Pourquoi le projet de Borloo d’électrifier l’Afrique est paternaliste et condescendant

Par Laurent Bigot, Ancien diplomate français, Consultant indépendant

Cher Monsieur Borloo,
Je vous ai écouté le 21 juin sur LCP poursuivre votre plaidoyer pour l’électrification de l’Afrique. Depuis que vous avez lancé cette initiative, je trouve vos propos confus et il est difficile de saisir quelle est précisément votre stratégie. Je suis donc allé voir le site de la fondation Energies pour l’Afrique pour essayer de comprendre. Ce que j’ai tout de suite saisi, c’est que cette fondation est d’abord dédiée à votre gloire. Aussi génial que vous puissiez être, on peut trouver cela déplacé.

Qu’à cela ne tienne, j’ai poursuivi ma navigation. J’ai regardé la rubrique «Objectifs», c’est un peu lyrique et les portes ouvertes sont allègrement enfoncées mais ce qui y est écrit relève de faits et de la réalité du défi de l’électrification du continent. Dans la rubrique «plan d’actions 2025», je lis que «la volonté des dirigeants africains est totale pour électrifier leur continent. Mais il est nécessaire que soit mis en place un plan organisé, concerté, structuré, autonome et automatique afin de parvenir à l’objectif en dix ans».

Cela fleure bon la mission civilisatrice de l’homme blanc. Le siège de la fondation est à Paris, mais passons (dans des locaux assez luxueux, mais passons encore), car la fondation doit contribuer à mettre en place «une agence panafricaine dédiée à l’énergie » chargée de mettre en uvre le plan d’électrification, organisme « fondé et dirigé par les Etats africains eux-mêmes». Le concept des poupées russes dans le domaine de l’électricité?

Paternalisme
Je poursuis ma lecture car je ne vois toujours pas la lumière. Je comprends que tous les financements publics sont tenus d’aller à cette fondation panafricaine. La rubrique «Grande plaidoirie internationale» pourrait impressionner si on ne remarquait pas qu’elle ne regroupe que des déclarations d’intention, certes nécessaires mais pas suffisantes.

Bref, je ne suis toujours pas éclairé et je reste sur cette désagréable impression de condescendance ou de paternalisme. L’Afrique aura dû attendre Jean-Louis Borloo et sa fondation basée dans un quartier huppé de Paris pour espérer voir la lumière? Je me suis renseigné auprès de certains des partenaires privés dont les logos figurent sur le site. Certains disent à mots à peine couverts combien ils doutent de la pertinence de la démarche. Mais alors, pourquoi avoir accepté d’être partenaires? On ne pouvait pas refuser, me dit-on, et puis il y a eu une grosse pression politique, ajoute-t-on.
Dans le portrait qu’il vous a consacré en 2015, Le Monde fait état des doutes de certaines personnes à la Banque mondiale (mais l’institution n’est plus à une usine à gaz près). Tout cela fait beaucoup pour une idée géniale, non? On peut se rassurer à pensant que Copernic, Léonard de Vinci ou Galilée connurent le même scepticisme de leurs contemporains. C’est la rançon du génie. Ouf!

Prime à l’incurie
Toutefois, ce qui me laisse le plus perplexe, c’est l’attitude des dirigeants africains. Les francophones ont compris depuis longtemps qu’ils tiraient un meilleur parti à acquiescer aux géniales idées françaises, quelles qu’elles soient et quelles que puissent être leurs opinions véritables sur les dites idées (de toute façon, c’est cadeau, alors pourquoi refuser ?). Soyons honnêtes d’ajouter que si les dirigeants africains ne laissaient pas autant le champ libre dans le domaine des ambitions pour leur pays et le continent africain, les Tintin de tous bords auraient bien plus de mal à s’ériger en dépositaires du bien-être du continent africain.

Cette façon de faire, la vôtre, est dépassée. Les impulsions qui ne viennent pas du continent n’ont aucune chance d’aboutir à quelque chose de sérieux, les cinquante dernières années de coopération en sont la démonstration flagrante. Bien que l’avenir de l’Europe soit largement lié à celui de l’Afrique, rien ne remplacera la volonté des Africains en général et celle de leurs dirigeants en particulier. La religion du «on ne peut pas ne rien faire» nie un principe fondamental: celui de la responsabilité. A se substituer systématiquement aux volontés défaillantes, on transfère la responsabilité à la communauté internationale quand les premiers responsables, les dirigeants africains, en oublient la leur.

Le système international d’aide au développement est d’ailleurs assez peu vertueux, car il vient toujours au secours des pouvoirs les plus défaillants: c’est une forme de prime à l’incurie. Je reste convaincu que parfois, ne rien faire (en dehors des urgences humanitaires) serait le meilleur service à rendre à l’Afrique. Ce serait enfin reconnaître que les peuples africains détiennent le pouvoir, celui de changer leur continent.

Bref, Monsieur Borloo, je ne suis pas convaincu mais cela n’a aucune espèce d’importance. Je vous souhaite de réussir car l’Afrique a besoin d’électricité. Quant à moi, j’espère me tromper.

Jean-Louis Borloo
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Ce que les femmes maires ont ramené de Paris

Une vingtaine d’élues camerounaises ont pris part, du 14 au 22 avril dernier, aux assises de l’Association internationale des maires francophones. Elles ont également rencontré Jean-Louis Borloo

La vingtaine d’élues camerounaises qui ont pris part du 14 au 22 avril dernier aux assises de l’Association internationale des maires francophones (AIMF) à Paris, sont rentrées pleines de promesses, avec l’espoir de voir aboutir leurs projets.

Ces maires, membres du Réseau des femmes élues d’Afrique-Cameroun (Refela-Cam), sont allées présenter des projets pour électrifier leurs différentes communes et elles ont pu, à l’occasion, avoir un entretien avec l’ancien ministre français de l’Ecologie Jean Louis-Borloo, qui rêve de faire passer le taux d’électrification en Afrique de 25% à 100% en 10 ans.

«Après notre plaidoyer, Jean-Louis Borloo a notamment déclaré: « Mesdames les maires, je suis avec vous. Je vais prendre à bras le corps cette problématique, surtout dans les localités gérées par les femmes »», a confié Célestine Ketcha Courtès, maire de Bangangté, et présidente du Refela-Cam, dans une interview accordé à Mutations jeudi.

«A partir du moment où nous avons reçu l’invitation d’être au lancement de cette fondation (la fondation Energie pour l’Afrique, mise sur pied par Jean-Louis Borloo, ndlr), il y a de fortes chances que nous puissions bénéficier d’un traitement particulier. Jusqu’ici, 50 milliards ont été mobilisés sur les 200 milliards (d’Euros, ndlr) nécessaires», a-t-elle ajouté.

D’après la présidente du Refela-cam, les élues camerounaises ont également reçu le soutien de la maire de Paris, Anne Hidalgo, par ailleurs présidente de l’AIMF, pour leurs projets. «Le secrétariat permanent de l’AIMF a récupéré tous nos projets. Des experts vont se pencher sur ceux-ci. Ils vont nous coacher de manière à obtenir un projet fort, que nous pourrons avoir l’opportunité de présenter lors de la 21ème conférence sur le climat, qui se tiendra en décembre à Paris (France)», indique Célestine Ketcha Courtès.

Jean-Louis Borloo (g) et Célestine Ketcha Courtès à sa suite, le 17 avril 2015 à Paris
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Les femmes maires plaident les problèmes d’électrification du Cameroun en France

Une vingtaine d’élues ont quitté le Cameroun en vue de plaider les problèmes d’électrification du pays auprès de l’ancien ministre français Jean-Louis Borloo. Rencontre prévue vendredi

Dix-sept femmes-maires, membres du Réseau des femmes élues d’Afrique-Cameroun (Refela-Cam), ont quitté le Cameroun mardi en direction de la France.

Dans le cadre de leur programme rendu public, il est prévu, ce vendredi 17 avril, une rencontre avec Anne Hidalgo, maire de Paris et présidente de l’Association internationale des maires francophones (AIMF). Au cours de cette rencontre, les 17 femmes maires du Cameroun s’entretiendront également avec l’ancien ministre français Jean-Louis Borloo, à l’origine de la mise sur pied récente de la Fondation «Energies pour l’Afrique».

«Les femmes-maires du Cameroun entendent saisir cette occasion pour lui exprimer leurs attentes et la nécessité d’inclure un programme pour les villes, dans le plan Electricité-2035 qu’il prépare», a appris Journalducameroun.com

Jean-Louis Borloo, ancien ministre français de l’Ecologie sous Nicolas Sarkozy, a lancé la fondation «Energie pour l’Afrique» le 03 mars dernier à Paris. La cérémonie a vu la présence de l’actuel président de la République française, François Hollande.

La Fondation de M. Borloo envisage de mettre en uvre un «plan Marshall» de l’électrification du continent. Objectif: passer «en 7 ou 10 ans» de 25 %, actuellement, à 100 % d’électrification en Afrique. Elle aura besoin, d’après les explications de Jean-Louis Borloo, de 4 milliards d’euros de subventions publiques par an pendant douze ans et 200 milliards de prêts privés.

Pour l’heure, on ne sait pas précisément qui va donner l’argent et comment le Plan sera exécuté, les pays africains ayant eux-mêmes de nombreux programmes sur le terrain.

Les femmes-maires du Cameroun doivent rencontrer Jean-Louis Borloo vendredi, 17 avril
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