la demi-finale de la 8e Coupe d’Afrique des Nations : Yaoundé 72, l’inoubliable déception ! Cette défaite, selon André NTONFO, «fut ressentie comme un véritable désastre national aux conséquences incalculables. ».( Football et politique du football, p. 37) : Fâcheuse coïncidence entre deux faits similaires qui, à chaque fois, ont failli déstabiliser tout un système.

Face à cette déroute des Lions, ni le projet de professionnalisme de NJOLEA Eugène ou ONDOUA François, ni la Ligue Nationale de Football d’Elite (LINAFOOTE) du Général Pierre SEMENGUE, encore moins le Comité Provisoire de Gestion (CPG) d’Emmanuel MVE n’ont pu sortir le football camerounais de son marasme organisationnel. Pour n’avoir pas été bien pensées, toutes ces structures n’ont «vécu que ce que vivent les roses, l’espace d’un matin». A preuve, alors que la LINAFOOTE, créée en 1990, s’activait encore à poser les premiers jalons de son action, après deux saisons d’existence seulement, une décision surprise n°003/MJS/CAB du ministre LANDO Théodore en date du 12 juin 1992, annonçait la suspension définitive de la structure ; sans autre forme de proçès. Pourquoi l’avait–on créée, se demandait-on ?

Bien plus, ces multiples mutations s’opèrent dans un contexte tumultueux, l’époque où nous vivons cette transition machiavélique entre OWONA Pascal et MAHA Daher à la tête de la FECAFOOT ; et ceci au lendemain d’un raté de plus à ANNABA en 1992, annonçant ainsi la débâcle de SAN FRANCISCO en 1994. A quel résultat pouvait- on s’attendre, dans des conditions aussi abracadabrantes ?

Heureusement, à chaque occasion, la vision olympique, caractérisée par le Fair – Play a, de tout temps, fait l’objet d’un rappel par la plus haute autorité de l’Etat à ses compatriotes, à l’exemple de ce communiqué signé du Secrétaire Général de la Présidence de la République, au lendemain du Mondial France 98, informant le public camerounais de ce qui suit : «Aux supporters des Lions Indomptables et à toutes les populations attristées par l’élimination irrégulière de notre équipe, le Chef de l’Etat demande de prendre le coup du sort qui est du domaine sportif avec la Dignité et le Fair-play qui caractérisent l’Ethique Olympique ».

On se souvient également qu’après l’élimination du Cameroun de la Coupe du Monde Corée- Japon 2002, le Président Paul Biya en personne, dans le même esprit, et doué du même souci, avait invité ses compatriotes « à accepter la dure réalité du sport qui s’accommode à la fois des jours de gloire et des jours d’infortune ». Beaucoup de camerounais ont réussi ainsi à revenir à de meilleurs sentiments, en souvenir d’Abidjan 1984, d’Espagne 1982 ou d’Italie 1990.

Cette culture sportive s’est intensifiée au fil des ans et a permis aux camerounais d’accueillir avec stoïcisme et fair-play la disqualification des Lions Indomptables de la Coupe du Monde de 2006, à la suite du match nul enregistré contre les Pharaons d’Egypte, le o8 octobre 2005 à Yaoundé. Plus tard, elle a permis de gérer, avec dignité, l’élimination de l’équipe nationale aux quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations par les Eléphants de Cote d’Ivoire, le 4 février 2006 au Caire et la contre- performance survenue à la finale de la CAN 2008 à Accra : «une uvre de tant de jours, en un jour effacée», mais aussi une occasion propice de « REBONDIR », pour des lendemains meilleurs.

II – PROSPECTIVE
Ainsi, l’homme camerounais, dans sa patience habituelle, a continué de croire à un avenir radieux pour sa discipline de prédilection, le football, convaincu que ces nombreux jours d’infortune annonçaient, à long terme, ne serait-ce qu’un seul jour de gloire. Las d’attendre, l’homme camerounais se résigne aujourd’hui à considérer le passé comme un triste souvenir et voudrait, dès lors, s’engager sur la voie d’un RENOUVEAU FOOTBALLISTIQUE camerounais, s’inspirant ainsi de la RENOVATION SPORTIVE du ministre Félix TONYE MBOG, au lendemain de la 8ème coupe de 1972 à Yaoundé, en vue des solutions multiformes. Pour ce faire, entre autres dossiers brulants :

Au niveau du Capitaine de l’Equipe Nationale
L’équipe nationale est assimilable à une salle de classe. Elle se veut, de ce fait, en situation pédagogique dans le rapport maître-élève. A cet égard, la désignation d’un chef de classe, à défaut de passer par un processus démocratique engagé auprès des élèves d’une même classe, ne peut être obtenue efficacement que par l’enseignant titulaire de cette classe. Cela se justifie du simple fait que le titulaire de la classe apparaît un peu comme «ce Pasteur qui connaît ses brebis et que les brebis connaissent» Il en est ainsi du rapport entre le capitaine de l’équipe nationale de football et l’entraineur.

Que cette désignation provienne d’un Ministère, fût-il des Sports, constitue une situation anti-pédagogique et une aberration professionnelle graves qui, pourtant, ne devraient pas émaner de ce «Quartier Latin» bien futé en matière de pédagogie et de professionnalisme sportif. C’est, ni plus ni moins, l’image négative d’un directeur d’ école qui se mêle directement de la gestion des élèves dans une salle de classe.

– Au niveau du décret n° 72/600/ du 31 octobre 1972
Le texte fondamental portant organisation du sport au Cameroun date du décret n° 62/DF/250 du 16 juillet 1962. .La charte des sports, ainsi appelée, a été revue et corrigée le 27 mai 1967, puis le 02 janvier 1975. Elle est réorganisée le 23 novembre 1984 et est ainsi appliquée jusqu’à l’avènement de la loi n°96/09 du 05 août 1996, fixant la charte des activités physiques et sportives au Cameroun. Entre temps, quelques modificatifs subséquents y ont été apportés, notamment le 11 octobre 1976 et le 18 août 1978.

L’application d’un texte vieux de plus de 40 ans ne saurait, du fait de son caractère statique, se concevoir à côté d’une charte des sports en perpétuelle évolution, sous peine de subir les effets d’un anachronisme exaspéré. D’où la nécessité et l’urgence d’une relecture corrective studieuse de ce texte, à adapter aux exigences et aux réalités de l’heure.

– Au niveau du choix de l’entraineur
La F.I.F.A. et la C.A.F. organisent régulièrement des stages, colloques, séminaires auxquels prennent part les Africains, dans une diversité des filières. Il s’agit par exemple de l’arbitrage, de l’administration, de la médecine sportive, de la communication, de l’entrainement avec en prime, pour la C.A.F, la recherche des stratégies de solution définitive à l’épineux problème des techniciens expatriés face à leurs homologues locaux. Soucieux de cette évolution qualitative et quantitative à mettre à l’actif du Président de la super- structure continentale, on pourrait bien se poser des questions du genre :

– Qui aurait pu douter, un seul instant, de l’expertise d’un Professeur René ESSOMBA, des docteurs MOTAZE ou BONEMAN au sein des structures médicales, à un haut niveau du sport mondial ?
– Qui pouvait, hier, douter du savoir-faire du gabonais DIRAMBA, du camerounais HIOBA HIOBA ou, ces derniers temps, méconnaître la maîtrise de EVEHE Divine ou ENDENG ZOGO, du temps de leur carrière d’arbitre à l’échelon international ?
– Qui pourrait remettre en cause la prestation honorable de SOPPI KOTTO ou d’un MIMB Martin qui viennent d’exceller à ce haut niveau de la communication du Mundial brésilien ?
– Pourrait-on nier l’ uvre grandiose d’ISSA HAYATOU propulsé aujourd’hui au firmament du football mondial , ou du Togolais Godefried EKUE, son tout premier adversaire à la tête de la C.A.F. ?
– Pourquoi seul, l’entrainement subit cet ostracisme aussi déshonorant ? Pourquoi l’entrainement du football veut défier le caractère scientifique reconnu au sport, comme si la science, une donnée pourtant universelle, épousait, selon ses humeurs, les sept couleurs de l’arc-en-ciel.

La question ainsi posée mérite une profonde réflexion. Il ne reste plus qu’à la murir dans les domaines les plus diversifiés de l’activité sportive et davantage dans le football; avec un espoir certain qu’«un jour, tout sera bien, voilà notre espérance, tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion.»

Jean-Jacques Evini Avang
Journalducameroun.com)/n