Delor Magelan Kamseu: «L’eau vendue dans les rues est impropre à la consommation»

Le président de la ligue des consommateurs camerounais commente la décision du préfet du Mfoundi d’interdire la vente de l’eau en sachets

Monsieur Kamseu, le préfet du département du Mfoundi, a interdit la vente d’eau en sachet dans la ville, est ce que vous prenez cela comme une demi victoire, vu que vous avez saisi le gouvernement à ce sujet?
Effectivement, à l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale de l’eau, le 22 Mars 2011, dont le thème cette année était : «l’eau pour les villes : répondre au défi urbain», nous avons rencontré la presse au Siège national de la Ligue Camerounaise des Consommateurs, (LCC), qui héberge dorénavant la Fédération Camerounaise des Organisations des Consommateurs, (FECOC), au cours de laquelle, au nom de mes collègues et collaborateurs, une vingtaine de Présidents des associations des consommateurs, nous avons clamé les doléances pressantes des consommateurs assoiffés d’eau. Entre autres, nous avons demandé au Ministre de la santé publique, dont le ministère avait diligenté des analyses sur un échantillon d’eau en sachets achetés dans la rue, qui ont démontrées que cette eau était impropre à la consommation humaine, d’interdire sa production et sa commercialisation. Nous avons d’ailleurs répercuté cette préoccupation, le même jour, en soirée, au cours d’un échange avec la presse, que le Ministre Mama Fouda avait sur le choléra à l’hôtel Hilton de Yaoundé. On ne peut pas parler de lutte contre le choléra, en permettant la vente du choléra en sachet. D’où la mesure salutaire du préfet du Mfoundi, qui doit être contagieuse à ses collègues d’autres départements du Cameroun. Monsieur le préfet, devra certainement déployer les équipes de contrôles sur le terrain, le plus tôt possible, afin de saisir les sachets d’eau en vente et punir les vendeurs. Nous allons solliciter une audience auprès de lui pour participer, avec sa permission, à cette démarche.

On a remarqué que même l’eau du robinet sensé être potable présente parfois un aspect douteux, quelles actions envisagez-vous contre cela?
Les consommateurs nous ont maintes fois notifiés des plaintes sur la qualité douteuse de l’eau émanant des robinets de la CDE (Camerounaise des Eaux), notamment son aspect jaunâtre. Cette eau ne respecte plus les trois propriétés élémentaires d’une eau potable, qui doit être incolore, inodore et sans saveur. Malheureusement, les consommateurs se sont habitués à une eau « camerounaise », et seuls les plus nantis sont à l’abri des maladies liées à l’eau, étant donné qu’ils peuvent se procurer plus aisément des filtres ou de l’eau minérale. Les pauvres véritables laissés pour compte, sont contraints à consommer cette eau colorée, avec odeur et beaucoup de saveur. Malgré les assurances données par cette entreprise sur la qualité de son eau, au départ des stations de pompage, certains agents de la CDE justifient cette couleur par la tuyauterie vieillissante. Comme si l’argent qu’ils extorquent chez les consommateurs chaque mois, ne permet pas de résoudre ce problème. En attendant que l’Agence des Normes et de la Qualité, (ANOR), entame son déploiement et se penche sur ce dossier, nous sommes entrain de réunir des preuves pour attaquer la CDE en justice, car le Gouvernement a déjà été interpellé sur la question plus d’une fois, mais préfère rester muet.

Est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu normaliser et encadrer la vente de l’eau plutôt que de l’interdire dans un contexte où l’offre est limitée par rapport à la demande?
Nous sommes d’accord qu’avec la pénurie d’eau qui a cours en ce moment, il faut permettre la vente d’eau dans la rue, pour soulager les consommateurs assoiffés. Mais c’est d’une eau potable dont ils ont besoin. Que ceux qui mènent cette activité nous rassurent sur l’origine de leur eau et sa qualité. Aussi, j’invite les industriels qui exercent dans la filière eau minérale, à étendre leurs activités à l’eau en sachet. Etant donné qu’une importante frange de consommateurs assoiffée ne dispose pas les moyens financiers pour acquérir, malgré leur bonne volonté, l’eau minérale embouteillée.

Parmi vos revendications vous exigez aussi le départ du ministre en charge des questions d’eau, pourquoi voulez vous qu’il parte?
Comme indiqué précédemment, le Gouvernement est régulièrement interpellé sur les déficits d’eau, en quantité, qualité, dont souffrent les consommateurs. Il faut passer des nuits blanches à la quête de la moindre goutte. Hélas, plus d’une fois, on préfère rester muet pour protéger sa complice la CDE. C’est ce laxisme, cet immobilisme, cette inertie, qui a amené les consommateurs assoiffés et esseulés, à en déduire que le poste est vacant. Et de demander le 22 Mars dernier, au Président Paul Biya, de nommer un Ministre de l’eau et de l’Energie. Etant donné que Michael NGAKO Tomdio est inutile pour les consommateurs.

Delor Magelan Kamseu, président de la ligue des consommateurs camerounais
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Que conseillez vous aux camerounais des villes qui n’ont pas d’eau ? Quelle est l’alternative face à ce problème?
Les résultats d’une enquête indiquent que 30,4% des personnes enquêtées déclarent que les coupures d’eau durent déjà entre quatre à six mois et 19% précisent que celle-ci durent déjà plus d’un an. De plus, 50% des individus interrogés ont en moyenne trois à quatre coupures d’eau. Plus de 46% des ménages victimes des coupures d’eau se rendent à la source la plus proche pour s’approvisionner. Ces derniers précisent que l’affluence observée dans les sources a été à l’origine des conflits du fait des congestions. Ces conflits ont conduit les responsables des sources à instaurer un système d’abonnement à l’avance pour toute personne souhaitant s’approvisionner. Le montant diffère selon les quartiers et varie entre 1000 FCFA et 3000 FCFA par mois par personne ou par ménage. Cela illustre parfaitement que les consommateurs ont pris le destin entre leurs mains. Ils se battent pour vivre, c’est-à-dire pour avoir de l’eau. Car l’eau c’est la vie. Mais ils doivent éviter d’enrichir davantage la CDE, en laissant leurs robinets ouverts, dans l’attente de l’eau. Car le souffle qui y sort fait tourner rapidement le compteur que d’habitude, quand l’eau coule et fait payer aux consommateurs une quittance surévaluée, qui ne reflète pas la vérité de la consommation effective d’eau. Il faut aussi développer le reflexe de toujours calculer les montants portés sur la quittance, pour éviter les calculs très souvent « erronés » de la CDE. Aussi vous savez certainement qu’un verre d’eau enlève la sensation de faim pendant la nuit, pour presque 100% des personnes au régime, comme le démontre une étude de l’université de Washington. Le manque d’eau est le facteur N° 1 de la cause de fatigue pendant la journée. Des études préalables indiquent que de 8 à 10 verres d’eau par jour pourraient soulager significativement les douleurs de dos et d’articulations pour 80% des personnes qui souffrent de ces maux. Une simple réduction de 2% d’eau dans le corps humain peut provoquer une incohérence de la mémoire à court terme, des problèmes avec les mathématiques et une difficulté de concentration devant un ordinateur ou une page imprimée. Boire 5 verres d’eau par jour diminue le risque de cancer du colon de 45 % et peut diminuer le risque de cancer du sein de 79% et de 50% la probabilité de cancer à la vessie.

Votre mouvement a aujourd’hui pris une nouvelle dimension. Parlez nous un peu de ces mutations?
Effectivement la Ligue Camerounaise des Consommateurs, (L.C.C.), a vu son dynamisme être récompensé, par une vingtaine de leaders d’organisations de défense et de protection des droits des consommateurs, qui leurs ont accordé leur confiance le 23 Février dernier. En élisant son dirigeant, comme Président Général de la FECOC (Fédération Camerounaise des Organisations de Consommateurs). Toute chose qui constitue un véritable tournant historique dans le paysage consumériste camerounais où chaque Président aimait bien son titre, même si le consommateur attendait toujours les retombées. Maintenant qu’on est ensemble, nos expériences seront partagées et mises à profit pour mieux défendre les consommateurs. Aussi certaines brebis galeuses, comme il en existe partout, seront ramenées dans la bergerie. Nous avons d’ailleurs reçu cette semaine la lettre de félicitations du Ministre du commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, qui n’a cessé de prôner le rassemblement de nos troupes, pour être mieux armés et donc plus forts. Certes il existe une autre « Fédération », mais qui a moins de cinq membres, tandis que nous avons vingt trois (23). Vous comprenez donc qui est qui. Nos portes restent cependant ouvertes pour les autres organisations, qui veulent bien se joindre à nous. Je rappelle, à toutes fins utiles, que le chef de l’Etat, Paul Biya, nous a désignés le 04 Février 2010, comme Représentant des Associations de défense des droits des consommateurs, au sein du Conseil d’Administration de l’ANOR, Agence des Normes et de la Qualité (ANOR).


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