Il est avocat aux barreaux du Cameroun et de Paris. Il parle de son parcours et des réalités de son métier
Maître Dongmo, vous êtes avocat aux barreaux de Paris et du Cameroun. Comment fait-on pour devenir avocat à deux barreaux ?
C’est lié à la culture juridique des deux pays. Il y a des accords de coopération judiciaire entre le Cameroun et la France qui font que les avocats camerounais peuvent s’installer en France et réciproquement, mais sous réserve des conditions édictées par chaque barreau auquel on souhaiterait appartenir.
Comment fait-on pour devenir avocat ? Racontez nous votre parcours, notamment académique ?
D’une manière générale, ici en France, il faut avoir un master 2 ou un niveau de BAC plus 5 comme on dit vulgairement et, présenter un concours d’entrée à l’école de formation du Barreau qu’on appelle l’EFB et ensuite suivre une formation qui dure environ deux ans, soit un an de formation de type universitaire, un an de stage dans un cabinet d’avocat et ensuite auprès d’un magistrat soit du siège soit du parquet. A la fin, on rédige un projet professionnel personnalisé. On présente au bout de tout cela l’examen de sortie qui s’appelle CAPA (certificat d’aptitude à l’exercice de la profession d’avocat). Après avoir réussi à cet examen, on remplit un certain nombre de conditions qui sont d’ordre administratives dont notamment le dossier pour prêter serment et on choisit pour ce qui est de la France un barreau (parmi les 180 que compte le territoire) auquel on souhaiterait s’affilier. Le bâtonnier de concert avec la Cour d’appel dont son barreau dépend fixe une date d’audience et à l’issue de laquelle vous appartenez officiellement à un barreau, parce qu’il ne suffit pas d’être avocat, il faut appartenir à un barreau.
Vos études vous les avez faites en France ou au Cameroun ?
Les deux (rires). Je suis originaire de Dschang (Région de l’ouest) et j’ai fait une partie de mon secondaire dans cette ville, puis j’ai continué sur Douala. Je suis revenu à Yaoundé (capitale) et puis je suis reparti sur Nkongsamba (140 km au nord de Douala) où j’ai obtenu mon Bac et après je suis reparti à Yaoundé pour m’inscrire à l’université de Yaoundé en 1990 et j’ai obtenu une licence en 1993. Après notre licence, il y’a eu un problème. Des universités d’Etat ont été créées et le second cycle est tombé en berne pendant deux ans et puis ça a repris et j’ai donc pu obtenir une maîtrise en droit privé. Ensuite, j’ai eu le concours d’entrée à un stage d’avocat, c’était en 1999. J’ai fait deux années de formation et puis j’ai réussi à mon examen de CAPA en 2001. En septembre en 2001, j’ai prêté serment pour entrer comme avocat au barreau du Cameroun. J’ai exercé d’abord avec mes parrains jusqu’à l’obtention de mon CAPA. Ensuite, je me suis mis à mon compte, j’ai travaillé pendant deux ans, puis j’ai rencontré deux amis, nous avons travaillé ensemble deux ans et chacun a pris ses libertés après et, je me suis installé une deuxième fois au carrefour Elig Essono (Yaoundé) j’ai exercé là bas jusqu’en août 2006 quand, je suis venu en France ou j’ai obtenu un DEA de droit à l’université de Nantes puis grâce aux accords entre la France et le Cameroun, j’ai pu faire le concours et suivre la formation adéquate, enfin j’ai prêté serment en mai 2008 et voilà !
Vous avez fait l’université pendant les années de braise, quels souvenirs en gardez-vous ?
C’est assez douloureux de penser à cette époque. J’ai à la fois avec un pincement au c ur et beaucoup de regret pour le gâchis qu’il y’a eu. Nous arrivions à l’université à l’époque assez jeune et avec tous mes camarades on avait 18, 19 ans et on avait la fougue d’apprendre et le modèle c’était l’université. Il n’y avait pas mieux à cette époque-là ; donc on avait la bourse à l’université qui était ce qu’elle était. Nous avons eu une très bonne première année, mais dès la deuxième année, il y a eu des petites rumeurs, qui disaient qu’on va supprimer la bourse d’une part et que d’autre part, l’on allait payer des droits universitaires. Imaginez un peu un bébé qui, le jour où on le sèvre on lui apprend qu’il va manger du maïs grillé or il n’a pas de dents et est habitué au lait. Il doit passer d’un extrême à un autre. Je dis c’est dommage parce que l’université de Yaoundé à l’époque s’appelait le quartier latin, vous imaginez ce que représente le quartier latin ici à paris. Aujourd’hui tout le monde paie le prix, celui du refus de comprendre. Nous, on nous disait « vous avez la bourse et les chambres vous voulez encore quoi et vous voyez où nous en sommes.
On revient sur votre profession, s’il fallait mettre sur la balance l’exercice de la profession d’avocat en France et au Cameroun, quel parallèle établiriez-vous ?
Euh… l’environnement. sur un plan purement général, la procédure s’exerce de la même manière. On est pratiquement au contact des mêmes cas, des mêmes procédures sur la pratique professionnelle, il faut dire qu’en France la profession est mieux organisée. Nous bénéficions d’un système de protection sociale, qui se démarque du mécanisme de protection sociale en France. Nous avons un statut de protection particulier parce que logiquement pour être un bon avocat, il faut être en santé. Deuxièmement sur les manipulations de fonds, il y’a un système de gestion collective qui évite les risques de manipulation frauduleuse et garantisse la fiabilité des avocats.
Toute chose qui n’existe pas au Cameroun. c’est toujours du gré à gré ?
Voilà et certains confrères se sont souvent retrouvés dans situations malencontreuses. La troisième chose qui pour moi est fondamentale est relative à la formation. En France, on a une véritable école de formation des avocats, alors qu’au Cameroun la formation se fait encore sous forme de conférences éparses, il n’y a pas une harmonisation réelle. Le barreau du Cameroun dispose pourtant de moyens nécessaires pour créer deux ou trois centres de formation digne de ce corps de métier tant sur le plan déontologique que sur le plan professionnel des usages. Le fait d’avoir été au contact de plusieurs instances judiciaires me donne, en effet, une vision de la profession qui échappe à un avocat resté au Cameroun. En faisant le parallèle avec la France vous verrez que même lorsqu’on est déjà un avocat installé en France, on a l’obligation de valider des heures de formation obligatoires chaque année. Si vous ne les validez pas, vous courrez le risque de la radiation. Donc au-delà de la simple compétence ou au-delà de la simple probité dans l’exercice de la profession, on a une obligation de compétence qui se décline à travers cette obligation de suivi de formation permanente. L’on a un panel de personnalités qui sont vraiment des personnes ressources dans le domaine et qui dispensent des formations de manière permanente, tant au niveau des palais de justice qu’au niveau des centres de formation.

Y a – t – il beaucoup de Camerounais au barreau de Paris ?
Je crois que nous formons une bonne communauté aujourd’hui. C’est avec beaucoup de plaisir que je le remarque. C’est vrai que le barreau de Paris est le plus grand en France avec près de 25000 avocats, parmi lesquels on retrouve à peine 500 avocats camerounais. Par rapport aux autres pays africains, nous sommes un bon petit groupe et il serait souhaitable qu’à l’avenir celui-ci se renforce. On a l’avantage de voir des confrères qui prennent de bonnes initiatives comme Fabien Ndoumou qui est le représentant de l’ordre.
Donc vous ne les côtoyez pas tous ?
Ce serait prétentieux, vous savez chacun a ses habitudes. Il y’en a qui sont ouverts, d’autres un peu moins et peut être qu’à certains ma tête ne plait pas aussi (rires), donc j’essaie de rencontrer ceux avec qui le courant passe. Dans le même temps, on exerce une profession extrêmement prenante, on est obligé d’être là dès 8 heures matin et on rentre tard. Je travaille tout le temps y compris le week-end. Donc, si l’occasion de voir les autres se présente, on en profite à fond.
Aujourd’hui que vous vivez en France, qu’est ce qui vous manque du Cameroun ?
Tout! Vous savez, on a beaucoup d’enthousiasme à venir en France au départ et l’envie de découvrir, on a cette sensation de croire que l’air est meilleur chez le voisin. La France présente beaucoup d’avantages mais la chaleur du Cameroun nous manque, on est ici parce qu’on vient apprendre ce qu’il y’a de mieux, mais nous ne pouvons rejeter le triangle national.
Je repose la question différemment, si on doit vous faire à manger, qu’est ce qu’on vous fait ?
Rires. En bon prince de l’Ouest, je dis sans hésiter du bon Taro à la sauce jaune.
