Chantal Kambiwa: « Il fallait briser le silence pour arrêter la violence! »

Militante du Social Democratic Front, vice-présidente de l’Internationale Socialiste, elle évoque les discriminations dont elle est victime au sein du SDF

En marge de la journée internationale de la femme, vous avez publié une déclaration pour « briser le silence ». Racontez-nous pourquoi vous décidez de parler aujourd’hui?
Tout était réuni pour que ce silence soit brisé aujourd’hui. En tant que défenseure des droits de la femme, alors que je préparais la 57 ème session de la Commission des Nations Unies sur le Statut de la Femme sur le thème de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes, j’étais en train de vivre une série d’ injustices grossières qui violaient et de manière flagrante mes droits en tant que femme, citoyenne et militante d’un parti politique, en plus des nombreuses injustices, discriminations et violences que j’ai subies dans le passé dans le même cadre et par la même personne. J’avais de la peine à avancer dans la rédaction de l’ exposé que je m’apprêtais à faire à New York pendant cette 57ème session, puisque la première des choses à faire pour lutter contre cette violence et que je recommande aux victimes, c’est d’en parler, c’est de dénoncer. Le 16 février 2013, en s’appuyant sur une autre injustice pour justifier une autre violence à mon égard, mon président national M. John Fru Ndi, venait de me permettre de progresser dans la rédaction de mon exposé…il fallait le dénoncer, il fallait en parler, il fallait briser le silence pour arrêter la violence!

Vous n’avez donc pas été investie, ni évidemment élue dans le Comité exécutif national. Vous êtes redevenue une simple militante?
Pour avoir gagné une élection au nom de mon parti alors que mon président national voulait injustement que ce soit un autre camarade, oui, je suis redevenue une militante de base et fière de partager cette expérience avec mes camarades à la base.

Vous avez toujours dénoncé à mots couverts, les pratiques du SDF en matière de promotion de la femme. Avez-vous l’impression que les choses ont tout de même changé depuis 1992, date de votre adhésion à ce parti?
Le SDF a fait quelques progrès en matière de promotion de la femme en adoptant quelques textes qui pourraient améliorer la présence des femmes dans les instances de prise de décisions à différents niveaux au sein du parti, et pourraient également permettre d’avoir plus de femmes candidates et élues aux différentes élections nationales. Mais non seulement ces textes manquent des mesures d’accompagnement, mais les instances qui doivent veiller à l’application de ces textes (cellules des conseillers et commission d’investitures) ne sont pas rigoureuses à ce sujet. Au final, notre parti qui devrait être un exemple dans ce domaine, est largement en dessous des attentes, et pourtant, c’est le 1er parti de l’opposition dans notre pays et membre de L’Internationale Socialiste qui fait de l’égalité homme/ femme, l’une de ses préoccupations premières.

Avez-vous entrepris, au sein du parti, des démarches pour régler ce type de conflits ? Notamment liés au genre?
Bien évidemment, c’est d’ ailleurs au cours de ces différentes démarches que j’ai pu identifier plusieurs de mes camarades hommes acquis à cette cause. Obtenir par exemple de mon parti que les jeunes ou les femmes puissent se réunir pour débattre de certains sujets spécifiques n’a pas été une chose facile; ou la formule de faire des listes de candidats zébrées pour s’assurer de l’équilibre homme/ femme/ jeune sur ces listes lors des différentes consultations nationales. Une fois l’idée « acceptée », on se rend vite compte à travers divers man uvres, qu’il manque une réelle volonté politique de la hiérarchie du parti de voir ces jeunes et ces femmes s’épanouir politiquement. C’est un combat difficile, mais nécessaire non seulement pour la survie de notre parti, mais aussi pour l’avenir de notre pays dont le développement sera compromis si la prise en compte de l’approche genre dans les programmes et politiques n’est pas effectif.

Quels sont vos rapports avec John Fru Ndi depuis l’épisode de février ?
Tant que mon président national ne comprend pas le sens de mon combat, nos relations ne peuvent pas s’améliorer sur ce point. Il doit comprendre qu’il ne s’agit pas d’un problème de personne, mais d’une question de principe qui va en droite ligne avec le combat pour l’alternance démocratique que le SDF mène depuis 23 ans, et qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Je ne l’ai pas revu depuis le 16 février, mais je lui ai copié ma lettre de dénonciation.

Chantal Kambiwa est redevenue une militante du SDF
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Et les autres hommes du parti?
N’oublions pas que nous évoluons dans un parti politique où les ambitions des uns et des autres peuvent les amener à adopter des attitudes qui ne reflètent pas leur pensée sur le sujet. Ils sont très peu à appuyer ouvertement ce combat, mais hors des réunions, plusieurs me donnent raison surtout lorsque ce combat ne croise pas leurs intérêts dans leurs différentes localités. Reconnaissons tout de même que plus de femmes dans les positions de pouvoir veut dire moins d’hommes à ces positions et certains ne l’acceptent malheureusement pas ou difficilement. Il y a aussi des conservateurs qui trouvent que j’ose beaucoup et me trouvent à la limite insolente. Certains ont trouvé ma lettre qui dénonce les discriminations et violences du Chairman Fru Ndi à mon endroit comme une insolence de trop! Mais en général, j’ai de bon rapport avec les camarades hommes de mon parti.

Peut-être que la solution aurait été d’avoir un organe des femmes du parti comme l’OFRDPC pour le compte du parti au pouvoir. Votre avis?
Ne pas avoir des organes « annexes  » dans un parti politique est une bonne approche si l’esprit d’ensemble et la volonté d’impliquer les jeunes et les femmes est une réalité. Ceci facilite l’intégration de tous au débat général tout en prenant en compte les préoccupations des jeunes et des femmes pour une meilleure visibilité des politiques adoptées. Mais lorsque la prise en compte de ces spécificités n’est pas effective, les mettre tous ensemble peut devenir un obstacle pour un plein épanouissement politique de ces jeunes et femmes qui sont pour la plupart, obligés de se laisser utiliser par les responsables dans leur combat de leadership, pour espérer avoir une position acceptable au sein du parti. Au SDF, nous avons commencé ce regroupement des femmes et des jeunes, mais ces regroupements restent sous le contrôle des structures existantes et ne sont pas indépendants. Des efforts organisationnels et logistiques restent à faire pour permettre un meilleur fonctionnement de ces regroupements qui à l’avenir devraient être des structures autonomes.

Selon vous, le problème est-il lié au leader du parti John Fru Ndi?
En tant que leader du parti, une réelle volonté politique de sa part à ce sujet, favoriserait une dynamique de genre au SDF.

Avec du recul, pensez-vous que ce sont ces pratiques qui ont éloigné Kah Walla du SDF?
Elle est mieux placée pour répondre à cette question. Mais je sais qu’avant qu’elle n’adhère aux SDF, elle savait que ces problèmes existaient. Elle a d’ailleurs contribué en son temps, en tant que consultante, à améliorer cette situation.

Quels sont vos projets notamment sur le plan politique?
Au-delà d’être une question de droits humains, l’égalité homme/femme est une exigence démocratique sans laquelle le développement durable de notre pays n’est pas possible. Je rêve d’un Cameroun meilleur pour tous et pour toutes. Mes projets sont nombreux et restent les mêmes, améliorer la présence des femmes dans les sphères délibératives pour favoriser l’adoption et la mise en uvre des lois et politiques qui prennent en compte les préoccupations de plus de la moitié de la population que sont les femmes. Pour y arriver, il est nécessaire de s’attaquer aux obstacles qui empêchent ou freinent la participation politique de la femme. Il faut s’attaquer aux discriminations, aux inégalités et violences faites à la femme et la fille. C’est un combat permanent et difficile, que je mène aussi bien à l’intérieur de mon parti qu’en dehors, tout en espérant que demain ne sera pas comme aujourd’hui, puisque mon rêve deviendra réalité.

Le 08 mars 2013, elle a marché à New-York aux cotés d’autres femmes
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Interview de Chantal Kambiwa, Membre du Shadow Cabinet du SDF

« Le SDF n’avait certes pas encouragé ses militants et les camerounais à aller s’inscrire sur les listes électorales, mais n’avait donné aucun mot d’ordre »

Le Social Democratic Front a finalement décidé de lever son mot d’ordre de boycott sur les prochaines élections présidentielles, qu’est ce qui a justifié ce revirement de situation?
Le Front Social Démocrate (SDF) n’a jamais dit qu’il va boycotter les prochaines élections présidentielles (ni même demandé aux camerounais ou à ses militants de ne pas s’inscrire sur les listes électorales). Initialement, le Front Social Démocrate (SDF) déclarait ceci : « Il n’y aura pas d’élections au Cameroun avec ELECAM sous sa forme actuelle ». Le SDF n’avait certes pas encouragé ses militants et les camerounais à aller s’inscrire sur les listes électorales, mais n’avait donné aucun mot d’ordre et par conséquence ne pouvait lever un mot d’ordre qui n’existait.

Selon certaines sources, les débats ont été âpres au sein du shadow cabinet avant la prise de cette décision. Est-ce qu’on peut savoir quels sont les arguments qui étaient avancés de part et d’autre au sein de cette instance du parti?
Le Comité Exécutif National (CEN) en anglais NEC, est l’organe directeur du SDF. Avant chaque prise de décision, le CEN se réuni pour débattre sur les sujets de l’heure inscrits à l’ordre du jour ; Et les décisions prises sur ces sujets qui concernent en général la vie du parti, celle de la nation camerounaise et du monde, sont profondément débattues et matérialisées par des résolutions. Ceci a été le cas les 06 et 07 août 2011, où réuni à Bamenda, le CEN a pris la décision de demander à ses militants et aux camerounais d’aller s’inscrire sur les listes électorales pour ceux qui ne l’avaient pas encore fait, et pour ceux qui ont participé aux dernières délections, de s’assurer en vérifiant que leurs noms figurent effectivement sur ces listes électorales. Lors de ce dernier CEN, certains de nos camarades soutenaient (et avec raison ), que le SDF n’avait pas encore eu des réponses satisfaisantes suite à notre demande résumé en 11 points, pour désormais appeler les camerounais à aller s’inscrire sur les listes électorales ; Mais, la majorité de nos camardes s’est appuyée non seulement sur les rapports des présidents provinciaux qui représentent nos militants à la base (favorables aux inscriptions sur les listes électorales), mais aussi, cette majorité a voulu une fois de plus, donner la chance au dialogue, à l’instauration de la démocratie dans notre pays tout en préservant la paix. C’est d’ailleurs cette approche qui avait amené le SDF à demander et de manière insistante et officielle, une rencontre entre son Président National et le Président de la République.

Vous appelez les camerounais à s’inscrire sur les listes électorales, est-ce à dire que vos 11 points de récrimination ont entièrement été satisfaits
Non, ces points restent à l’ordre du jour.

Le président national a annoncé la tenue d’un congrès du NEC une fois que le corps électoral sera convoqué pour la désignation de son candidat aux élections présidentielles. Qu’est-ce qui peut justifier cet attentisme de la part du SDF?
C’est tout simplement une position de notre parti et qui relève de son fonctionnement et de sa stratégie ! Notons que c’est un congrès du parti et non du NEC

Et quand se tiendra ce congrès devant désigner le candidat du SDF?
Immédiatement après la convocation du corps électoral.

Le leader du SDF a fortement la mainmise sur le parti, et il est fort probable que ce soit encore lui le « candidat naturel » de cette formation à la présidentielle de 2011. Un commentaire?
Contrairement à certaines formations politiques, les textes du Front Social Démocrate (SDF) ne font pas de son leader le « candidat naturel » à l’élection présidentielle.

On annonce tout de même de la concurrence pour John Fru Ndi, notamment avec Simon Fobi Nchinda qui s’est déclaré candidat à la présidence du parti, qu’en est-il exactement?
Comme dans tout parti démocratique et vivant, la pluralité des candidatures aux différents postes lors du renouvellement des structures dans le SDF n’est que normal. Le moment venu et cours du prochain congrès électif du parti, le poste de Président National qu’occupe actuellement le Chairman John Fru Ndi, fera partie des postes à pourvoir comme tous les autres postes du Comité Exécutif National (CEN).

On vous a entendu dire lors de l’une de vos sorties médiatiques que la paix est devenue un élément de chantage pour le camp d’en face. Quelles sont les consignes que vous allez donner à vos militants avant, pendant et après le déroulement du scrutin relativement à la paix dans notre pays?
On m’attribue certainement les propos d’une autre personne.

Quel est donc votre avis sur la question?
Nous devons savoir que la paix est essentielle pour la construction et le développement d’une nation et est cruciale pour tous, pas pour un camp ou un autre. La paix ne doit pas être un élément de chantage pour des personnes qui aiment leur pays et veulent y vivre en paix. La paix se construit en ensemble, chaque jour dans les dires et faits. La paix n’est pas forcément l’absence de guerre et nous ne pouvons pas être en paix dans un pays où la démocratie n’est pas une réalité ou est menacée. Aujourd’hui, nous constatons tous que les élections qui sont le moyen par excellence pour instaurer cette démocratie est source de divers conflits en Afrique et ailleurs ! Et au Cameroun, le SDF, qui est un parti soucieux du devenir des camerounaises et des camerounais et qui veut accéder au pouvoir par la voie des urnes, ne peut ignorer cet important aspect. C’est pour cette raison que depuis plus de 21 ans, les femmes et les hommes qui militent au sein du SDF sont éduqués et formés pour l’instauration de la démocratie dans notre pays à travers des élections libres, justes et transparentes.

Et quelle sera la consigne que vous allez donner à vos militants avant, pendant et après le déroulement du scrutin relativement à la paix?
Donnez-moi la date des élections et je vous donnerai nos consignes (rires). Mais ceci fait partie de nos stratégies !!!

Cela fait de nombreuses années que vous militez au sein du Sdf. N’avez-vous jamais pensé à être candidate de votre parti aux élections présidentielles?
Bien sûr que oui! Mais pas pour cette fois.

Chantal kambiwa
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Chantal Kambiwa: « On peut faire mieux pour son pays sans forcément être dans un gouvernement »

Membre du Shadow Cabinet du SDF, militante de première heure. Rencontre avec une femme discrète et efficace

Vous être militante du Front Social Démocrate depuis 1992. Pourquoi le SDF?
Parce que depuis 1990, j’avais déjà vu l’allure que prenait le SDF et j’avais aussi vu les statuts qui m’ont intéressés et donc le profil que j’attendais d’un parti politique.

Et pourtant votre père était proche d’Ahidjo et votre mère militante du RDPC, est-ce que cela n’a pas été difficile sur le plan familial ?
Non, sur le plan familial, cela n’a pas été difficile parce que j’ai eu la chance d’avoir des parents très ouverts qui ont compris pourquoi je m’engageais pour le changement au Cameroun. Malgré le fait que c’était un parti différent, mon père a trouvé normal qu’après son parcours et celui de ma mère, un de leurs enfants s’engage dans la politique. Malheureusement pour eux ce n’était pas dans le même parti politique.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de vous engager dans la politique ?
J’avais toujours devant moi l’image de ma mère, cette femme qui n’a pas pu aller à l’école juste parce qu’elle était femme, Mme Wandji Nkuimy Pauline Rose Ritée. Mes grands parents avaient préféré envoyer mes oncles, ses frères à l’école. Elle était femme de ministre, ne savait ni lire ni écrire, mais était très impliquée dans la vie sociale et politique. Elle a appris à lire et à écrire en élevant ses enfants. Je me suis dis que moi qui savait lire et écrire pourquoi je ne m’engagerais pas pour emmener les femmes aussi haut ?

Pour votre première élection, vous vous opposez à votre mère à la mairie de Douala Ier. Racontez nous
Lorsque mon médecin qui était président provincial du SDF pour le littoral me dit qu’il fallait absolument que je m’engage ouvertement puisque j’étais déjà avec le SDF, il y’avait des élections et un membre de la liste était décédé. Ils ont proposé que je le remplace au pied levé. Le même soir je suis allée au domicile familial et j’ai vu ma mère à la maison entourée de plusieurs femmes qui étaient en réunion pour le compte du RDPC et j’ai discuté avec mon père. Je l’ai informé que j’allais remplacer le voisin mort sur la liste Sdf et qu’il fallait qu’il m’aide à réunir les pièces car j’avais seulement 24 heures. Après quelques instants il m’a regardé et a dit « tu es vraiment ma fille mais je ne sais pas comment ta mère va le prendre ». Il appelle ma mère qui suspend sa réunion et vient. A son arrivée mon père lui dit « écoutes ce qu’elle va te dire » et je lui dis, « non papa c’est à toi de lui dire » et il se décide à parler. Il lui a donc annoncé la nouvelle et ma mère s’est mise à crier dans la chambre dans notre langue maternelle, « tu veux me tuer ? » « Que vont dire les gens ? » « Je vais me cacher où ? » Avec les yeux pleins de larmes, elle me dit que faire la politique c’est bien, mais « pourquoi avoir choisi le Sdf, les vandales qui brûlent les pneus et tout, regardes toi, tu vas aller te faire agresser ». On a convoqué ma mère au comité central du RDPC pour explication, en lui demandant pourquoi ils ont osé faire de telles choses et elle a tout simplement répondu « c’est ma fille, vous ne la connaissez pas ». Le pire, nous avons eu la mairie.

Vous n’avez pas pensé un moment à renoncer ?
Non. Quand je suis rentrée chez moi, j’en ai parlé avec mon mari et il m’a demandé comment je vais faire avec ma famille ? Je lui ai dit que si ce sont vraiment mes parents, ils l’accepteront au vue de l’éducation qu’ils nous ont donnée.

Pensez-vous que le fait que votre père ait fait la prison a influencé votre choix de parti politique au moment de vous lancer ?
Oui. Car sa prison m’a appris à me battre pour ce qui est juste. Parce que mon père était innocent et la justice l’a innocenté par la suite. Mais cela a pris cinq années de sa vie. Au cours de ces cinq, à trois reprises il a failli se faire tuer pour que la vérité ne triomphe pas.

Pensez-vous que votre engagement est né de cette révolte ?
C’est né de cette révolte et pour être toujours du côté des opprimés.

Le choix du parti politique était une réponse à cette révolte ?
Le choix du parti politique était peut-être une espèce de réponse, mais il y’a aussi les textes qui m’ont aidé à me décider parce qu’il y avait d’autres partis politiques. Si c’était vraiment le changement, la révolution pour la révolution je serais parti dans l’UPC. Donc, j’ai lu les textes du SDF qui m’ont intéressé, cette justice sociale, ce pouvoir au peuple.

Et depuis que vous y êtes, avez-vous l’impression de rendre service ?
Oui beaucoup. Ce n’est pas parce qu’on est militant du SDF qu’on cesse d’être un homme. J’ai vu qu’il y avait toujours une injustice, cette violence faite aux femmes, même à l’intérieur du SDF cela existe. Ce sont des camerounais, ils ne le font peut-être pas méchamment, mais il y a des réflexes. Donc étant au SDF j’ai prouvé à ces hommes qu’une femme pouvait faire bien, sinon mieux en gagnant les primaires contre des personnalités du SDF et ça c’était quelque chose. Et les femmes ont compris que c’était possible et j’ai par là prouvé aux camerounaises qu’on pouvait faire mieux pour son pays sans forcément être au gouvernement. Grâce à moi et à travers SERVITAS Cameroon (une ONG) il y a des choses qui changent au Cameroun. Je prends l’exemple des mutilations génitales féminines. Je sais que le SDF sous ma proposition avait fait une proposition de loi à l’assemblée nationale qui avait été rejetée. C’était pourtant une bonne proposition de loi, mais parce que cela venait du SDF cela a été rejeté. Je suis partie en Espagne à une réunion de l’international socialiste des femmes et j’ai interpellé les députés du parlement européen qui étaient à cette réunion et après, nous sommes directement allés au parlement européen. Et comme aujourd’hui il ya des réunions entre parlementaires, au cours d’une de ces réunions, on a interpellé le Cameroun sur le sujet et immédiatement j’ai vu la transformation. J’ai vu des banderoles où on appelait les responsables des ONG pour aller discuter de cela. Je n’étais certes pas invitée, mais j’étais heureuse. Ce n’est pas mon approche de faire la publicité car le bruit ne m’intéresse pas. Mon approche c’est de voir le résultat escompté.

Avez-vous eu beaucoup de difficultés à vous imposer au sein du parti ? Comment avez-vous procédé ?
C’est parce que justement la femme a beaucoup de qualités. Il faut voir comment nous vivons dans nos familles, dans nos ménages. Il y a eu des dissidences dans mon parti et même beaucoup de démissions et à chaque fois, beaucoup de gens ont compté sur moi pour partir avec eux parce qu’ils savaient toutes les pressions que je subissais, mais ce n’était pas la bonne solution. Il fallait rester là pour donner espoir. Dans le SDF, nous n’avons pas une section de femmes comme on le voit ailleurs, et je signale que je suis entrain de me battre pour ce regroupement et d’ailleurs c’est déjà en cours puisque le parti admet aujourd’hui que les femmes puissent se regrouper entre elles. Je peux vous assurer que ce n’est pas du tout facile.

Quelles sont vos rapports avec les hommes de votre parti ?
Tout d’abord des rapports de courtoisie, de camaraderie, mais il y a quand même un problème parce que beaucoup me trouvent ambitieuse et têtue. Parce qu’ils disent « qu’est-ce qu’elle fait encore là avec tout ce qu’elle a déjà subi ? » « Elle aurait du déjà fuir comme les autres ». Mais je trouve que c’est trop facile de partir. Et pour moi, avoir été candidate en face de ma mère n’était pas un jeu. Et rien que pour cela, il faut que j’aille jusqu’au bout.

Et vos rapports avec Ni John Fru Ndi ?
Je n’ai pas de problème particulier avec le président national en tant que personne. Mais j’ai un problème avec la démarche, la façon de voir les choses, ce côté paternaliste où il veut qu’on le traite comme un père. Mais moi, je ne peux pas le traiter comme un père, je n’arrive pas. Et cela crée parfois des frustrations et il pense que je lui manque de respect et à chaque fois je suis obligée de rappeler aux uns et aux autres que les personnes les plus chers pour moi, je les ai laissées de côté pour venir dans le Sdf et j’y suis pour les idées.

Et quels sont vos rapports avec Kah Walla qui a démissionné ?
Kah Walla arrive dans le parti aux élections de 2007, et c’est moi qui l’y ai emmené. Parce qu’elle apprend que je refuse d’aller aux primaires. La première fois, on a refusé que je conduise la liste même si par la suite je l’ai fait. Les arguments étaient que je suis à Douala 1er et c’est chez les Sawa, je suis une femme et je suis de l’Ouest. Et c’est trop prétentieux pour moi de vouloir conduire une liste en face des hommes. Et ça c’étaient pour les législatives en 2002. En 2007, il y a encore des législatives et quand on me demande pourquoi je ne fais pas acte de candidature, là je leur dit « écoutez, je suis toujours femme, toujours originaire de l’Ouest et toujours à Douala 1er. Pourquoi embarrasserai-je le parti en allant aux primaires ? Puisque je sais qu’en y allant, je gagnerai. Donc, je ne vais pas aux primaires, je ne vais pas aux élections, je ne suis même pas candidate ». Et j’ai dit que si le parti veut que je sois candidate qu’on me laisse en position éligible et ça avec toutes les femmes. J’avais déjà eu cette stratégie en 2002 et à la dernière minute, les autres femmes m’ont lâché. Et bien sûr j’ai été la seule femme a avoir déjà gagné les primaires sur toutes les femmes du comité exécutif national. Il y avait une seule qui avait aussi réussi parce qu’elle était déjà députée du RDPC avant de venir au SDF. Finalement donc je dis, je ne veux pas repartir dans ce combat inutile. J’ai connu Kah Walla parce qu’elle était (et est toujours) responsable de Stratégies qui est une société de communication qui travaille avec des sociétés et des fondations telle que Friedrich Ebert pour la formation. Elle m’appelle pour me dire qu’elle apprend que je ne veux pas être candidate. Alors je lui dis que je suis seule dans mon camp, les autres femmes n’ont pas mon courage et si on était seulement deux avec ce même courage, j’allais davantage foncer. Et elle me demande « si je venais avec toi sur la liste, tu accepterais ? » Je lui demande « tu peux ? » Elle répond par l’affirmative. Pendant une réunion du comité exécutif à Bamenda, on me demande une fois de plus pourquoi je ne suis pas candidate? Ils insistent et là je leur dis que je peux être candidate mais à une seule condition : que Kah Walla vienne avec moi sur la liste. Et la surprise fut très grande pour tout le monde. Après beaucoup de tractations, on me met sur la liste avec Kah walla (qui allait par la suite être cooptée comme membre du comité exécutif national, Ndlr) et pour me « punir », on a voulu mettre Kah Walla devant moi sur la liste. Cette dernière refuse en disant qu’elle ne connait pas le parti, elle n’est même pas militante, elle veut seulement entrer pour les élections. « Je ne peux pas être devant Chantal » disait-elle, « car c’est elle la locomotive ». Finalement, on met un homme devant moi. Alors on va aux élections. Je précise que militer n’est pas facile. Kah Walla n’était pas très présente aux réunions du comité exécutif national. Et à l’heure où je vous parle, elle n’a assisté qu’à trois ou quatre réunions du comité exécutif. Et il faut préciser, elle n’était jamais à l’heure ou repartait avant la fin des réunions.


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Votre avis sur la série de démission au Sdf?
Ce sont des démissions fictives. Parce qu’en fait, ces personnes ne venaient plus depuis au parti, elles n’étaient plus militantes il y a longtemps. J’ai été surprise lorsqu’on a même donné le nom d’un ancien député. Je ne savais même plus que cette personne était encore au Cameroun. S’il fallait appliquer les textes à la lettre on devait dire que certaines de ces personnes n’étaient plus militantes avant même qu’elles ne se déclarent.

Vous êtes vice présidente de l’international socialiste des femmes et membre du présidium de l’international socialiste. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Depuis 1993, j’ai commencé à fréquenter l’international socialiste, je suis ensuite passée délégué socialiste des femmes au comité Afrique. Ce dernier regroupe les membres de l’international socialiste des partis africains. Et à chaque fois, il y a une personne qui représente l’international socialiste des femmes pour voir la situation des femmes dans ces différents partis africains. Donc, j’ai fait ce travail pendant quatre et après je suis passée vice présidente de l’international des femmes et je continue toujours à le faire. Et je suis effectivement membre du présidium depuis 2008.

Racontez nous votre parcours académique et professionnel
Je suis née au Cameroun à Bagangté dans l’Ouest du pays en 1960. J’ai fait mes études primaires à Yaoundé au Parc Répiquet. Et puis nous nous sommes allés à Douala où j’ai fait le lycée des jeunes filles de New-Bell. Et dès la classe de seconde, je suis partie à Nice où j’ai achevé mon parcours au Parc Impérial en série scientifique. J’étais plutôt attirée par le social et donc je suis partie à Paris pour faire économie sociale et familiale. Après, j’ai eu la chance d’aller très souvent au Cameroun et je me suis lancée dans le business ; toutes les fois que j’allais au Cameroun j’achetais des chaussures à Nice qui est à la frontière avec l’Italie pour les revendre au pays. Ma s ur Alvine avait un Institut de Beauté Myriam’s dans le 11e arrondissement de Paris et j’y allais souvent et j’ai eu une autre formation car je venais souvent gérer sa structure et je rentrais au Cameroun. Par la suite je suis tombée enceinte et j’ai voulu élever personnellement mes enfants. J’ai alors presque tout arrêté. Toutefois, j’ai mis sur pied mon entreprise SURPRISE sarl à Akwa dans les cadeaux d’entreprise et c’est aussi là que j’ai pris goût à la politique. J’ai été membre de plusieurs associations féminines et parce que je n’étais plus trop présente mon entreprise a pris un coup, elle ne fonctionnait plus bien et je me suis engagée dans ces associations féminines et on a mis sur pied SERVITAS Cameroon qui encourage la participation des femmes dans la gestion à tous les niveaux, même en politique ; défend les droits de l’Homme plus particulièrement de la femme. Et tout récemment on a ajouté l’environnement compte tenu de l’implication des femmes dans les questions environnementales.

Comment avez-vous concilié votre vie de couple avec celle politique ?
Au début ce n’était pas facile avec mon mari. Mais il a vu mes preuves en tant qu’épouse, en tant que mère. J’ai quand même élevé mes deux enfants, en les lavant, les emmenant à l’école avant d’aller à ma boutique. Et quand j’ai commencé à être instable, mon absence se faisait ressentir à leur niveau. Et finalement je les ai emmenés à Nice. Mon mari a vu les résultats de mes actions partout, même dans mon village. Quand il y va, on lui dit merci, c’est grâce à ta femme qu’on a le puits d’eau, qu’on a ceci et cela. Mais un homme reste toujours un homme. Cela ne l’empêche pas de demander quand je voyage, tu rentres quand ?. C’est un militant aussi du SDF et il a finit par tout comprendre.

Un mot sur le réseau Femme pour un monde meilleur
Je rencontre ce réseau de part ma position en tant que responsable en charge des questions de genre aux SDF. Je rencontre donc ce réseau à Niamey où j’assiste à la première réunion. C’est un réseau entre les femmes africaines et les femmes espagnoles pour un monde meilleur. C’est un forum d’échange qui est intéressant et il est pris en charge par le gouvernement espagnol. Le réseau est à sa sixième année si je ne me trompe pas. Et la dernière fois à Valence en Espagne, on a eu à initier un groupe de travail sur l’éducation. Et il s’agit de faire un programme clair et net concernant l’éducation de la femme et de la jeune fille en Afrique.

Au Cameroun avez-vous des contacts avec les autres femmes politiques quelque soit le parti ?
Bien sûr, on se retrouve toujours à travers les associations féminines. Nous avons mis sur pied le Cri de la femme camerounaise. Je suis l’une des fondatrices du Cri qui est l’appel des femmes camerounaises aux candidat(e) s à l’élection présidentielle de 2004. Il était un groupement de femmes tout parti politique confondu. C’était très beau. Le Cri est né après les élections législatives et municipales de 2002 où les femmes se sont rendu compte qu’elles ont connu les mêmes difficultés dans leurs différents partis politiques.

Lorsqu’on fait la politique c’est parce qu’on a une ambition. Quelle est la vôtre?
La mienne c’est être en position de changer les mauvaises lois, de changer les choses pour améliorer la vie les femmes et les jeunes. Et bien sûr être présidente de mon parti et même présidente de la République.

Pour terminer, un mot sur la rencontre Fru Ndi -Paul Biya en marge du cinquantenaire il y’a quelques jours
C’est une rencontre qui avait déjà été sollicitée par John Fru Ndi. Apparemment le message n’était pas bien passé d’un coté comme de l’autre pour une rencontre entre les deux hommes. Ils se sont finalement rencontrés à Bamenda lors du Cinquantenaire des Armées. C’est une bonne chose car c’est normal que nos dirigeants s’asseyent et discutent du devenir de notre pays. Tout s’est bien passé. C’est l’inverse qui aurait été mal perçu, si malgré la demande officielle de John Fru Ndi à rencontrer le Président Paul Biya depuis longtemps, qu’il ne saisisse pas cette opportunité pour le faire. La question essentielle de leur rencontre concernait les élections et Elecam en particulier.

Chantal kambiwa